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«Écrivain, on ne vit pas de ça au Québec»

«Écrivain, on ne vit pas de ça au Québec»
Roxane Paquet Photographe

Quand Patrick Isabelle s'adresse à la trentaine d'ados assis sagement en face de lui pendant le cours de français de madame Hervet, l'auteur n'y va pas par quatre chemins : « Mon métier principal, c'est écrivain, mais on ne vit pas de ça au Québec. Du moins, c'est difficile d'en vivre. »

L’auteur jeunesse explique aux jeunes que pour boucler ses fins de mois, il fait aussi de la radio, il est libraire, il s’apprête à devenir éditeur pour Les éditions FouLire et il travaille en parallèle sur une série télé pour Vrak.

En quelques phrases, il a capté leur attention. Pendant toute la rencontre, il n’y aura pas un bruit. Les jeunes sont attentifs. Puis, il pose la question fatidique : « Avez-vous des questions pour moi? » Il n'y a pas de silence embarrassant, mais au contraire, des mains qui se lèvent.

Patrick Isabelle s’est rendu à la mi-janvier dans une classe de troisième secondaire du Collège Mont-Saint-Louis, à Montréal. Il répondait à l’invitation de la jeune Flavie, une des élèves, qui a remporté le concours Choix du public littérature jeunesse, organisé par Radio-Canada en marge du Prix TD de littérature canadienne pour l’enfance et la jeunesse, une belle occasion d'en savoir plus sur le parcours d'un auteur qui s'est intéressé à la littérature jeunesse un peu malgré lui et qui ne mâche pas ses mots.

Un premier roman « pourri » en sixième année

Pendant ses études dans une école alternative, Patrick Isabelle a décidé de son horaire en fonction de ses goûts dès la maternelle. Déjà, écrire était son activité de prédilection. C’est comme ça qu’il a écrit son premier roman, en 6e année. Murmures d’admiration dans la salle. Toutefois, l’auteur rassure tout de suite les élèves: «C’était pourri.»

Néanmoins, ce roman a été un déclic pour lui. Il a réalisé ce qu’il voulait faire de sa vie: écrire. Il s’est alors mis à beaucoup écrire: des romans, des nouvelles... Il a participé à des concours. Il en a gagné et en a perdu. Puis, il a bifurqué vers les communications et le théâtre, il a « erré » un peu dans ces domaines, et il a travaillé dans le milieu de la publicité ainsi que dans celui de la musique.

«C’était le fun, mais il me manquait quelque chose: écrire.» - Patrick Isabelle

Il s'est alors inscrit en création littéraire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), un « exercice d’humilité », selon lui, qui consistait à se faire lire et critiquer, bref, à apprendre à réécrire.

La littérature jeunesse? Non merci!

Sur les conseils de son professeur, il a abandonné son certificat en création littéraire pour s'adonner à ce qu’il a toujours voulu faire : écrire. C’est à ce moment-là qu’il a rencontré Maxime Mongeon, un de ses clients à la librairie, qui est devenu son éditeur à Leméac Éditeur.

Le nom de la vénérable maison d’édition ne dit pas grand-chose aux jeunes. Pour leur donner un repère, Patrick Isabelle leur explique que c’est la maison d’édition de Michel Tremblay. Les visages s’éclairent; le nom est familier.

Maxime Mongeon avait reçu de Leméac le mandat de développer une collection jeunesse. Il a donc sondé l’intérêt de Patrick Isabelle. La réponse de ce dernier? Ça ne l’intéressait «absolument pas».

Finalement, après trois ans et demi de gestation, c’est bien lui qui a inauguré la collection jeunesse de Leméac avec Bouées de sauvetage, son premier roman.

Grâce à une subvention, il s'est retrouvé pour la première fois de sa vie à être «payé pour rester chez lui et écrire», ce qu’il a fait à son rythme. Il lui a fallu quatre autres années avant de publier son deuxième roman, Eux, qu’il qualifie «d’accident de parcours».

Cette fois encore, c’est son éditeur qui l'a poussé à écrire. Alors qu’ils prenaient un café ensemble, Maxime Mongeon lui a demandé s’il avait quelque chose à lui faire lire. Patrick Isabelle lui a répondu: «Oui, je travaille sur quelque chose de bon. Donne-moi une semaine et je t’envoie ça.» Or, il n’avait pas le moindre manuscrit à remettre à son éditeur.

De l'intimidation à la violence familiale: des romans aux thématiques sombres

Après être rentré chez lui en panique, il s’est assis à son bureau et, six jours plus tard, il a achevé Eux, un roman extrêmement violent, qui raconte la descente aux enfers d’un jeune intimidé qui décide de se faire justice lui-même.

Le sujet est sensible et le livre attire les jeunes au moins autant par le fond que par la forme : le roman fait une centaine de pages, un atout indéniable aux yeux de certains lecteurs. Toutefois, ça reste de la fiction. Alors, quand des groupes sollicitent Patrick Isabelle pour qu’il vienne leur parler d’intimidation, il refuse.

«Je ne suis pas Jasmin Roy. Le livre parle d’intimidation, mais mon but, c’était juste d’écrire une bonne histoire.» - Patrick Isabelle

Le livre a remporté le Prix jeunesse des libraires du Québec et a lancé littéralement la carrière de Patrick Isabelle, qui a depuis signé d'autres romans jeunesse aux thématiques assez sombres. Le plus récent, Camille, traite par exemple de la violence familiale, et a été finaliste du prix TD de littérature canadienne pour l'enfance et la jeunesse.

Il y a eu aussi Nous, le deuxième volet du triptyque amorcé avec Eux. Le dernier volet, Lui, viendra conclure le cycle à l’automne 2017.

Toutefois, Patrick Isabelle se défend de faire «juste du gros drame». Éclectique, il a aussi signé la série Henri et compagnie, publiée aux Éditions FouLire, il a écrit des nouvelles, il a fait de la traduction et il a aussi écrit pour les adultes. Il travaille également sur une «histoire de peur», qu’il compte publier à l’automne 2018 aux éditions les Malins, histoire de « sortir de sa zone de confort ».

Il est cependant formel: s’il y a un genre auquel il ne touchera jamais, c’est bien la littérature érotique. «50 nuances de Patrick, non merci!» dit-il en riant.

Les suggestions de lecture pour ados de Patrick Isabelle:

Chroniqueur jeunesse à Plus on est de fous, plus on lit!, Patrick Isabelle lit beaucoup de livres pour les jeunes. Il a été un inconditionnel de Stephen King à l'adolescence. Aujourd'hui, il se qualifie de lecteur impitoyable: s’il n’embarque pas après un ou deux chapitres, il laisse tomber le bouquin. Voici cinq livres ou auteurs qui ont su capter son attention:

Le monde selon Garp, de John Irving. «C'est une brique, mais c’est un des meilleurs écrivains du monde.»

Patrick Ness. « Il écrit des affaires fuckées pour les ados. »

La série de livres Le trône de fer,de George R.R. Martin. «Je l'ai lue deux fois.»

La série de livres Harry Potter, de J. K. Rowling. «Sauf le septième, qui n'est pas bon.»

La série Millénium, de Stieg Larsson. «J'ai été obsédé par ça pendant deux semaines.»

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