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L'absence d'un lieutenant du Québec dénoncée à Ottawa (VIDÉO)

En arrivant au pouvoir, Justin Trudeau a décidé de rompre avec la tradition. Pour le meilleur ou pour le pire?

OTTAWA – Le refus du premier ministre Justin Trudeau de nommer un lieutenant québécois au sein de ses troupes et sa décision de s’autoproclamer le «général du Québec» est l’une de ses «grandes erreurs», soutient le député conservateur Gérard Deltell. Et il n'est pas le seul à penser ainsi.

Lors d’une entrevue de fin d’année avec le Huffington Post Québec, l’ancien élu à l’Assemblée nationale estime que le gouvernement fédéral a besoin de «personnalités fortes» pour servir de «courroie d’arrimage» entre les intérêts des provinces et ceux d’Ottawa, comme c’est le cas depuis des décennies.

Le père du premier ministre, Pierre Elliott Trudeau, avait Marc Lalonde à ses côtés pour gérer les dossiers du Québec. Jean Chrétien et Paul Martin ont chacun eu leurs lieutenants. Stephen Harper avait nommé tour à tour Lawrence Cannon, Christian Paradis et Denis Lebel pendant son temps au pouvoir.

L'ancien premier ministre Paul Martin et son lieutenant du Québec, Jean Lapierre. (Photo: Reuters)

En nommant ses ministres, en novembre 2015, Justin Trudeau a décidé de rompre avec la tradition et de laisser tomber le rôle de lieutenant.

«Parmi les grandes erreurs de M. Trudeau, ça a été de penser qu’il était le général en chef du gouvernement au Québec, avance Deltell. Désolé, mais le premier ministre s’occupe de l’ensemble du Canada et il doit avoir des gens forts dans chacune des provinces.»

«Le fait que M. Trudeau se pense plus fort que tout le monde, d’abord, ça démontre son égoïsme absolument imbuvable – littéralement imbuvable – mais on en voit les effets», juge-t-il.

Questionné à ce sujet à RDI, plus tôt ce mois-ci, le premier ministre a balayé du revers de la main les critiques à l’endroit de son gouvernement, qui tarde à prendre une décision au sujet de Bombardier et qui a dû reculer sur le projet de loi C-29 qui pénalisait les consommateurs au Québec.

Il écarte toujours l’idée de nommer une personne qui représentera les intérêts du Québec. «Au contraire, on a 40 lieutenants du Québec forts, a fait valoir Trudeau. On a des députés extrêmement bien ancrés dans leur comté qui entendent les préoccupations des gens.»

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, aux côtés de Justin Trudeau. (Photo: Reuters)

Ce printemps, il avait lancé, à la blague: «À quoi ça sert, d’avoir un lieutenant du Québec quand t’as un général du Québec?» pour justifier sa décision. Encore aujourd’hui, le chef du NPD Thomas Mulcair pense que cette déclaration démontre «l’arrogance suprême» du premier ministre.

«Le generalissimo Trudeau a besoin de quelqu'un pour veiller aux intérêts du Québec qui passent constamment en-dessous du radar en ce qui concerne les 40 députés soi-disant québécois. Ils ne font rien», a tranché Mulcair, peu avant le congé des Fêtes.

Des dossiers à la traîne?

Le premier ministre a décidé de ne pas nommer des ministres d’État responsable des organismes de développement régional au pays, comme certains de ses prédécesseurs, mais a décidé de tout regrouper sous la bannière de son ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains.

L’attaché de presse du ministre Bains, Philip Proulx, dit que ce changement permet une meilleure coordination et une meilleure communication entre les six agences de développement. Il maintient que rien n’a changé sur le terrain concrètement.

Mais Gérard Deltell n’est pas convaincu que ce changement est pour le mieux. Il croit toujours que le Québec a besoin d’un lieutenant désigné qui se fera le porte-parole des besoins de la province.

Le ministre Bains est responsable du développement des régions. (Photo: PC)

«J’aime beaucoup M. Bains. Le ministre est un homme honnête et sincère. Mais c’est un gars de Mississauga. Il ne comprend pas la différence entre Sherbrooke et Trois-Rivières. Nous autres, les Québécois, on sait c’est quoi la différence», dit-il.

Thomas Mulcair, pour sa part, dénonce «(l’)incompétence» et «l’incurie» des libéraux dans des dossiers de haute importance pour la province, comme l’importation de lait diafiltré qui fait mal aux producteurs laitiers ou encore la crise sur le bois d’œuvre qui s’amorce avec les États-Unis.

Le chef par intérim du Bloc québécois, Rhéal Fortin, ne pense pas qu’un lieutenant québécois changerait grand-chose à la situation actuelle.

«Je pense que le Québec a besoin de gens qui s’occupent de ses intérêts, de ses valeurs, de la défense de la nation québécoise. M. Trudeau a fait la preuve, au cours de la dernière année, qu’il n’était pas en mesure de le faire. Ses 40 députés ont fait la preuve qu’ils n’étaient pas non plus, eux, en mesure de le faire.»

«Il peut bien nommer le lieutenant qu’il voudra, mais à mon avis, le résultat va être le même», a-t-il laissé tomber.

Les libéraux se défendent

À force d’entendre l’opposition dire qu’ils sont muets sur les dossiers régionaux, certains députés et ministres libéraux du Québec finissent par montrer les dents.

«Les intérêts du Québec, on les a nous aussi tatoués sur le cœur», réplique la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, en entrevue avec le HuffPost.

«L’opposition s’est trouvée un slogan. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est le crier en Chambre. Mais je peux vous dire que les députés et les ministres du Québec ont fait un énorme travail. Souvent, le travail qu’on fait n’est pas toujours sur la place publique. Mais on a toujours à cœur les intérêts du Québec.»

Elle dit que tous les ministres du Québec interviennent dans les dossiers qui concernent la province, sans pour autant nommer un enjeu en particulier où ils ont fait bouger les choses.

La ministre Lebouthillier se lève pendant la période de questions. (Photo: PC)

Dans tous les cas, la ministre Lebouthillier explique qu’elle se fait un «point d’honneur» de défendre les régions, en tant qu’ancienne préfet de la MRC du Rocher-Percé en Gaspésie.

Le ministre de la Famille, Jean-Yves Duclos, qui représente la circonscription de Québec, maintient que ses collègues libéraux – dont le premier ministre et les autres membres du cabinet – «travaillent fort depuis un an pour faire des choses différentes et pour les faire différemment».

Duclos souligne également que son gouvernement travaille en «étroite collaboration» avec le gouvernement du Québec, qui est un «partenaire très important» à ses yeux.

Québec, de son côté, reste muet. Le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, n’a pas voulu faire de commentaires sur la nécessité d’un lieutenant du Québec à Ottawa.

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