Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Je voulais un enfant. Lui non. J'ai mis mon couple sur pause

Après douze ans de vie commune avec Léo, Maria s’aperçoit qu’il n’a pas les mêmes envies qu’elle. Ils décident alors de s’éloigner pour un temps…

D'abord, Léo a été incrédule. "Des vacances? Comment ça? T'entends quoi par là?" répétait-il en boucle.

"Rien de plus, rien de moins, ai-je répondu. Puisqu'on ne parvient pas à trouver un accord, séparons-nous." Aussitôt, Léo a bondi du canapé: "Je n'ai aucune intention de divorcer " "Moi non plus, ai-je dit, mais j'ai besoin de faire le point."

Se mettre d'accord était compliqué. Je voulais un bébé, lui pas. Impossible de trouver une solution qui convienne aux deux parties... Lorsqu'on s'était rencontrés, en 2004, cela avait été simple et beau.

Veuve à 29 ans

À 29 ans, j'étais veuve avec une petite fille de 7ans. Mon mari était décédé cinq ans plus tôt d'une crise cardiaque lors d'un footing le long du canal du Midi. Amélie, notre fille, et moi avons été très entourées et, petit à petit, on s'était reconstruites.

Léo, ingénieur aéronautique, était arrivé comme un cadeau du destin. Très vite, on s'est mariés, Amélie l'a appelé "Papa" et Léo l'a adoptée en 2010. Moi, je m'épanouissais avec ma classe de CP. "Une vie rose dans la Ville rose", me chambrait Barbara, ma cousine parisienne...

Au fil des ans, quelque chose s'est grippé en moi. Un agacement pour pas grand-chose. Un pincement au cœur devant les bambins de petite section. Quand nous avions parlé bébé au début, Léo m'avait dit qu'il ne voulait pas me brusquer ni brusquer Amélie. "C'est compliqué de perdre son papa. Laissons-nous du temps et profitons de notre couple", disait-il. J'ai laissé tomber le sujet.

Je veux un autre enfant

Il y a deux ans, j'ai pris le taureau par les cornes. À 39 ans, si j'en voulais encore un, c'était maintenant. Un soir où Amélie était absente, je me suis lancée. Bougies, pâtes à la truffe et barolo, petit cadeau sur l'assiette de Léo. "C'est en quel honneur tout ça? – Parce que je t'aime. Ouvre!"

Il a ouvert et a trouvé une tétine. Il a relevé la tête, figé.

"Ça veut dire quoi exactement? Tu es enceinte? – Non, mais je voudrais faire un bébé avec toi."

Léo a posé la boîte, s'est levé et est parti sur la terrasse. Je suis restée comme une gourde à table. Quand il est revenu, il a dit : "Maria, je n'ai jamais voulu avoir d'enfants. Amélie a été un cadeau de la vie, mais je n'en veux pas d'autre. Ce n'est pas que je ne t'aime pas, c'est juste comme ça. À 40 ans, je suis sûr de moi."

Il ne me laissait pas le choix. Les jours qui ont suivi, l'ambiance était plombée. On a tenté d'en rediscuter, mais sans succès. Deux mois plus tard, Amélie est partie pour Londres. Je suis revenue à la charge, espérant qu'il craquerait devant un nid vide. Pas du tout. "Amélie me manque, mais je suis ravi d'être seul avec toi!" disait-il.

Dans ma tête, tout tournait. Fallait-il rester? Le quitter? Faire un bébé avec quelqu'un d'autre?

« La machine à questions a tourné à plein. Comment imaginais-je mes 20 ans à venir ? »

Je déménage

Un jour, Charlotte, une amie psy, a eu une formule qui a fait tilt : "Difficile de le savoir sans te retrouver toi-même." Le soir même, j'annonçais à Léo qu'on allait "mettre notre couple sur pause". Mais pas n'importe comment! Il a accepté et nous avons passé deux semaines à négocier notre "contrat".

Nous avons convenu de ceci: pause de couple de six mois, renouvelable une fois, logements séparés (ça tombait bien, le fils de Charlotte avait libéré son studio), liberté sexuelle (hormis avec les amis communs !), disponibilité pour l'autre si besoin (discussions...), pas de prises de décision majeure (divorce, emménagement avec autrui, bébé...).

Un matin, je suis arrivée chez Charlotte avec mes deux valises. La veille, j'avais eu Amélie au téléphone qui m'avait dit: "Vous êtes dingues, vous allez vous faire du mal, mais je vous aime tous les deux et je refuse de prendre parti."

Dans les jours qui ont suivi, j'oscillais entre excitation de la liberté retrouvée (boire du rosé avec une copine à minuit, faire l'étoile de mer dans le lit) et coups de blues. Petit à petit, j'ai trouvé mes marques. J'ai coupé mes cheveux et racheté quelques fringues. Les regards sur moi ont changé. Lors de notre « point des trois mois », Léo a remarqué tout ça. "J'ai l'impression d'être dans "Retour vers le futur", a-t-il commenté. On a une sorte de premier/ dernier rendez-vous ".

Ma "crise d'ado"

À moi aussi, cette situation paraissait incongrue. "Tu ne veux pas qu'on fasse une pause sur la pause ?" a-t-il suggéré. "Non, je n'ai pas encore assez réfléchi", ai-je dit. Pour élargir mon cercle de connaissances, je me suis inscrite à un cours de gym et dans une chorale et c'est là que j'ai croisé Julien, 26 ans. Après une soirée à répéter les chœurs de "Nabucco", on a fini la nuit chez lui. Ce fut étrange et génial à la fois. Mais le lendemain matin, je suis vite partie après un petit déjeuner où il a été mutique.

J'ai découvert Tinder et ses affres, l'adrénaline des rencontres et les matins glauques, les soirées seules devant une série et les discussions avec de nouveaux amis... Quelques semaines plus tard, j'ai appris par une voisine que Léo avait une copine. Je n'ai pas pu m'empêcher de passer le voir « à l'improviste », soi-disant pour récupérer mon courrier.

Bingo! Sa copine était là. Léo, embarrassé, m'a présentée comme "sa femme", ajoutant : "Je t'avais dit qu'on faisait une pause..." Elle était jolie, jeune et plutôt sympa. Je suis repartie en me demandant si je n'avais pas fait une grosse bêtise.

Sauf que dans la foulée j'ai rencontré Loïc. À 31 ans, il était beau, drôle et sentait bon le sable chaud. Le cliché absolu: moniteur de surf l'été, pion l'hiver! On a roulé dans les draps comme d'autres dans les vagues.

Avec lui, les choses semblaient couler de source, au détail près que nos conversations étaient courtes. Jusqu'au jour où, après dix mois de pause, je suis allée voir Amélie à Londres. Le lendemain de mon arrivée, au pub, devant une Guinness, elle a attaqué fort :

"Bon, t'as fini ta crise d'ado, Maman? – De quoi tu parles? – Cela fait bientôt un an que tu papillonnes et que tu vis comme moi. Super, tu t'es éclatée. Pourtant, tu fais l'inverse de ce que tu professais quand tu as mis papa et toi sur pause. Ton but, c'était un autre bébé, soit encore plus de responsabilités et de maturité. Là, ce que je constate, c'est que tu t'offres une parenthèse de vie d'étudiante. T'en attends quoi exactement?"

Léo me manque

Le ciel me tombait sur la tête. Durant ce long week-end de printemps, la machine à questions a tourné à plein. Comment imaginais-je mes vingt ans à venir? Avec qui? J'ai réalisé que ce qui m'avait plu, c'était la liberté totale dont j'avais joui. Tout l'opposé d'un nourrisson! Et que ce qui me manquait le plus, c'était ma complicité intellectuelle avec Léo. Finalement, l'homme avec lequel j'avais envie de vieillir, c'était lui. Et il primait sur une éventuelle seconde maternité.

VOIR AUSSI:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.