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«Le prix de la chose»: le roman féministe de Joseph Elfassi (ENTREVUE)

«Le prix de la chose»: le roman féministe de Joseph Elfassi
Michel Paquet.

Jeune homme banal dont l’existence se résume à accumuler les conquêtes, Louis est profondément troublé quand il apprend qu’une organisation encourage les femmes à exiger une rémunération pour chaque acte sexuel et qu’elle fabrique un liquide tuant les violeurs! Cette réalité est celle du roman Le prix de la chose, le premier du journaliste Joseph Elfassi, qui dénonce la situation des femmes avec verve, intelligence et ironie.

Le nouvel écrivain n’oserait pas classer lui-même son œuvre dans le corpus littéraire féministe, mais il n’en est pas moins flatté quand on lui partage notre impression.

«Je suis féministe. C’est la seule position viable. Ne pas être féministe, quand tu regardes le monde autour de toi, c’est se fermer les yeux volontairement sur des injustices récurrentes, centenaires ou millénaires, qui doivent être changées.»

C’est donc par la lorgnette de la fantaisie qu’il a imaginé un monde dans lequel un «syndicat» incite les femmes à se faire payer pour le sexe. Une façon pour elles de reprendre le contrôle sur leur corps et sur leur vie. «La dynamique du pouvoir change complètement. Ce n’est pas seulement une poignée de femmes face à une horde d’hommes. Dans le roman, les femmes ont désormais la force du nombre. Elles se rassemblent et s’assument pleinement.»

Au premier degré, la prémisse peut avoir l’air d’une réponse au débat sur la légalisation de la prostitution. Mais elle rejoint aussi de nombreux éléments ancrés dans l’actualité: la série d’agressions à l’Université Laval, les débats sur le consentement et la culture du viol.

«Depuis quelques années, on assiste à une révolution discursive qui a dépassé la sphère des médias sociaux, avec le hashtag des agressions non dénoncées et plusieurs autres scandales. Quand on écoute ces faits et ces arguments, on comprend la réalité féminine, la domination patriarcale, la culture du viol et la domination.»

Il affirme pourtant avoir ressenti une petite résistance face à cette réalité. Résistance qui s’est dissipée avec le temps. «Au début, je me disais qu’on n’allait pas m’éduquer et que j’étais un gars égalitaire. Puis, j’ai réalisé que je pouvais être dans une posture d’apprentissage. Il faut avoir cette humilité-là pour comprendre une situation qu’on ne vit pas. Mon livre est le résultat de cette écoute.»

Dans Le prix de la chose, les lecteurs découvrent la portée de la révolution sexuelle à travers les yeux de Louis, un homme qui ne s’épanouit pas dans son travail et qui ne carbure pas non plus aux arts, aux sports, aux drogues ou aux plaisirs gustatifs. Son but principal : avoir du sexe, toujours plus de sexe.

«Louis est le symbole d’une obsession assez commune, mais c’est un être relativement inoffensif au discours creux. Il n’a pas d’opinion forte et tranchée. C’est un homme privilégié qui est incapable de voir son privilège. Quand la révolution débute, il capote! Il brise assez rapidement au début du livre. Et l’histoire est celle de ce bris continu jusqu’à la fin.»

Plus le mouvement prend de l’ampleur, plus les femmes s’éloignent des territoires hostiles, désertent les transports en commun et se rassemblent à la tête d’entreprises qui développent des produits et des services qui répondent expressément à leurs besoins.

En plus du système de rémunération de la sexualité et du liquide anti-violeurs, elles jettent les fondations d’une économie parallèle. «Je ne sais pas à quel point c’est une chose viable, parce qu’il y a encore plein d’obstacles à ça. Mais pas mal moins qu’il y a 50 ou 100 ans. On s’éloigne peu à peu de la société où tout est décidé entre hommes.»

De page en page, l’auteur s’amuse à imaginer les réactions de ses semblables, qu’ils soient politiciens, commentateurs ou simples badauds, alors que ceux-ci se permettent – encore – de commenter ce que les femmes font de leur corps. Tant ici qu’à l’étranger.

«Je voulais installer un élément de chaos et explorer comment la communauté internationale allait réagir à cela. Parce que peu importe la nouvelle, il y a toujours plusieurs acteurs qui remplissent leur rôle prévisible, en dénonçant et en commentant.»

De toute évidence, Joseph Elfassi a pris un malin plaisir à imaginer la débandade masculine de manière crue et directe. «Dans la créativité romanesque, il faut prendre des risques. Je me permets d’exprimer sans limites et sans censure ce qui m’habite.»

Chose qu’il n’a évidemment pas fait au cours des dernières années en tant que journaliste – principalement culturel – pour Voir, TFO, Vice et l’ONF. «J’ai écrit le livre dans une période où j’étais sans contrat. Mon cerveau n’était plus en mode journalistique. Je le laissais aller dans plusieurs directions différentes. Et le roman est arrivé de lui-même.»

Ironiquement, il a longtemps cru que la littérature ne serait jamais faite pour lui. «À l’adolescence, j’ai gagné un concours d’écriture de nouvelles en Abitibi. Ça m’a donné la propulsion pour continuer. J’ai longtemps écrit des textes pour moi. Mais j’ai ensuite étudié en cinéma-communications et en journalisme. Quand la notion de gagne-pain est arrivée, le journalisme a pris toute la place et j’ai abandonné l’idée d’écrire de la fiction. Je pensais que ce n’était pas pour moi.»

Il avait tort, heureusement.

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