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15 mois pour changer un coussin gonflable dangereux

15 mois pour changer un coussin gonflable dangereux

Le géant japonais Takata a fait le pari d'utiliser du nitrate d'ammonium pour déployer ses coussins gonflables, un pari économique, mais risqué, qui entraîne maintenant le plus grand rappel de voitures au monde.

Les coussins gonflables conçus et construits par Takata constituent une menace pour la sécurité des conducteurs et des passagers avant.

Jusqu'à maintenant, 16 personnes ont perdu la vie, plus d'une centaine de personnes ont été gravement blessées, la plupart aux États-Unis, lorsque la capsule de gonflement du coussin a explosé. Au Canada, 4,3 millions de voitures font l'objet d'un rappel.

Danielle Leclerc conduit une Toyota Corolla 2005. En juillet 2015, son concessionnaire lui envoie une lettre lui disant qu'un grave problème affecte le coussin gonflable situé côté passager. Le ton et le contenu de la lettre l'inquiètent.

Ce que ça disait dans ce message, c'est qu'il risquait d'y avoir des morceaux de métal qui pourraient tuer la personne qui est assise là. - Danielle Leclerc

Son coussin doit être remplacé, mais la pièce n'est pas disponible. En attendant, Toyota lui recommande d'asseoir tous les passagers sur la banquette arrière.

Le problème des coussins gonflables ne touche pas seulement le modèle Toyota de Mme Leclerc. Au Canada, 14 constructeurs automobiles ont envoyé des avis de rappel à leurs clients.

Avec plus de 100 millions de voitures rappelées, c'est devenu le plus important rappel au monde.

« Ils n'ont pas les pièces, semble-t-il. Je me suis arrêtée à deux reprises chez des concessionnaires Toyota qui m'ont dit qu'il n'y a rien à faire, qu'il faut attendre. Alors, j'attends! », explique Danielle Leclerc.

Le nitrate d'ammonium en cause

Tous les coussins gonflables défectueux ont été fabriqués par le géant japonais Takata. En 2001, le manufacturier a modifié certaines composantes de son générateur de gaz. Depuis cette époque, Takata utilise le nitrate d'ammonium pour déployer ses coussins gonflables.

Le nitrate d'ammonium est 10 fois plus économique que le produit employé précédemment. « C'est très économique. Très très économique », souligne Charles Dubois, professeur au Département de génie chimique de l'École polytechnique de Montréal. « Son faible coût est certainement un des avantages ou une motivation à migrer vers une formulation de ce type-là effectivement », croit-il.

Or, le nitrate d'ammonium a le défaut d'être instable. Au fil des ans, au contact de la chaleur et de l'humidité, les granules se transforment. Lors d'un accident, leur combustion risque d'être plus rapide.

« Si elle est plus rapide, le déploiement du sac ne se fera pas de la même façon. La pression interne peut être plus élevée, et c'est là qu'il peut y avoir des projections d'objets, des projections de résidus [causant] possiblement des blessures aux passagers », explique M. Dubois.

Des blessés, des morts et de graves soupçons

Dans tous les cas d'accidents répertoriés, la force du déploiement a été si intense que la capsule de gonflage a explosé, des débris métalliques ont déchiré le coussin, causant des blessures à une centaine d'automobilistes; certains ont eu l'artère carotide sectionnée.

Jusqu'à maintenant, 16 personnes sont mortes. « Ainsi, au lieu de sauver des vies, les coussins gonflables tuent des personnes », a dénoncé le sénateur américain Bill Nelson.

Dans trois rapports sénatoriaux, à la suite d'une longue enquête, Bill Nelson a décrit ce qui a conduit à ce désastre. Conclusion : Takata savait dès 2001 que le nitrate d'ammonium présentait de sérieux problèmes de sécurité. Mais elle aurait privilégié le profit plutôt que la sécurité.

Takata a ignoré les signaux d'alarme, falsifiant même les résultats des tests. En défense, les dirigeants de Takata affirment que ces falsifications ne sont pas reliées à la défectuosité de ses coussins.

« C'était un choix qui était risqué », souligne Charles Dubois, professeur à l'École polytechnique. « C'est évident, car à l'époque où ils ont fait ce choix-là, il y avait de la littérature technique qui montrait les risques. Les changements de phases [des granules de nitrate d'ammonium], le problème d'hygroscopicité [capacité d'absorber l'humidité de l'air, NDLR], étaient connus, poursuit-il. Donc, ce n'était pas nécessairement le meilleur choix. »

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Toyota Corolla S 2016

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