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«Le tsar de Peshawar»: un polar géopolitique complexe, touffu et explosif (ENTREVUE)

«Le tsar de Peshawar»: un polar géopolitique complexe, touffu et explosif
Courtoisie

Bien connu comme scénariste au cinéma (Le dernier tunnel, La Maison du pêcheur) et à la télévision (La Marraine), Mario Bolduc revient à la littérature avec son quatrième roman, Le tsar de Peshawar. Le polar raconte le destin d’un importateur de tapis de luxe, Richard Rocheleau, qui est catapulté au Pakistan en pleine invasion soviétique de l’Afghanistan, de sa femme Joan qui succombera des années plus tard dans l’un des événements les plus tragiques de l’Histoire et de sa fille Nadia, qui tombera en amour avec le fils d’un combattant de Ben Laden, près de dix-sept ans avant que son propre fils se radicalise et joigne le djihad pour des raisons tout sauf prévisibles. Analyse d’une œuvre géopolitique complexe et surprenante.

Comment expliquez-vous votre penchant vers le polar?

J’aime l’idée d’écrire une histoire qui part d’un crime ou d’une enquête, avec un objectif très clair. Ça me rassure. Même si les personnages vont être surpris et qu’ils ne savent pas tout ce qui les attend, il y a une motivation première très forte. Par contre, c’est rare que j’écrive sur un enquêteur. Je m’intéresse davantage aux personnages atypiques qui s’engagent dans une aventure pour des raisons personnelles. Par exemple, dans la télésérie La Marraine, une mère de famille prend le relais de son mari trafiquant de drogues pour assurer la réussite de sa famille. J’aime ces contrastes entre le moral et l’amoral, le chaud et le froid.

Le tsar de Peshawar fait référence à Richard Rocheleau, le commerçant. Alors, pourquoi avoir adopté le point de vue de sa fille Nadia pour raconter l’histoire?

Richard est dans l’action et il fait plein de choses pas correctes pour assurer la réussite de son entreprise. Je préférais suivre Nadia en tant que témoin impliqué, qui peut juger son père. De plus, on débute l’histoire en 1986, alors qu’elle est une enfant, et on se rend jusqu’en 2011, quand elle est adulte. Ce passage des années permet de la voir vieillir et d’observer ses impressions changer. Au début, elle est émerveillée par ce que sa famille fait. À l’adolescence, elle tombe amoureuse. Puis, elle donne naissance à un enfant qui lui cause des problèmes. C’est un spectre beaucoup plus riche que si j’avais suivi son père uniquement.

Pourquoi avoir campé votre histoire dans le Moyen-Orient des années 80?

Pour moi, l’invasion soviétique en Afghanistan représente un point de rupture. Pendant des décennies, toutes les actions politiques des États-Unis et de plusieurs pays occidentaux étaient basées sur la peur des communistes. Jusqu’à la guerre en Afghanistan et la prise du pouvoir de l’imam Khomeini en Iran, qui ont entraîné la mouvance d’une peur islamiste. J’avais envie d’utiliser plusieurs éléments historiques de cette époque, sans vouloir en faire un documentaire. J’ai ensuite créé une famille qui serait d’abord témoin de ces bouleversements géopolitiques, avant d’y participer sans trop mesurer ce qu’ils sont en train de faire. Un peu comme l’Occident qui est allé en Afghanistan simplement pour nuire aux Russes, avant d’être pris au jeu.

Sachant qu’il y a très peu d’étrangers qui auraient pu se forger une place du genre dans cet univers, avez-vous mis du temps pour trouver la profession de Richard?

J’ai déjà voyagé au Cachemire et dans des endroits du genre, et j’avais vu à quel point l’industrie du tapis oriental était importante. J’ai déjà travaillé aussi à Vancouver pour un marchand qui importait des tapis de grande classe, tissés à la main, et qui avait dû transformer ses liens d’affaires quand les États-Unis ont commencé à boycotter l’Iran. Je me disais donc que ce serait une bonne profession pour un Québécois à l’étranger. Et, il y a quelques années, lors d’un voyage en Inde, j’ai croisé quelqu’un qui voyageait à partir du Pakistan et qui faisait le tour des fournisseurs de tapis pour une compagnie basée à New York. Il m’a servi de modèle. Je ne voulais pas d’un employé d’une ONG ou d’une ambassade ni un militaire, mais quelqu’un qui travaille au privé. Richard est prêt à tout pour prospérer. Mais son insouciance va le rattraper.

En grandissant dans cet univers si particulier, quel genre de femme est devenue Nadia?

Elle a une expérience internationale et un contact très proche avec l’islam, puisqu’elle a vécu dans différents types de pays islamiques. Elle connait le côté très rigide de Peshawar, qui est tout à fait différent de l’ouverture qu’on ressentait à Kaboul à l’époque et d’Istanbul, qui ressemblait à une ville occidentale aussi religieuse que Montréal peut être catholique. Comme elle comprend les nuances de l’islam, elle est d’autant plus choquée de voir son fils se radicaliser. De plus, son garçon Samuel a le visage de son père, et Nadia ne s’est jamais remise de sa peine d’amour. Elle a voulu mourir avec son amoureux!

Pourquoi avoir voulu inclure la notion d’un jeune nord-américain qui se radicalise dans cette histoire?

Pour moi, cela représente la fin de l’histoire de Nadia et de ses parents, un peu comme la dérive complète de ce qui a débuté à Peshawar des décennies plus tôt. À mon avis, les horreurs commises au cours des dernières années par le groupe État islamique est le résultat de l’invasion soviétique en Afghanistan décidée sur un coup de tête. Un peu comme si on avait frappé un boulier et que les boules s’étaient mises à rouler dans tous les sens. Ben Laden a été mis au monde par l’Afghanistan. Le pays a été envahi. L’Irak a suivi. Et l’État islamique est né.

Le tsar de Peshawar est présentement en librairies.

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