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Martine Ouellet, reine des souverainistes «pressés» (VIDÉO)

Les militants souhaitaient son couronnement depuis quelques années.

MONTRÉAL – Courtisée par les militants « purs et durs » depuis quelques années, Martine Ouellet est devenue la première chef femme du Bloc québécois à leur plus grand bonheur. Son couronnement marque aussi la fin de l’influence de Gilles Duceppe, qui joue le jeu des fédéralistes selon la nouvelle chef.

Dans sa première allocution officielle comme chef, la députée de Vachon a répondu à ses critiques qui ont exprimé un « agacement » envers son double rôle à Québec et à Ottawa. Aux fédéralistes, elle les a accusés d’avoir peur. Aux souverainistes, elle les a prévenus de ne pas « tomber dans le piège des fédéralistes ».

« Je pense qu’à un moment donné, il faut arrêter de se laisser enfirouaper dans ce discours fédéraliste-là, d’arrêter de tomber dans le piège de la rhétorique fédéraliste, la rhétorique tordue à la Jean-Marc Fournier », a-t-elle lancé aux journalistes, en point de presse par la suite.

Cette mise en garde était également servie au chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, qui croit que Mme Ouellet ne devrait pas cumuler les fonctions de députée à l’Assemblée nationale et de chef à Ottawa. « Lorsqu’il émet des réserves et… d’être dérangé par ça, je pense qu’il tombe dans ce piège. »

Pense-t-elle que Gilles Duceppe – qui était en faveur d’une course en 2018 et qui a lui aussi critiqué ce double rôle – est lui aussi tombé dans ce « piège des fédéralistes »? « Effectivement », a-t-elle laissé tomber.

Celui qui est venu à la rescousse de Mario Beaulieu à l’été 2015, en le remplaçant comme chef le temps de l’élection fédérale, n’était pas présent pour le rassemblement au Théâtre Plaza de Montréal, samedi.

« Je m’attendais à le voir aujourd’hui. Il est peut-être occupé », a dit l’ex-candidate bloquiste Sophie Stanké, qui animait l’évènement. Elle dit qu’elle aurait aimé le présenter sur scène.

«C’est sûr que nous, les plus vieux, qui sommes là depuis l’origine [du mouvement indépendantiste], on est pressés parce qu’on est à veille de mourir!»

— Gaston Loubier, militant de 79 ans

Mme Ouellet admet que M. Duceppe et elle ne sont pas toujours d’accord, mais qu’ils se parlent « de temps en temps ».

« Là où on se rejoint, c’est dans la rigueur, c’est dans le travail des dossiers et ça, on se rejoint vraiment à ce niveau-là et je suis certaine qu’on va pouvoir continuer à collaborer », a-t-elle précisé.

Jean-François Lisée brillait lui aussi par son absence, en raison de sa tournée dans le Bas-St-Laurent et la Gaspésie. Il a envoyé sa whip en chef, Carole Poirier, pour le représenter.

Le chef d’Option nationale, Sol Zanetti, était quant à lui bien présent. Il en a également profité pour prendre un égoportrait avec Mme Ouellet que voici :

Courtisée depuis 2014

La route vers le Bloc était pavée pour Martine Ouellet depuis un moment déjà. Elle avait été approchée lors de la dernière course à la direction du parti, en 2014, qui avait finalement fait élire le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu. Elle a décliné l’offre.

Après l’élection fédérale de 2015 – et le départ de Gilles Duceppe – des militants bloquistes espéraient que la députée de Vachon démontre de l’intérêt pour briguer la direction de leur parti.

Mais la principale intéressée avait mis fin aux rumeurs dévoilées au grand jour par le chroniqueur politique Jean Lapierre en janvier 2016, disant qu’elle était « au Parti québécois pour y rester ».

Au sein du caucus, deux aspirants chefs souhaitaient une course à la direction du Bloc dans les plus brefs délais. Surtout, ils voulaient éviter que Rhéal Fortin, nommé chef par intérim par Gilles Duceppe, renonce à se porter candidat.

Tel que révélé par le HuffPost l’an dernier, Mario Beaulieu, député de Pointe-de-l’Île et président du parti, ainsi que Xavier Barsalou-Duval, député de Pierre-Boucher-Les-Patriotes-Verchères, ont exigé un vote sur le sujet dans un caucus à huis clos, début février 2016.

Leur demande a finalement été rejetée à cinq voix contre quatre. M. Fortin s’est retiré pendant les délibérations et le vote.

Quelques jours plus tard, M. Beaulieu a annoncé qu’il ne serait pas candidat, mais qu’il pensait qu’un jeune chef aurait pu être un atout. M. Barsalou-Duval et l’ex-candidate bloquiste Catherine Fournier avaient fait valoir leur intérêt pour le poste à ce moment-là.

Rappelons que Mme Fournier avait été approchée par Gilles Duceppe pour assumer la présidence du parti, après sa défaite aux élections de 2015. M. Beaulieu avait dit qu’il n’était pas question pour lui de céder sa place, même s’il était devenu député.

La démission surprise de Pierre Karl Péladeau de son poste de chef du Parti québécois et de député est venue précipiter les choses pour Martine Ouellet en créant une autre course à la direction au PQ.

«La volonté d’indépendance des Québécois ne va pas tomber du ciel! Ce n’est pas de la pensée magique, il faut que quelqu’un en parle.»

— Denis Trudel, comédien

Avant même que Mme Ouellet confirme qu’elle serait de nouveau candidate à la chefferie du PQ, le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval, avait annoncé qu’il appuyait sa candidature.

« Ce qu’on a vu, dans les dernières années, c’est une tendance à tergiverser sur l’indépendance, à ne pas entreprendre le dossier de front, alors que moi, je considère que c’est la seule façon possible de rassembler les indépendantistes », avait-il confié au HuffPost à ce moment-là.

En parallèle, Catherine Fournier proposait, conjointement avec les députés péquistes Nicolas Marceau, Mireille Jean et Alain Therrien d’ouvrir la porte au fédéralisme renouvelé.

Cette proposition a été accueillie avec froideur et différence dans le caucus bloquiste. La députée de Manicouagan, Marilène Gill, n’avait d’ailleurs pas mâché ses mots à l’endroit de Mme Fournier, qui ne « représent[ait] plus le Bloc québécois, non plus que ses militants que ses différentes instances ou son aile parlementaire » à son avis.

« J’ose croire que cette sortie a d’ailleurs mis un terme à sa réflexion sur sa possible participation à la course à la chefferie du Bloc québécois », a martelé la bloquiste.

« Il faut sortir des sentiers battus parce qu’il ne faut pas se cacher qu’en ce moment, ça ne va pas particulièrement bien dans le mouvement indépendantiste. Il faut essayer des choses qui n’ont pas été faites, il faut avoir de l’audace », avait répliqué Catherine Fournier, qui est devenue députée du PQ dans Marie-Victorin depuis.

Des appuis au Bloc seulement

En 2016, Mme Ouellet s’est lancée dans la course sans l’appui de députés de son caucus, mais avec l’appui de quatre députés bloquistes. Elle non plus n’a pas mâché ses mots pour dénoncer ses adversaires, qu’elle traitait de « provincialistes » parce qu’ils ne s’engageaient pas à tenir un référendum dans un premier mandat.

La députée de Vachon a terminé troisième dans sa deuxième course à la direction du Parti québécois avec 16,46% des voix au premier tour. Se ralliant au chef Jean-François Lisée, elle a été nommée porte-parole en matière de culture et de communications. Mais leurs divergences sur l’approche souverainiste étaient bien connues.

Deux mois plus tard, Radio-Canada révélait que Mme Ouellet réfléchissait à briguer la direction du Bloc québécois. Fidèle au poste, Xavier Barsalou-Duval a aussitôt déclaré qu’il serait prêt à l’appuyer – pour mener le Bloc, cette fois.

En coulisses, certains s’activaient pour tenter de repousser la course en 2018, le temps de trouver d’autres possibles candidatures. Même Gilles Duceppe était favorable à cette idée qui aurait évité bien des maux de tête avec le double rôle de Mme Ouellet selon lui.

«On n’a pas eu de nouveaux visages, on n’a pas eu de nouvelles idées, on n’a pas eu de nouveaux membres»

— Me Louis Demers

Le député de Montcalm, Luc Thériault, un proche de M. Duceppe, avait carrément appelé Mme Ouellet à démissionner de son poste de députée à l’Assemblée nationale si elle devenait chef. Il a toutefois écarté l’idée de se présenter comme candidat à la direction par dépit.

Les délégués présents au conseil général tenu au mois de février en ont décidé autrement. Une grande majorité a voté en faveur d’une course rapide, avant la conclusion des courses à la direction du Parti conservateur et du NPD.

Mais des voix se sont élevées contre les critères trop exigeants. Les aspirants candidats avaient un peu plus d’un mois pour amasser 1000 signatures et 15 000$ afin d’être dans la course. Quant aux nouveaux membres, ils avaient 10 jours pour prendre leur carte du parti.

L’avocat Louis Demers a songé à se porter candidat, mais dit avoir finalement laissé tomber devant l’ampleur de la tâche. Aujourd’hui, il se désole de voir que le Bloc n’a pas eu une course à la direction en bonne et due forme.

« On n’a pas eu de nouveaux visages, on n’a pas eu de nouvelles idées, on n’a pas eu de nouveaux membres », a-t-il déploré en entrevue.

Une «évolution» du BQ

Mme Ouellet est la seule à avoir rempli ces critères dans les délais requis, en récoltant l’appui de la majorité du caucus bloquiste en chemin. Son seul adversaire potentiel, l’ancien candidat bloquiste dans Rivière-des-Mille-Îles, Félix Pinel, n’a pas réussi à amasser les signatures requises à temps.

Celle qui a été candidate à la direction du PQ à deux reprises a donc été élue chef du Bloc par acclamation mardi, le 14 mars. Elle a aussitôt annoncé qu’il y aurait une « évolution dans le rôle du Bloc québécois ».

« Un rôle de défendre les intérêts du Québec très clairement et les consensus au Québec. Mais aussi un rôle de préparer l’indépendance du Québec », a-t-elle précisé.

Samedi, elle a appelé Félix Pinel à se présenter de nouveau candidat aux élections fédérales de 2019. « J’accepte l’invitation », a-t-il répondu sur Twitter.

Le nom de Gilles Duceppe n’a pas été mentionné une seule fois dans son discours de quelque 40 minutes. Elle a toutefois remercié Rhéal Fortin, qui mène les troupes comme chef intérimaire depuis 16 mois, lors de la présentation du caucus.

Martine Ouellet se définit comme une « amie du Parti québécois, mais [amie] de Québec solidaire et d’Option nationale aussi ». Elle souhaite reprendre là où l’ancien chef Mario Beaulieu avait laissé, c’est-à-dire de mettre l’indépendance en avant-plan.

M. Beaulieu, qui occupe la fonction de président du Bloc, était resté muet sur la course. Mais il n’a pas caché sa satisfaction lorsque sa nouvelle chef a été couronnée. « Je suis resté neutre pendant l’élection, mais je suis bien content », a-t-il affirmé.

Le comédien Denis Trudel, qui a été l’un des premiers à demander que Mme Ouellet devienne chef, pense que le Bloc occupera une « niche [politique] qui est assez évidente » dans les prochaines années, considérant que le Parti québécois sous Jean-François Lisée ne tiendra pas de référendum dans un premier mandat.

« La volonté d’indépendance des Québécois ne va pas tomber du ciel! s’est-il exclamé en entrevue. Ce n’est pas de la pensée magique, il faut que quelqu’un en parle. »

Des militants déçus par le PQ

Environ 200 militants étaient présents au Théâtre Plaza pour assister au premier discours officiel de Mme Ouellet comme chef, mais aussi pour entretenir l’espoir de voir le Québec devenir un pays.

« C’est sûr que nous, les plus vieux, qui sommes là depuis l’origine [du mouvement indépendantiste], on est pressés parce qu’on est à veille de mourir! On aimerait bien voir ça », a déclaré Gaston Loubier, 79 ans.

Il y avait également une certaine frustration parmi certains militants à l’égard du Parti québécois dirigé par Jean-François Lisée, qui remet la promotion de l’indépendance aux calendes grecques à leur avis.

«Moi, j’ai encore ma carte du PQ, personnellement. Elle n’est pas encore déchirée.»

— Stéphane Dufresne, militant de 45 ans

Stéphane Dufresne, 45 ans, qui a appuyé Martine Ouellet à la dernière course à la direction du Parti québécois, pense que le Bloc « va pousser dans le derrière du PQ » pour parler de l’indépendance du Québec.

« Moi, j’ai encore ma carte du PQ, personnellement. Elle n’est pas encore déchirée. Mais j’ai beaucoup d’amis autour de moi qui l’ont déchirée », a-t-il soutenu, drapeaux du Québec et des Patriotes en main.

Claude Desrosiers, 69 ans, dit qu’il connaît Martine Ouellet depuis des décennies et apprécie son franc-parler. « Elle a du nerf, elle n’a pas la langue dans sa poche et je pense que ça manque, en politique. »

Il pense également qu’elle est la chef indépendantiste la plus habile avec les médias.

« Lisée tente l’union des impossibles à mon avis - et j’espère bien que ça se produise – mais ce n’est certainement pas avec les vers solitaires de Québec solidaire que ça se fera. »

Une nouvelle équipe en place

Mme Ouellet a nommé son plus fidèle allié, Xavier Barsalou-Duval, comme chef parlementaire – une décision qui ne plait pas à tous, selon nos informations. Il s’exprimera au nom de la chef et du parti, tant à la Chambre des communes que lors des mêlées de presse.

Le député de Joliette, Gabriel Ste-Marie, deviendra quant à lui leader parlementaire, alors que la fonction de whip va à la députée de Manicouagan, Marilène Gill. Elle proposera que le doyen, Louis Plamondon, reste président du caucus.

Chose certaine, la nouvelle chef aura de nombreux défis à relever en voyageant entre Ottawa, Québec et sa circonscription sur la Rive-Sud de Montréal. Il reste à voir comment son « transparlementarisme » tiendra le coup jusqu’en 2018.

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