Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Motion contre l'islamophobie: les élus fédéraux divisés

Le débat s'amorce à Ottawa pour condamner l'islamophobie de façon symbolique.

OTTAWA – Une motion d’une députée libérale pour condamner l’islamophobie ne fait pas l’unanimité à Ottawa. Mais la principale intéressée n’a pas l’intention de la modifier, a confirmé son bureau au Huffington Post Québec.

La motion M-103, présentée par la députée ontarienne Iqra Khalid, sera débattue à la Chambre des communes dès mercredi. Elle propose au gouvernement fédéral de « condamner l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ».

M-103 parle aussi d’un « climat de haine et de peur qui s’installe dans la population » et demande au Comité permanent du patrimoine canadien d’entreprendre des études pour une approche pangouvernementale pour éliminer les formes de discriminations fondées sur le racisme et la religion.

Iqra Khalid n'a pas l'intention de changer sa motion de sitôt. (Photo: PC)

« La députée Khalid n’envisage pas d’amendements à la motion », a écrit Anas Marwah, son adjointe administrative, dans une déclaration.

« La motion telle que déposée a reçu le soutien de différents députés de tous les partis, de différentes organisations et surtout de l’ensemble des Canadiens. Diluer la motion ne sera pas dans le meilleur intérêt de tous ceux qui l’ont soutenue et l’ont défendue. Elle a hâte au débat à venir afin de répondre aux inquiétudes que les députés pourraient avoir. »

Il n’a pas été possible de parler à Mme Khalid pour obtenir plus d’explications.

Certains de ses collègues libéraux, ainsi que des députés de d’autres partis, aimeraient mieux qu’il y ait certaines modifications à la motion.

Nicola Di Iorio, le député libéral de Saint-Léonard-Saint-Michel, reconnaît qu’il existe des comportements discriminatoires à l’endroit de la communauté musulmane.

S’il se dit d’accord avec le principe général de la motion, il se montre hésitant à affirmer qu’il existe un « climat de haine et de peur » au Canada.

« Je voudrais entendre les explications qu’on donne et voir à quoi on fait référence », indique l’avocat de formation.

Anthony Housefather a donné son appui public à M-103. (Photo: PC)

Son collègue libéral de Mont-Royal, Anthony Housefather, a donné son appui formel à la motion lundi. Il admet toutefois qu’il aurait aimé que Mme Khalid change « certaines choses » dans sa motion.

« J’aurais écrit [qu’il faut condamner] non seulement l’islamophobie, mais l’antisémitisme, l’antichristianisme et tous les autres. Ou j’aurais juste écrit ‘toutes les formes de racisme’ », mentionne M. Housefather.

Le PCC et le Bloc ont des réserves

Certains conservateurs s’inquiètent des possibles effets de la motion sur la liberté d’expression et ce, même si M-103 n’est pas un projet de loi et donc n’aurait aucune incidence législative si elle est adoptée à majorité.

Le député de Beauce Maxime Bernier, aussi candidat à la direction du Parti conservateur du Canada, est d’avis que le mot « islamophobie » doit être retiré, afin que la motion condamne de facto toutes les formes de discrimination religieuse.

Dans sa forme actuelle, elle pourrait constituer un premier pas pour limiter les critiques de l’islam, croit-il.

« La crainte, c’est qu’il y a un mouvement à l’intérieur de l’islam qui ne veut vraiment pas qu’on critique cette religion-là et qu’on la parodie. On ne peut pas le nier, ça existe et il y a des gens qui font de l’activisme en faveur de ça. Il ne faut pas [leur] donner des munitions », a précisé Maxime Hupé, directeur des communications de l’équipe Bernier.

Andrew Scheer, aussi candidat à la direction, pense que la motion n’est pas « inclusive », puisqu’elle ne cible qu’une religion en particulier. Il insiste que le Canada a déjà des lois pour punir les crimes haineux.

Andrew Scheer et Maxime Bernier se sont prononcés contre M-103. (Photo: PC)

Selon l’élu de la Saskatchewan, il s’agit d’une « stratégie libérale » de pointer du doigt tous ceux qui ne soutiendraient pas une motion pour condamner l’islamophobie. « Ce sont des politiques de division et ce n’est pas bon pour notre pays », critique-t-il.

« J’espère que les gens vont comprendre et j’espère que les gens de confession musulmane vont comprendre aussi. Je n’ai rien contre leur religion, mais je suis pour la liberté d’expression et pour les critiques légitimes », poursuit M. Scheer.

Mais un autre candidat à la direction, Michael Chong, n’est pas du même avis. Il explique que les parlementaires ont souvent adopté des motions qui dénoncent la discrimination contre des minorités culturelles et religieuses, comme les Yazidis.

Il propose d’ailleurs d’abroger la section 319 du Code criminel qui punit les discours haineux, puisque la meilleure façon de combattre ces discours est par le biais de la liberté d’expression.

Rhéal Fortin, le chef par intérim du Bloc québécois, questionne pour sa part le « climat de haine et de peur » décrit comme généralisé dans la population et les formes de discrimination décrites comme « systémiques ». Il dit que les députés de son caucus ne pourront pas appuyer la motion telle quelle.

« La haine, ça concerne tout le monde »

Le NPD avait réussi à obtenir le consentement unanime de la Chambre des communes, en octobre dernier, pour se joindre aux quelque 70 000 Canadiens qui avaient signé une pétition électronique pour condamner toute forme d’islamophobie.

Matthew Dubé, porte-parole en matière de Sécurité publique, pense que l’adoption de la motion de Mme Khalid serait une suite logique à cette rare unanimité aux Communes.

« C’est une motion qu’on appuie et je ne comprends pas pourquoi on se cache derrière l’excuse de dire qu’on ne veut pas donner des protections spéciales à un segment de la population. C’est tout le contraire. La haine, ça concerne tout le monde. »

VOIR AUSSI :

INOLTRE SU HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.