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Les agressions sexuelles sont un fléau dans les communautés autochtones

Les agressions sexuelles sont un fléau dans les communautés autochtones

Enfant, elle sentait sa présence dès qu'il arrivait, la nuit, dans sa chambre en entrant par la fenêtre qui donnait sur son lit superposé. Corey, qui a aujourd'hui 55 ans, est l'une des nombreuses femmes autochtones du Canada qui ont été victimes d'agressions sexuelles par des proches ou des membres de leur famille au cours de leur enfance.

Corey (nom fictif) a enduré plusieurs fois de faire l'objet d'attouchements, parfois dans des circonstances des plus banales, en plein jour. Elle se souvient entre autres de la fois où, alors qu'elle mangeait à la cuisine, l'un de ses deux proches agresseurs a retiré sa petite culotte et s'est mis à la caresser.

Après avoir mis fin à ces attouchements, l'homme a laissé de l'argent sur la table.

L'isolement de nombreuses communautés autochtones est un des éléments qui freine les victimes d'abus sexuel ou d'inceste à dénoncer de tels actes, estime le chef de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde.

Ce dernier souhaite que des actions soient entreprises pour faire face à ce problème, un appel qui est appuyé par d'autres chefs autochtones. Il note cependant que de nombreuses victimes ont peur de parler puisqu'elles craignent des représailles.

Les communautés tissées serrées dans lesquelles elles vivent, pour la plupart, ne leur offrent pas nécessairement le soutien nécessaire pour dénoncer leurs agresseurs, admet M. Bellegarde.

Corey dit savoir par expérience qu'il est très difficile d'accorder sa confiance aux autorités locales des communautés autochtones, soutenant que les cas d'agressions sexuelles sont bien souvent balayés sous le tapis.

"Pourquoi cacher quelqu'un derrière un mur quand ce mur peut être si facilement abattu afin que (les autorités) puissent commencer à faire le travail qu'elles doivent faire?", a-t-elle lancé.

Selon de nombreux intervenants bien au fait de l'enjeu interrogés par La Presse canadienne dans le cadre d'une enquête qui s'est échelonnée sur plusieurs mois, la récurrence des agressions sexuelles est un secret de polichinelle entretenu par une culture du silence.

L'ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, Murray Sinclair, et plusieurs experts et chercheurs ont tiré la sonnette d'alarme au cours de cette enquête journalistique. Certains jugent que la problématique est possiblement liée à la vague de suicides qui touche les jeunes de plusieurs communautés autochtones.

La dénonciation des agressions s'ensuit souvent de lourds contrecoups, ont confié plusieurs victimes.

Lorsqu'elle a voulu dénoncer les agressions dont elle a été victime de ses 5 ans à 12 ans, Corey a été découragée par ses proches de porter plainte, ceux-ci lui faisant valoir qu'elle allait "détruire" sa famille.

Elle a mis de nombreuses années à traverser cette période sombre de sa vie, alors qu'elle s'est mise à apaiser la douleur en consommant de la drogue et de l'alcool.

Si Corey a finalement porté plainte à la police, ses agresseurs n'ont jamais été accusés, faute d'éléments de preuve. Quoi qu'il en soit, elle ne regrette pas d'avoir pris les devants.

"Ils ont jeté tous les déchets sur moi pour que je reste en silence. Quand j'ai décidé de ne plus être une poubelle, c'est à ce moment que j'ai su que j'avais le pouvoir de me tenir debout (et de dénoncer)."

La femme espère que les paroles du chef Bellegarde mèneront à des actions concrètes. Déjà, de plus en plus de politiciens semblent porter attention au problème depuis quelques années.

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