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Industrie bovine: quand le prix du bétail et celui de l'épicerie diffèrent

Industrie bovine: quand le prix du bétail et celui de l'épicerie diffèrent
Radio-Canada

Après avoir atteint des sommets historiques, l'industrie du bovin ne cesse de voir les prix descendre. Depuis un an et demi, les producteurs mettent moins d'argent dans leurs poches, mais le coût de la viande dans les supermarchés ne diminue pas pour autant.

Un texte de Denis-Michel Thibeault

Depuis 2015, le coût du bétail destiné à la consommation a diminué de 15 à 25 %, mais les prix en épicerie ont diminué de moins de 5 %. Ce que les éleveurs souhaiteraient, c’est que le prix de la viande qui est vendue en épicerie suive le prix que les éleveurs paient pour leurs bêtes.

Tyler Slawinski s’occupe de 250 vaches destinées à la consommation avec sa famille et estime que l’année 2016 est bonne à oublier.

«C’est comme enlever un bonbon à un enfant. Il y a beaucoup de larmes et de pleurs.» – Tyler Slawinski, producteur

Il aimerait que les marchés du boeuf ressemblent à ceux du pétrole, où une fluctuation engendre une réponse immédiate à la pompe pour les consommateurs.

« Les producteurs doivent composer avec le prix qui leur est offert dans les encans, tandis que les supermarchés, eux, peuvent choisir le prix qu'ils désirent pour la vente », affirme le producteur de McCreary au Manitoba. Il croit que le marché du boeuf s’en porterait mieux, et que les Canadiens en consommeraient plus, si les prix à la consommation étaient plus avantageux.

Deux dynamiques de marchés

Cependant, l'industrie du boeuf fait face à deux dynamiques de marchés bien différentes, selon Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de gestion de l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse.

« Les producteurs sont des preneurs de prix et ils prennent ce qu'ils peuvent obtenir du marché, mais, à la transformation, il faut gérer une entreprise, gérer des opérations, donc on fixe les prix selon la demande, bien sûr, mais il y a un certain contrôle. Dès qu'on est en mesure d'appliquer un certain niveau de contrôle, la dynamique change », explique-t-il.

Le prix de la livre de bœuf est fixé selon les marchés à Chicago et les producteurs vendent aux prix imposés, mais lorsque l’animal entre à l’abattoir, c’est la loi de l’offre et de la demande qui commence à s’appliquer.

Selon Brian Lemon, directeur général de l'Association des producteurs de boeuf du Manitoba, si les épiceries sont encore capables de garder les prix de vente élevés, c'est notamment grâce à la demande élevée.

« À l’été et au printemps, plus de personnes veulent être sur leurs barbecues avec un bon steak, un bon boeuf, ce qui cause une demande. Plus y a de la demande, plus le prix augmente. On n’a pas encore vu que la demande diminue, donc les détaillants sont capables de garder les prix hauts », explique M. Lemon.

«C'est frustrant pour les producteurs, mais c'est deux marchés différents.» – Brian Lemon, directeur général de l'Association des producteurs de boeuf du Manitoba

Scott Anderson, marchant de bétail, estime qu'à l'heure actuelle, ce sont les transformateurs et les détaillants qui font le plus d’argent, mais tout cela pourrait bien changer.

« Tout le monde veut faire du profit sur le dos de l’animal. En ce moment, ceux qui font le plus de profits sont les transformateurs et les détaillants. Peut-être que ça changera dans le futur. Peut-être que ce sera les producteurs qui feront le plus d’argent », estime-t-il.

Plusieurs mois avant de voir une différence

L’une des raisons qui expliquent une réponse aussi tardive entre les prix à la ferme et ceux dans les épiceries, c’est notamment parce que les bêtes achetées aujourd'hui se retrouvent dans les étalages d’ici six à douze mois.

«Il y a toujours un délai entre ce qui se passe à la ferme et ce qui se passe au détail.» – Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de gestion de l'Université Dalhousie

Scott Anderson ajoute que « le bétail qui est vendu en ce moment est destiné aux marchés dans plusieurs mois ».

Les fluctuations du marché en épicerie sont donc liées avec ce qui arrive plusieurs mois à l’avance.

Sylvain Charlebois dit toutefois qu’il faut être prudent de ne pas pointer du doigt une étape plus qu'une autre pour les prix élevés en épicerie. « C’est difficile de regarder l’ensemble de la chaîne et de blâmer une fonction parce qu’il faut regarder l’ensemble du marché », affirme-t-il.

Depuis octobre, les producteurs commencent à voir la lumière au bout du tunnel, car le prix du boeuf a connu une augmentation pour la première fois de l'année.

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