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«Sexe, pot et politique»: Lucie Pagé se paie la tête des politiciens!

«Sexe, pot et politique»: Lucie Pagé se paie la tête des politiciens!
Julien Faugère

On connait Lucie Pagé pour ses histoires sud-africaines, sa relation privilégiée avec Nelson Mandela, sa vie familiale partagée entre deux continents et ses prises de position enflammées sur les failles du monde moderne. Mais on connait moins l’écrivaine rieuse, celle qui parodie les politiciens dans son nouveau roman Sexe, pot et politique (Libre Expression).

L’écrivaine invite les lecteurs dans la vie de Joséphine, la femme d’un directeur de banque, qui consacre sa vie à cuisiner de divins repas et à peaufiner l’art de la présentation. «Joséphine, c’est la femme moyenne endormie, qui croit que les gens qui ont le pouvoir et l’argent ont raison. C’est une personne honnête, dévouée et naïve.»

Son mariage commence à battre de l’aile lorsque son mari est nommé ministre des Finances. Une tâche qui vient avec son lot de pression, d’impatience, de fatigue, d’absences répétées et de libido perturbée. Ainsi, avec un mélange d’ironie et de lucidité, Lucie Pagé illustre à quel point la politique change tout le monde. Ou presque.

«Il faut se demander si le pouvoir corrompt ou s’il attire les âmes corruptibles... Personnellement, je pense que c’est la deuxième option. Nelson Mandela n’a jamais été corrompu par le pouvoir. Je crois encore qu’on peut faire de la politique en restant intègre, mais c’est trop rare. Beaucoup de gens se lancent en politique pour la notoriété et le pouvoir avant tout.»

Il faut dire qu’elle a observé les gouvernements de près, en tant que journaliste et puis comme femme du militant politique sud-africain Jay Naidoo, qui fut ministre du gouvernement Mandela pendant cinq ans. «Ce gouvernement ne ressemblait à rien de ce qui se fait ailleurs : il était composé de militants politiques qui voulaient changer le monde. Mais j’ai voyagé dans plus de 60 pays et j’en ai partagé des repas avec des présidents, des rois, des reines et des dictateurs! De la corruption, j’en ai vu! »

Peu importe qu’on plonge dans l’esprit de Lucie Pagé à travers son roman, à la fois sympathique et révoltant, ou qu’on discute avec elle dans un café, en la voyant s’enflammer, gesticuler et replacer ses cheveux entre deux coups de gueule, on comprend qu’elle ne croit plus à la politique actuelle.

«J’y croyais dans mes livres d’écoles, quand j’étudiais les Grecs, la démocratie et cette idée qu’on devient politicien parce qu’on veut représenter le peuple en freinant les compagnies qui veulent l’exploiter. Mais quand j’entendais un homme comme Jean Charest affirmer qu’il ne négocie pas avec la rue, je me demandais ce qu’il faisait là!»

Néanmoins, elle est persuadée que les jeunes générations sont conscientes du mépris des politiciens et des élites. Et par-dessus tout, elle croit au pouvoir de l’humour et de la fiction pour convaincre les lecteurs que la politique est un cirque.

«Quand j’allais voir un spectacle d’Yvon Deschamps avec mes parents, on revenait à la maison et on parlait de valeurs, de racisme et de sexisme. L’humour est un véhicule pour absorber certaines réalités. Je sais que plusieurs personnes ne liront pas mon dernier essai, Demain, il sera trop tard, mon fils, et j’avais envie de les rejoindre autrement, d’une manière plus accessible, avec un roman.»

Quoi de mieux pour sortir ses lecteurs de leur zone de confort que d’introduire un peu de cannabis dans la vie de sa Joséphine? La quinquagénaire ne pensait JAMAIS toucher au pot de sa vie, jusqu’à ce que son fils Freddy la confronte à la série de préjugés qu’elle entretient : une suite de faussetés véhiculées depuis des décennies, clame Lucie Pagé.

«Mon médecin m’a dit que l’illégalité du cannabis était le plus grand scandale médical et pharmaceutique contemporain. Selon moi, le débat sur le pot est terriblement incomplet. C’est normal de parler des dangers, il y en a. C’est correct aussi d’analyser la consommation récréative, il va toujours en avoir. Mais jamais on ne parle des vertus médicales. On se limite à ranger le pot dans la catégorie des drogues dangereuses comme le crac et l’héroïne!»

L’auteure défend les pouvoirs du cannabis médical depuis qu’elle a réalisé qu’un grain de riz d’huile de cannabis par jour lui permettait de calmer les symptômes de sa ménopause sévère, qui détruisait sa vie. «J’aurais fini à la morgue ou à l’asile après 10 jours si je n’avais rien pris! Depuis que j’ai découvert les effets du cannabis, je me bats pour que les médecins l’étudient davantage.»

Sans réagir comme son personnage, qui traite d’abord son fils de «drogué» en découvrant qu’il fume des joints à l’occasion, Lucie Pagé avait des réserves sur le sujet, elle aussi. «J’étais très sceptique au début. Je comprenais qu’on pouvait fumer pour relaxer ou calmer les symptômes de ménopause, mais j’avais du mal à croire que le cannabis pouvait aussi aider les gens atteints de parkinson, de cancers et de plusieurs autres maladies.»

Après s’être lancée dans un exposé sur la propagande anti cannabis et son utilité médicale, qu’elle vulgarise très clairement dans la postface du roman, l’écrivaine revient à son histoire, à sa Joséphine, qui se métamorphose tout au long de son histoire. D’abord, grâce à son amie Lilly qui la confronte à ses contradictions. Puis, grâce à son fils qui l’encourage à délaisser une panoplie de médicaments au profit du cannabis. Et surtout, grâce à la transformation de son mari pour le pire.

«Elle essaie longtemps d’arranger les choses et de jouer à la médiatrice, parce que 30 ans de mariage, c’est difficile à mettre de côté. Mais un jour, elle se réveille et réalise que la politique, c’est n’importe quoi et que son mari est un trou de cul!»

À force de préparer des repas pour les hauts dignitaires, la dame a entendu un lot d’inepties assez choquantes pour sortir de son coma de l’esprit. Les nombreuses scènes de repas officiels, qui impliquent un maire obèse qui rêve d’un stade, un chef des médias manipulateur, un premier ministre ratoureux, permettent à Pagé de passer plusieurs messages sur ses thèmes de prédilection : la corruption, la guerre, l’économie, la gratuité scolaire, le racisme et l’environnement.

Cherchant à réveiller son personnage et ses lecteurs, l’écrivaine fait culminer son histoire avec une soirée absolument folle, où le cannabis mêlé à l’alcool fait tomber les masques des hauts dignitaires. Une façon de rire d’eux et de se venger. «C’est mon fantasme! Une révolution mondiale où on met tout le monde dehors!»

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