Nouvelle montée de tension sur le chantier du nouveau Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Incapables de se faire payer, des sous-traitants ont entrepris des démarches judiciaires contre Construction Santé Montréal (CSM), l'entrepreneur général chargé de construire le nouvel hôpital, a appris La Presse.

Trois entreprises ont déposé six hypothèques légales pour une somme totalisant plus de 10 millions contre le CHUM et CSM. Au moins deux autres entreprises attendent toujours de se faire payer et analysent leurs options.

«On a de la misère à se faire payer. On n'a pas encore déposé d'hypothèque légale. On espère un dénouement», affirme le président de Groupe Paquette, Jean-François Paquette, qui est en pourparlers avec CSM. Cette entreprise a effectué des travaux de plomberie et de chauffage pour une facture qu'elle estime entre 55 et 60 millions sur le site du nouveau CHUM.

«On ne parle pas de petits montants, mais bien de plusieurs millions. C'est sûr que ce n'est pas rassurant», dit M. Paquette.

Au moins un autre sous-traitant joint par La Presse est dans la même situation.

Des hypothèques légales

Déjà, trois entreprises ont déposé des hypothèques légales concernant la construction du nouveau CHUM, révèle le registre foncier du Québec.

L'hypothèque légale est une procédure qui vise notamment à garantir les créances des constructeurs et rénovateurs pour les travaux réalisés dans un bâtiment, explique le notaire David Dolan. Les entrepreneurs qui estiment que des sommes leur sont dues ont jusqu'à 30 jours suivant la fin d'un chantier pour déposer leur hypothèque légale. Il est toutefois aussi possible de déposer cette procédure avant la fin des travaux.

Les entreprises ayant déposé une hypothèque légale ont préséance sur les autres créanciers. Si les parties n'en viennent pas à une entente, la procédure peut éventuellement mener à la vente en justice de l'immeuble afin de garantir le paiement des constructeurs.

Question financière

Jean-Pierre Aubry, fellow invité au CIRANO, explique qu'il est possible que les entreprises ayant déposé des hypothèques légales dans le dossier du CHUM soient simplement en conflit avec CSM sur les sommes qui leur sont réellement dues ou non.

Mais dans le contexte actuel, il estime que ces procédures soulèvent plutôt «des doutes sur les liquidités du consortium». «Dans un environnent où les taux d'intérêt sont très élevés, un contracteur général est plus tenté de retarder des paiements pour maximiser ses profits», dit-il.

Mais actuellement, M. Aubry précise que les «taux sont très bas» et que les retards de paiement sont «une indication plus forte qu'il y a un problème de gestion ou de liquidités».

La situation financière du consortium chargé de construire le CHUM est en effet remise en question. En août, Moody's a abaissé la cote de crédit d'OHL, l'une des entreprises du consortium, à B3.

Le mois dernier, La Presse a révélé que Québec a retenu 70 millions en paiement dû au consortium depuis le 22 avril. La phase 2 du CHUM devait en effet être livrée à cette date, mais le consortium a été incapable de terminer les travaux à temps, si bien que Québec n'a pas déposé les versements mensuels prévus au contrat de partenariat public-privé.

Le directeur exécutif des projets de modernisation des CHU, Clermont Gignac, a aussi reconnu aussi avoir versé à l'avance 5 millions au consortium pour des travaux demandés en extra étant donné sa «situation financière plus fragile».

Pas d'inquiétude

Stéphane Mailhot, directeur des communications pour CSM, ne s'inquiète pas du fait que des hypothèques légales aient été déposées. Il affirme que «comme pour tous les grands projets», CSM fait «parfois face à des réclamations qui excèdent les montants des contrats initiaux, lesquelles peuvent être, ou non, recevables».

«Cette situation n'a rien d'anormal lorsque vous transigez avec environ 450 sous-traitants», dit M. Mailhot. 

Martin Viau, directeur des communications au bureau de modernisation des CHU de Montréal, assure pour sa part que le gouvernement est «protégé à 100% contre les hypothèques légales» et donc qu'il ne sera pas responsable de ces hypothèques une fois que le nouveau CHUM lui sera livré.

«Il y a des provisions dans le contrat qui précisent que les hypothèques légales s'arrêtent au niveau du consortium», explique-t-il. M. Viau assure également que même si des hypothèques légales sont pendantes, Québec pourra prendre possession du bâtiment une fois qu'il sera terminé et qu'aucun retard ne pourra être causé par ces procédures.

Toujours des questions sur la date de livraison

À environ un mois de la date prévue de livraison provisoire de la phase 2 du CHUM, CSM est toujours incapable de dire si l'échéancier pourra ou non être respecté. CSM a jusqu'à jeudi pour confirmer s'il sera en mesure de livrer le nouvel hôpital le 6 novembre. Plusieurs acteurs impliqués dans le chantier du CHUM doutent que le bâtiment soit prêt le mois prochain. Selon Stéphane Mailhot, CSM a encore «amplement le temps» de révéler si l'échéancier sera respecté ou non. «La semaine est encore jeune», a également déclaré M. Viau.