Le gouvernement Couillard est sur le point d'allonger «plusieurs dizaines de millions de dollars» pour désengorger les tribunaux du Québec.

Selon nos informations, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, annoncera au début de la semaine prochaine un plan à grand déploiement pour aider le système judiciaire à affronter les conséquences de l'arrêt Jordan.

Selon une source bien informée, Québec annoncera l'embauche plusieurs juges, de procureurs, de constables spéciaux ainsi que du personnel de soutien. Une stratégie de recrutement accéléré permettra de combler rapidement les postes vacants et d'ajouter des ressources là où elles sont requises.

Québec ouvrira également de nouvelles salles d'audience dans les palais de justice.

Lors d'un point de presse vendredi, Mme Vallée a laissé entrevoir une annonce «au cours des prochains jours», bien qu'elle n'était pas encore prête à confirmer des ressources additionnelles.

«L'évaluation des besoins, elle a été faite, elle a été identifiée, a déclaré la ministre. Maintenant, on va vous revenir. C'est clair qu'on va investir.»

La ministre a rappelé que, dans la foulée de l'arrêt Jordan en juillet, il fallait aussi corriger la «culture» des tribunaux. Elle avait présenté en octobre un plan d'action qui prévoyait diverses mesures pour accélérer les procès.

Ce plan avait laissé sur leur faim l'opposition et différents intervenants du milieu judiciaire, car il ne prévoyait pas d'argent supplémentaire pour les tribunaux.

Mme Vallée ne nie pas que de nouveaux fonds sont nécessaires, mais elle précise qu'il fallait d'abord évaluer avec précision les besoins du système judiciaire.

«Il fallait évaluer les besoins réels, a dit Mme Vallée. Qu'est-ce que c'est, l'impact, au Québec, de cette décision de la Cour suprême ? Il fallait déterminer ce que ça va nous amener comme volume additionnel, comme besoin de traiter, combien de salles on a besoin, dans quels districts, où sont les problématiques les plus pressantes, dans quels districts judiciaires on doit mettre ces ressources.»

L'arrêt Jordan, rendu en juillet, a fixé des balises quant à la durée raisonnable des procès criminels. Il indique que les procédures ne devraient pas dépasser 30 mois à la Cour supérieure et 18 mois à la Cour du Québec. Dans la foulée de cette décision, 222 requêtes en arrêt de procédures avaient été intentées en date de mardi.

L'opposition presse Québec d'agir rapidement pour corriger la situation. Selon le Parti québécois, les mesures adoptées jusqu'ici sont nettement insuffisantes. La députée Véronique Hivon a pressé le gouvernement libéral d'injecter de nouveaux fonds au plus vite.

«Mme Vallée n'a pas travaillé comme elle devait travailler, a dénoncé Mme Hivon. Mme Vallée n'a pas vu la crise venir, Mme Vallée n'a pas pris les moyens de faire face à cette crise sans précédent et à éviter qu'on y soit plongés.» 

Le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier, a prévenu qu'à peu près tous les procès prévus dans ses tribunaux risquent d'avorter à cause des délais. Dans une entrevue au Journal de Montréal, il a évoqué un «potentiel de 70 requêtes» en arrêt des procédures. Le juge sollicite ouvertement une «assistance financière» du gouvernement.

Cette sortie publique est la deuxième du juge Fournier depuis le début de l'année. En entrevue à La Presse en janvier, il qualifiait déjà de «crise» l'engorgement dans les tribunaux.

Dans ce même reportage, sa collègue Danielle Côté, juge en chef adjointe, responsable de la Chambre criminelle et pénale à la Cour du Québec, déclarait qu'elle peine à dormir la nuit à cause des temps d'attente dans les tribunaux criminels.