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Remplacement des CF-18: l'enjeu crucial de la propriété intellectuelle

CF-18: l'enjeu crucial de la propriété intellectuelle

Des milliards de dollars et des emplois sont en jeu. Au moment où le gouvernement doit renouveler sa flotte d'avions de chasse, que sera-t-il en mesure de négocier? L'ampleur des retombées économiques au Canada pourrait en grande partie dépendre d'un élément fondamental, la propriété intellectuelle.

Un texte de Marc Godbout

Dans le hangar de l’entreprise L-3 de Mirabel, au nord de Montréal, un travail de haute précision et une expertise unique permettent un véritable tour de force. Les CF-18 qui devaient être mis au rancart en 2003 pourront voler jusqu’en 2025.

Le secret de la longévité de ces avions repose sur une carte maîtresse : les droits de propriété intellectuelle. Le Canada avait pu les obtenir lors de l’achat des appareils au début des années 80, s'assurant ainsi l’accès aux données techniques.

Le vice-président de L-3, Jacques Comtois, est catégorique. Cette acquisition a eu un effet décisif.

«Sans ces données-là, il n’y a rien de ce qu’on voit aujourd’hui, 30 ans plus tard, qui aurait été possible. Et c’est au moins 1000 emplois par année.» ― Jacques Comtois, vice-président de L-3

Une porte à l'innovation

L-3 fait l’entretien de la structure du CF-18 depuis 30 ans, mais comme l’appareil n’est plus fabriqué, elle a dû développer sa propre expertise et ses propres solutions pour les garder en bon état.

Tout un secteur d’ingénierie a ainsi vu le jour à Mirabel. Robots, logiciels et systèmes de simulation conçus sur place ont permis notamment de prévenir une dégradation de l’appareil, d’identifier les fissures et d’apporter les correctifs nécessaires.

L-3 a même pu exporter son expertise dans d’autres pays qui possèdent le CF-18 comme l’Australie, la Finlande et les États-Unis.

La porte restera-t-elle ouverte?

L’enjeu des droits de propriété intellectuelle devrait être au coeur des prochaines négociations que mènera le gouvernement Trudeau pour le remplacement des CF-18.

Selon le professeur Yan Cimon de l’Université Laval, il s’agit « d’un enjeu majeur, sinon l’enjeu majeur des négociations. »

Que ce soit pour la flotte intérimaire de 18 Super Hornets qu’il compte acquérir ou la sélection d’une solution permanente par le biais d’une compétition, Ottawa devra faire face aux pressions de l’industrie aéronautique canadienne.

Ce qu’il obtiendra pourrait avoir des répercussions énormes sur le plan des retombées économiques au pays.

«Si vous n’avez pas la propriété intellectuelle, essentiellement tout ce que pouvez faire, c’est probablement la maintenance de première ligne comme les changements d’huile et les changements de pneus; pour le reste vous êtes dépendant de votre concessionnaire.» ― Yan Cimon, professeur au Département de management de l’Université Laval

Quel sera le pouvoir de négociation du Canada?

Trente-six ans après avoir vécu de près les négociations menant à l’achat des CF-18, le ministre des Approvisionnements de l’époque, Jean-Jacques Blais, se souvient à quel point l’obtention des droits de propriété intellectuelle s’était avérée ardue.

Selon lui, le gouvernement canadien devra être aux aguets et ne pas s’en laisser imposer quand il négociera l’achat du prochain chasseur.

«L’acheteur doit être capable en même temps d’influencer le processus politique aux États-Unis ou au pays d’origine afin d’être capable d’assurer que si le vendeur veut transférer des technologies qu’il n’y ait pas d’empêchement au niveau politique.» ― Jean-Jacques Blais

À défaut d'y arriver, et malgré l'achat de nouveaux avions de chasse, l'industrie canadienne de l'aéronautique risque de prendre du plomb dans l'aile.

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