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Justin Trudeau n'est pas le messie anti-Trump

Justin Trudeau n'est pas le messie anti-Trump

Justin Trudeau n’a jamais demandé le titre d’anti-Trump.

À la suite de sa première rencontre avec le président américain à Washington lundi, le premier ministre canadien a fait savoir qu’il n’allait pas emprunter cette avenue.

Et ceux qui aiment lire entre les lignes sont invités, semble-t-il, à lire une deuxième fois.

Les contrastes étaient évidents avant même que le millionnaire belliqueux ne devienne candidat républicain et qu’il prenne, contre toute attente, les rênes de la Maison-Blanche.

Donald Trump a tenu un discours qui a démonisé les musulmans et les immigrants et a été accusé de maltraiter les femmes. Pendant ce temps, plus au nord, le féministe Justin Trudeau continuait de séduire le reste du monde en accueillant des réfugiés syriens par une froide soirée à Toronto.

Lorsque l’ex-vice-président américain Joe Biden a visité Ottawa, peu après la victoire de Donald Trump, il a dit à Justin Trudeau que les regards du reste de la planète se tourneraient bientôt sur lui.

Pour plusieurs, le Canada était sous les projecteurs.

Mais ceux qui suivent la politique de près savent très bien que M. Trudeau a plus souvent qu’autrement évité de critiquer directement le président Trump, même après l’annonce du décret migratoire contre sept pays à majorité musulmane.

Lundi, à Washington, en pesant bien ses mots, le premier ministre a démontré qu’il n’allait pas changer d’attitude.

«Il y a des moments où nous avons nos divergences d’opinion. Et nous avons toujours traité ces situations fermement et avec respect», a dit M. Trudeau lorsque interrogé sur le décret migratoire, qui est maintenant freiné en cour.

«La dernière chose que les Canadiens attendent de moi, a continué le premier ministre, c’est d’arriver dans un pays et de faire la morale, de dire comment ils devraient gouverner. Mon rôle, notre responsabilité, est de continuer à gouverner selon les valeurs canadiennes et d’être un bon exemple pour le reste du monde.»

Trump a défendu sa position en parlant de «bon sens».

Justin Trudeau a indiqué que lui et son vis-à-vis partagent des objectifs communs.

«Le président Trump et moi avons été élu pour soutenir la classe moyenne. Nous voulons travailler fort afin d’aider ces personnes qui peuvent aspirer au succès, a-t-il dit. En travaillant ensemble, en poursuivant les efforts d’intégration de nos deux économies, nous allons créer, pour la classe moyenne, de belles possibilités, aujourd’hui et pour de nombreuses années à venir.»

«La dernière chose que les Canadiens attendent de moi, c’est d’arriver dans un pays et de faire la morale, de dire comment ils devraient gouverner.» - Justin Trudeau

C’était sans doute une stratégie raisonnable pour un premier ministre qui souhaite protéger des échanges économiques quotidiens de près de 2 milliards de dollars entre les deux pays. Donald Trump souhaite rouvrir l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et le début de son mandat est marqué par deux mots : America First. L’attitude du président peut être effrayante pour de nombreux Canadiens dont le travail dépend de nos voisins du sud.

Justin Trudeau a quitté Washington après que Donald trump lui eut indiqué vouloir protéger les emplois, promouvoir l’échange et garder la richesse sur le continent.

Bien que plusieurs voit ces engagements comme une victoire et un modèle pour les autres pays qui devront négocier avec le président Trump, d’autres, qui souhaitaient davantage, n’ont pas le cœur à la fête.

Juste avant la conférence de presse commune, Catherine Clark, la fille de l’ex-premier ministre Joe Clark, a tweeté qu’elle souhaitait voir Justin Trudeau imiter Hugh Grant dans le film Love Actually si les choses devaient mal aller. Elle faisait référence à la scène où l’acteur, incarnant le premier ministre britannique, réussit, devant les caméras, à mettre K.-O. le président américain grâce à son discours charmant mais ferme.

C’est le genre de choses auxquelles les Canadiens (tout comme les Britanniques ou les Australiens) rêvent parfois. Mais en réalité, c’est plus complexe!

S’il a souvent été encensé, Justin Trudeau doit aussi faire face, chez lui, à une partie de la population qui souhaiterait le voir prendre des positions plus musclées. Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair, qui a récemment traité Trump de fasciste à la Chambre des communes, a accusé le premier ministre d’être demeuré muet sur le décret migratoire.

«Ça fait partie du rôle de premier ministre du Canada que de s’élever contre le racisme et la haine», avait insisté M. Mulcair en Chambre.

Jusqu’à maintenant, Justin Trudeau semble plutôt se tourner vers Twitter.

Lorsque des milliers de femmes ont marché dans les rues après l’assermentation du président Trump, M. Trudeau a louangé sur Twitter ces femmes inspirantes. Alors que quelques médias américains ont insisté pour dire qu’il s’agissait là d’une autre raison pour déménager au Canada, on révélait qu’aucun ministre libéral, pas même celle de la Condition féminine, n’avait participé au mouvement.

Peu après l’annonce du décret migratoire par Trump, M. Trudeau avait tweeté que ceux qui fuient la persécution et la violence seraient accueillis par le Canada. Ce message avait été interprété par les médias internationaux comme une main tendue vers ceux qui étaient chassés des États-Unis.

Justin Trudeau a indiqué qu’il serait capable de travailler avec Donald trump, malgré leurs différends. Le travail a débuté lundi après une poignée de main sentie à l’extérieur de la Maison-Blanche.

Le premier ministre a agrippé solidement le président américain avec sa main droite avant de placer sa gauche sur le coude de son vis-à-vis. Peut-être était-ce un geste chaleureux, peut-être était-ce une tentative d’empêcher Donald Trump de le tirer fermement vers lui, comme il l’a fait avec d’autres diplomates par le passé.

Justin Trudeau a une poignée de main ferme. Peut-être a-t-il hérité la chose de son père, l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Justin Trudeau a offert lundi une photo encadrée du président aux côtés de son père, prise lors d’un événement, en 1981. Il voulait peut-être rappeler à Donald Trump une autre chose que les deux avaient en commun.

Pierre Elliott Trudeau avait déjà dit qu’être voisin des États-Unis était comme dormir avec un éléphant : «Peu importe si la bête est douce et placide, on subit chacun de ses mouvements et de ses grognements.»

Le reste du monde ne doit pas s’attendre à ce que Justin Trudeau dérange l’éléphant qui dort.

Ce texte, initialement paru sur Huffington Post Canada, a été traduit de l’anglais.

Voir aussi:

Trudeau rencontre Trump (13 février 2017)

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