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«L'effet placebo»: l'imaginaire de Martin Michaud avant Lessard (ENTREVUE)

«L'effet placebo»: l'imaginaire de Martin Michaud avant Lessard
Jérémie Perreault

Avant les quatre premiers tomes mettant en scène l’enquêteur Victor Lessard. Avant les romans hors série S.A.S.H.A., Sous la surface et Quand j’étais Théodore Seaborn. Bref, avant que Martin Michaud s’installe sur le trône du genre policier au Québec, il y a eu L’effet placebo. Un roman éclaté à la frontière du réalisme et de la fantaisie, qui a été refusé par « toutes les maisons d’édition de l’univers » (dixit l’auteur), mais qui lui avait valu une lettre manuscrite de l’éditeur d’Anna Gavalda lui disant qu’il ne savait pas quoi faire de son manuscrit, mais qu’il ne devait absolument pas abandonner le métier.

Une dizaine d’années plus tard, son éditrice, Ingrid Remazeilles, insistait pour lire le fameux roman. Mais le principal intéressé se montrait peu enthousiaste. «Quand tu as été rejeté, tu n’as pas le goût de rouvrir ta blessure, souligne Martin Michaud. Surtout après avoir publié sept romans à succès, je ne voulais pas entacher ma relation avec mon éditrice, qui estime mon travail.»

Pourtant, l’année dernière, à bout d’arguments, il lui a envoyé L’effet placebo et quelques nouvelles. Convaincue par ce qu’elle a lu, Remazeilles l’a persuadé d’oser la publication.

Un voyage surréaliste

Les deux premiers tiers du livre sont réservés à L’effet placebo, un roman qui catapulte les lecteurs à Cploêbá, là où on boit du mercurochrome, où les chaussures prennent le large quand on les détache, où le frik est l’unité monétaire locale, où l’on annonce des logements pour oiseaux et où l’on peut s’envoler, réellement, pour le bout du monde.

Un univers où vit Cirrus Lewis, un homme qui trouve du réconfort dans les livres et qui se dévoue à sa passion pour l’imprimerie; son ami Caligo, psychiatre et artiste de la haute voltige du vide, ainsi que Lupà, celle qui fait tomber le cœur de Cirrus à la renverse, une femme au double visage qui rêve de devenir actrice, mais qui se perd dans le gouffre de la téléréalité et des pilules du professeur Trompeloeil.

Une histoire qui n’est pas sans rappeler un certain Boris Vian. «Je suis allé chercher dans son univers ce goût de dire que tout est possible. C’était une façon de sortir de qui j’étais. À l’époque, je travaillais dans un grand cabinet d’avocats extrêmement corporatif et j’essayais de me prouver que je pouvais faire autre chose. Mon cerveau créatif avait été mis en veilleuse, mais il avait besoin d’exploser!»

Martin Michaud est conscient que plusieurs fidèles de ses polars ne le suivront pas dans sa nouvelle aventure et que les curieux auront l’impression de découvrir une autre plume, plus éclatée et plus pointue.

«Ce sont deux facettes du prisme de ma créativité. Ce sont les autres qui ont besoin de catégoriser les auteurs, mais face à moi-même, je ne me mets aucune barrière. J’avais envie de m’amuser avec une nouvelle musique. Mais au-delà de la forme, je me suis laissé porter par l’histoire.»

Celle entre Cirrus, un être de lumière, et Lupà, une femme sombre qui fait dériver la trajectoire de l’homme, en lui faisant découvrir les hauteurs et les abimes de la relation amoureuse. Quand on fait remarquer à Michaud qu’on découvre ici son côté romantique, il remet les choses en perspectives.

«La relation entre Victor Lessard et Nadia est incarnée, quoique jouée en mode mineur. Theodore Seaborn est en pleine crise amoureuse, avant d’être aspiré vers d’autres enjeux. Et Sous la surface met en scène une incroyable histoire d’amour sur fond d’élections présidentielles. Mais c’est vrai que la romance est au cœur de L’effet placebo. Il y a quelque chose d’un peu magique entre Cirrus et Lupà.»

À la fois terre à terre et irréel, leur amour est à l’image du roman en entier: un flottement entre le vrai monde et la fantaisie.

«Le récit est ancré dans un réel improbable. Ce n’est pas de la science-fiction, mais un univers en marge de notre réalité. Un espace où tout est possible, qui fait écho aux exaltations des premiers amours de mes deux personnages. Ils vivent un grand amour à la Roméo et Juliette qu’on ne peut vivre qu’une fois… parce que si tu y survis, les blessures sont trop vives pour retourner dans ces zones.»

Son nouveau vieux roman décrit l’effet placebo comme une croyance capable d’influencer le métabolisme… et l’esprit. Sorte de plaidoyer pour l’imaginaire et la littérature.

«Mes plus beaux souvenirs d’enfance viennent beaucoup des livres. Je n’étais pas un enfant replié sur lui-même et je n’ai pas eu une enfance triste. Mais en lisant, je pouvais découvrir le monde sans billet d’avion! La lecture est devenue une espèce de poison sans antidote. Quand tu tombes là-dedans, ce n’est plus possible de revenir en arrière. C’est une infection qui grandit sans cesse.»

Victor Lessard à la télé

L’univers de Michaud, lui aussi, s’élargit sans cesse, alors que le tournage de la première saison de l’adaptation télé des histoires de Victor Lessard est en cours. L’hiver prochain, les abonnés du Club illico découvriront Patrice Robitaille dans la peau de l’enquêteur et Julie Le Breton dans celle de sa partenaire Jacinthe.

Lorsque l’écrivain a vu ses personnages et ses intrigues prendre vie en trois dimensions, il a été secoué. «C’était un éblouissement, comme un gros coup de poing! Quand j’ai vu la bande-annonce de 45 secondes lors du lancement de la saison d’Illico, j’ai été envahi par un tas d’émotions brutes.»

Pourtant, loin de lui l’envie de passer ses journées sur les plateaux. «Ce ne serait pas utile. J’ai écrit les épisodes, mais à partir de là, c’est le réalisateur Patrice Sauvé, les acteurs et toute l’équipe technique qui vont en faire un produit fini. J’avais aussi besoin de recul sur la première saison, pendant que j’écrivais la deuxième.»

Bien que l’écriture de la série télé soit sa priorité actuelle, l’écrivain a débuté un autre roman avec Lessard. «Mon rêve le plus fou est de le publier à l’automne 2017, mais je ne veux rien forcer. Il faut que ça reste dans le plaisir.»

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