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Le gouvernement Trudeau veut faire voter les Canadiens expatriés

Pour l’heure, il est pratiquement impossible pour les Canadiens expatriés depuis plus de cinq ans de voter.
Sean Kilpatrick/CP

OTTAWA — Le gouvernement libéral s’apprête à étendre le droit de vote des Canadiens vivant à l’étranger, a appris le Huffington Post Canada.

Pour l’heure, il est pratiquement impossible pour les Canadiens expatriés depuis plus de cinq ans de voter. Ils ne peuvent recevoir par la poste un bulletin de vote spécial, et, bien qu’ils puissent techniquement venir au Canada pour voter en personne, il leur est souvent impossible de fournir une preuve de résidence au pays.

Deux sources ont indiqué au HuffPost que la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, étudie la possibilité de permettre aux expatriés canadiens de voter par bulletin de vote spécial, peu importe le moment où ils ont quitté le Canada.

La Cour suprême doit entendre la cause, en février, de deux Canadiens vivant aux États-Unis et désirant voter aux élections canadiennes. Jamie Duong et Gillian Frank ont d’abord fait valoir, avec succès, leur cause dans une cour de l’Ontario, en 2014. Leur victoire à ce moment donnait espoir à environ 1,4 million de Canadiens de pouvoir se retrouver sur les listes électorales. Mais le gouvernement conservateur de l’époque avait eu gain de cause en appel, juste avant les dernières élections qui ont porté Justin Trudeau au pouvoir.

Les libéraux à la défense des expatriés

Dans une déclaration, le mois dernier, Maryam Monsef a annoncé que le gouvernement fédéral avait préparé un mémoire comprenant des arguments défendant les restrictions actuelles imposées aux Canadiens vivant à l’étranger, choquant plusieurs d’entre eux, qui disaient que les libéraux violaient leur promesse électorale.

Pendant la campagne de 2015, le parti de Justin Trudeau avait indiqué à la Canadian Expat Association (l’Association canadienne des expatriés) : «Nous croyons que tous les Canadiens devraient avoir le droit de vote, peu importe où ils vivent. Et nous sommes déterminés à faire appliquer ce droit.»

Dans sa déclaration du mois d’octobre, la ministre Monsef signalait qu’une nouvelle législation allait entrer en vigueur avant la fin de l’année et que celle-ci allait «répondre aux besoins des citoyens canadiens mobiles qui vivent aujourd’hui dans un monde de plus en plus interconnecté», mais elle n’a pas élaboré davantage.

Greg Clark est un professeur d’art dramatique à la retraite. L’Albertain est récemment déménagé en Arizona avec sa femme qui a la double citoyenneté canado-américaine. Il se dit enthousiaste par le projet des libéraux. Sa femme a passé 40 ans au Canada et a toujours été en mesure de voter aux élections américaines, a-t-il indiqué au HuffPost.

«Je ne vois pas comment on peut retirer ce droit à quelqu’un, souligne-t-il. La seule raison valable qu’il voit, est que le fait de ne pas payer d’impôts pourrait expliquer qu’il n’ait pas le droit de voter ici.

«J’ai 68 ans. Ça m’apparaît vraiment injuste… poursuit-il. Les États-Unis ne font pas ça. Si tu es citoyen, tu as le droit de voter, peu importe où tu vis. Mais pas au Canada. Cette mesure est tellement anticanadienne!»

Les États-Unis permettent effectivement à leurs expatriés de voter, mais le salaire qu’ils font à l’étranger est aussi soumis à l’impôt américain.

«Ça ne devrait pas être au gouvernement de donner ou de retirer le droit de vote. Ça doit être quelque chose de permanent… qui est garantie par la cour» -Gillian Frank

Dans une entrevue, Gillian Frank, l’un des deux hommes impliqués dans la cause qui sera entendue à la Cour suprême en février, a parlé des changements possibles comme de quelque chose de «fantastique».

Mais il a aussi demandé au gouvernement fédéral de cesser de s’opposer aux procédures judiciaires en cours, afin que les droits des expatriés soient permanents et non pas dépendants de l’humeur du gouvernement en place.

«Ça ne devrait pas être au gouvernement de donner ou de retirer le droit de vote. Ça doit être quelque chose de permanent… qui est garantie par la cour», a-t-il expliqué.

Après les élections de 2006, par exemple, Élections Canada avait restreint le droit de vote des expatriés en empêchant à ceux qui visitaient le Canada de repartir à zéro le compteur de cinq ans.

Melanie Wise, porte-parole d’Élections Canada, avait expliqué alors que l’agence avait étudié le débat parlementaire sur la question et que les députés tenaient à la limite de cinq ans.

«Nous avons clarifié le fait que cette période de cinq ans débutait au moment où l’électeur quittait le Canada pour s’installer à l’étranger et qu’elle prenait fin lorsque l’électeur revenait au Canada pour y vivre. Visiter simplement le pays ne veut pas dire qu’on revient y vivre», a-t-elle expliqué dans un courriel.

M. Frank a indiqué que cette décision d’Élections Canada avait empêché à des milliers de personne de se retrouver sur la liste électorale. Élections Canada ne peut fournir un nombre exact.

La ministre des Institutions démocratiques, Maryam MonsefLa ministre Monsef doit aussi présenter d’ici la fin de l’année une mise à jour de la controversée Loi sur l’intégrité des élections.

Un sujet controversé

Donner le droit de vote aux Canadiens qui vivent à l’étranger, peu importe le moment de leur départ du pays, est une décision controversée.

Il y a deux ans, quand les conservateurs ont tenté de faire adopter le projet de loi C-50, la Loi sur le vote des citoyens, rendant plus difficile le droit de vote des expatriés, ils avaient noté que «plusieurs démocraties semblables au Canada avaient appliqué des restrictions pour le vote des non-résidants».

En Allemagne, les non-résidants peuvent voter seulement s’ils vivent à l’extérieur du pays depuis moins de 25 ans. Au Royaume-Uni, cette limite est de 15 ans. En Australie, de 6 ans et en Nouvelle-Zélande, de 3 ans. En Irlande, les expatriés ne peuvent voter, avaient noté à l’époque le gouvernement conservateur.

«En d’autres mots, le Canada est plus généreux que d’autres démocraties», disaient les conservateurs.

M. Frank croit qu’il ne devrait y avoir aucune restriction sur le droit de vote des non-résidants. «Je crois que le fait d’être citoyen devrait permettre de voter. Je ne crois pas qu’il devrait y avoir de citoyens de deuxième classe. Je crois que les Canadiens qui prennent la peine de savoir qui se présente, qui demandent un bulletin de vote et qui le remplissent dûment prouvent qu’ils ont encore à cœur la démocratie et démontrent qu’ils souhaitent encore participer à celle-ci», affirme-t-il.

Plusieurs Canadiens ont des vies qui leur demandent d’être mobiles. Des gens qui vivent à temps partiel au Canada ou qui vivent à proximité. Qui continuent de visiter le pays, qui y ont une résidence, qui paient des taxes et des impôts et qui souhaitent un jour y revenir. Ces gens-là ne devraient pas être privés de leurs droits, poursuit-il.

«La citoyenneté, c’est la citoyenneté. Ça ne devrait pas être marqué par le temps qu’on passe ailleurs, croit M. Frank. Nous ne pouvons imposer des limites, car ça devient arbitraire et punitif.»

Le bureau de la ministre Monsef s’est aussi attardé au lieu où les expatriés devraient pouvoir voter. L’ex-ministre d’État de la Réforme démocratique Pierre Poilievre avait indiqué que les électeurs expatriés pourraient «magasiner» leur circonscription afin de faire la différence dans des courses très serrées.

La loi, toutefois, ne permet pas aux expatriés de choisir une circonscription nouvelle à chaque élection. Une fois que les non-résidants ont inscrit une résidence canadienne, ils ne peuvent voter que dans cette circonscription jusqu’à ce qu’ils reviennent de façon permanente au Canada.

La ministre Monsef doit aussi présenter d’ici la fin de l’année une mise à jour de la controversée Loi sur l’intégrité des élections, adoptée par les conservateurs. Les libéraux veulent renforcer le mandat du Directeur général des élections afin que son bureau puisse informer les Canadiens non seulement sur le lieu et la date des élections, mais aussi sur l’importance de voter. Mme Monsef souhaite aussi apporter des changements aux règles d’identification pour permettre aux électeurs sans pièces d’identité de pouvoir voter. Les conservateurs avaient éliminé les options du serment d’électeur et de la carte d’électeur comme simples preuves de résidence.

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