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«Les Montréalais, portraits d'une histoire» de Jean-François Nadeau: des photos inoubliables (ENTREVUE)

«Les Montréalais» de Jean-François Nadeau: des photos inoubliables
Jean-François Nadeau

Dans les pages glacées d’un beau livre constitué de superbes photographies, Les Montréalais, le journaliste Jean-François Nadeau dresse le récit passionnant des habitants de la plus grande métropole du Québec. Plus d’un siècle d’images que le chroniqueur et historien au quotidien Le Devoir est allé dénicher pour notre plus grand plaisir.

On rencontre Jean-François Nadeau dans un café de l’Avenue du Parc. Son nouveau livre disponible dans les bonnes librairies réunit un florilège d’images en noir et blanc prises depuis le début de la photographie de 1860 jusqu’au milieu des années 1970. «Il y a une histoire de la photographie qui reste encore à faire au Québec, déclare tout de go le journaliste au Huffington Post Québec. Il existe des archives extraordinaires qui ont été peu exploitées. D’autres, mal connues, sont aussi à découvrir.»

Il reste que les photos sélectionnées dans le livre sont le fruit d’une longue recherche, dit Nadeau. Elles narrent chacune à leur manière l’histoire de Montréal à travers ses habitants aux conditions sociales diverses. «Le livre s’arrête à l’arrivée de la photo couleur qui fait alors son apparition dans les musées de haute culture. La ville connaît un vent de changement avec l’arrivée du Parti Québécois. L’affichage en anglais, prédominant jusque-là, cède le pas au français par le biais d’une nouvelle loi. Il y a la tenue des Jeux olympiques et le règne de Jean-Drapeau prend fin.»

«Les Montréalais, portraits d'une histoire» de Jean-François Nadeau

Une expertise québécoise

Ce que le lecteur apprend à travers tous ces tirages d‘époque est phénoménal. En bon historien et amateur de photos, Jean-François Nadeau a déterré presque de l’oubli plusieurs perles insoupçonnées. Par exemple, qui aurait pu imaginer que le portrait iconique de Sitting Bull et Buffalo Bill a été pris dans un studio de Montréal un jour de 1885? «C’est vrai. Peu de gens savent que la plus célèbre photo de la conquête de l’Ouest américain est sortie d’une chambre noire à Montréal. C’est ici qu’est né le symbole absolu du rêve américain.»

À partir de la fin du XIXe siècle, les grands de la photographie arrivent en ville comme le Français Gabriel Veyre, alors chef opérateur envoyé en mission par les Frères Lumières en Amérique du Nord. Il fera son tour à Montréal en 1898 pour photographier les Mohawks de Kahnawake.

«Montréal devient très vite une plaque tournante, raconte le journaliste. On possède certains des meilleurs studios au monde. Les Américains viennent tirer les portraits des Montréalais au tournant du XXe siècle. Et déjà, une expertise locale voit le jour. Monsieur Louis Daguerre [celui qui donnera son nom au procédé révolutionnaire du daguerréotype] envoie en mission le Québécois Gaspard-Pierre-Gustave Joly pour aller prendre les toutes premières images des pyramides d’Égypte et de l’Acropole d’Athènes.»

Le bouquin inclut plusieurs instantanés d’Henri Cartier-Bresson jamais publiés jusqu’ici. Même si les œuvres de personnages de renom rappellent l’importance de notre métropole en matière d’industrie photographique, l’ouvrage s’ouvre également sur le travail artistique d’un certain nombre de pionniers considérés aujourd’hui comme de véritables visionnaires: William Notman, Antoine Désilet, Conrad Poirier, Basil Zarov, David W. Marvin et la presque oubliée madame Fletcher.

«À mon avis, une des photos les plus intéressantes est un magnifique cliché anonyme des années 1950. On y voit un jeune garçon au parc Lafontaine qui remonte une pente douce avec sa luge. Il y a là toute la solitude de l’hiver. Sa composition rappelle le style du Français Édouard Boubat.»

Lancement «Les Montréalais - Portraits d'une histoire»

La jeunesse de Montréal

Selon Nadeau, on peut déterminer les différentes sensibilités ou les réalités sociales d’une époque à partir d’un simple corpus photographique. «Avant, les gens qui souriaient ne pouvaient appartenir qu’à quatre types d’individus: soit un sourd, un alcoolique, un simple d’esprit ou une personne qui possède des mœurs légères. Aux alentours de 1920, le sourire dans les photos sera finalement permis avec l’apparition des vedettes américaines propulsée par la montée des studios hollywoodiens.»

Au fil des pages, le livre met surtout à l’avant-plan les vies d’enfants, d’hommes et de femmes de Montréal. La diversité des habitants et le passage des années sont représentés par des instantanés souvent d’une qualité exceptionnelle, dénichés pour la plupart dans des collections privées ou dans des fonds d’archives. «On a l’impression qu’en observant des photos dites “anciennes” on regarde quelque chose du passé. C’est une erreur de perspective. En fait, on regarde plutôt les origines d’une ville. Le livre est un voyage à l’intérieur de soi-même.»

L’époque burine les traits des visages comme un tison arraché au feu de l’histoire, résume Nadeau. «Les photos qui sont dans le livre nous parlent. Elles relatent notre jeunesse. Malheureusement, quoi qu’en dise le discours officiel, la photographie n’a jamais vraiment été valorisée au Québec. En matière de patrimoine, il faut dire qu’on est très en retard. Il y a des trésors à Montréal qui sont absolument sous-évalués.»

Les Montréalais: portraits d’une histoire – Jean-François Nadeau – Les Éditions de l’Homme – 352 pages – Parution le 26 octobre 2016.

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