Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Mes voisins sont trop bruyants, surtout la nuit!

Mes voisins sont trop bruyants, surtout la nuit!

Alors qu’elle rédige sa thèse, Aurore est interrompue par les manifestations bruyantes du plaisir de ses voisins. De quoi troubler son travail et sa vie.

Les propos de cette histoire ont été recueillis par la journaliste Hélène Claudel et retranscrits à la première personne.

J’ai d’abord cru que c’était un chat. Ou plutôt une baston de chats. Et puis, j’ai trouvé que ces miaulements déchaînés avaient quelque chose de très humain. Surtout qu’ils étaient accompagnés d’un couinement (le sommier?) assez répétitif. Un long et viril: "Raah t’aimes ça" acheva de me convaincre quant à leur nature exacte.

Il était 23h30; je pouvais remettre à plus tard la rédaction de ce premier chapitre de ma thèse sur "Le pouvoir de l’écrit chez les Carolingiens". Des mois que j’essayais de m’y mettre. Le Moyen Âge n’était déjà pas fun, mais là, dans cette ambiance Youporn, il devenait impraticable. J’avais la sensation d’être avec eux, au milieu du lit. Et je n’ai jamais aimé les plans à trois. (Encore moins avec des Carolingiens.)

Ce couple n’avait pourtant pas la tête de ce tohu-bohu coïtal. L’un et l’autre avaient l’air si discret ; elle, avec sa dégaine de bourgeoise, lui, avec ses petites lunettes rondes et son cartable d’inspecteur des finances. Ils étaient jeunes, mais faisaient déjà vieux… Impossible d’imaginer qu’ils puissent être à l’origine de tels sons.

Depuis un mois qu’ils étaient installés dans l’immeuble, j’avais quand même noté qu’ils étaient un peu bruyants. Je ne sais pas ce qu’ils traficotaient dans la journée, s’ils se déplaçaient avec une enclume ou une armoire, toujours est-il qu’ils donnaient l’impression de vivre à quinze chez eux. J’avais mis ça sur le compte de l’emménagement. Mais là, ce n’était pas la décoration intérieure qu’ils étaient en train d’explorer. Surtout que ça durait longtemps, leur affaire… "Quelle santé, ce petit monsieur!", pensais-je. Je me marrais en attendant que ça passe, son apparence était si loin d’un Rocco Siffredi insatiable.

Du fantasme...

Cette promiscuité intime et forcée m’a d’abord amusée. Je n’allais pas râler: ils s’aimaient, s’éclataient, faisaient l’amour. Jusque-là, tout était normal. Ce n’était pas de leur faute si le baron Haussmann avait foiré son isolation phonique. Ça resterait épisodique, j’en étais convaincue. Mais, le surlendemain, ils ont remis ça. Et le jour suivant aussi. Et encore celui d’après. Allons bon. Était-ce leur rythme habituel?

Cette fois, ce fut en pleine nuit, à 2h38. Par chance, c’était moins long que la veille, mais facile trois quarts d’heure quand même. Il avait décidément la pêche… Malgré la confection de bouchons d’oreilles de fortune en Sopalin mouillé (je n’avais plus de coton), j’entendais tout. J’ai eu un mal fou à me rendormir. Ils faisaient la B.O., je me chargeais du film. Toutes sortes d’images torrides envahissaient mes pensées. "Oh my god"… voilà que leurs galipettes m’excitaient moi aussi, seule dans mon grand lit. Me rappelant au passage ma situation sentimentale désertique, et peut-être un peu pathétique aussi: je fantasmais quand même sur le couple le moins sexy de la planète.

Ça m’a fait drôle le matin lorsque je les ai croisés dans l’ascenseur. Je baissais la tête, étrangement gênée… comme s’il s’était réellement passé quelque chose entre nous. Ils ont dû me trouver très bizarre car ils m’ont demandé deux fois si j’allais bien. Bon, après tout, moi aussi j’avais connu ces pics d’activité sexuelle. Qui n’en a pas eu? Je me rappelais aussi que ça ne dure jamais bien longtemps. Mais la fréquence de mes voisins est restée la même. Au bout de deux mois, je ne rigolais plus du tout. Leur vie sexuelle était devenue mon problème. C’était presque toutes les nuits! Je n’allais quand même pas déménager pour ça! Mais je ne me voyais pas non plus leur expliquer de baisser le volume pendant la levrette de Madame.

Alors, j’ai feinté: "Tout va bien? leur demandai-je un jour où j’ai pu les coincer devant le digicode. Je ne fais pas trop de bruit? Car les murs ici sont vraiment très, très minces… Du papier", insistai-je. Ils m’ont répondu que non et, le soir même, c’était reparti pour le concerto en "aaaaah majeur". J’avais invité à dîner un collègue de la fac où j’enseigne. Il n’a pas demandé son reste et s’est barré fissa. Disons que le brame de Monsieur a légèrement cassé la magie. C’était si fort, que je me suis demandé s’il ne le faisait pas exprès.

Deux jours plus tard, même avec des boules Quiès, impossible d’écrire une ligne: je ressentais des vibrations. Quelque chose cognait fort contre le mur… Mais qu’est-ce qu’il lui faisait, nom d’un chien?! Il était minuit passé. Je me suis mise à taper au plafond avec le manche à balai. Hystérique. Non mais oh! Mais à part écailler salement ma peinture White Laponia, je n’ai rien obtenu ; le volume n’a pas baissé d’un iota. Mon chapitre II n’a guère avancé.

…Au cauchemar

Le lendemain, après m’être assurée de la bonne santé de ma voisine (il ne manquerait plus qu’on m’accuse de non-assistance à personne en danger), je me suis décidée: j’allais leur parler. Les yeux dans les yeux. Remontée à bloc, j’ai sonné. "Ça ne va pas du tout", ai-je (plutôt bien) attaqué. Si je suis parvenue à évoquer le bruit en journée "à cause des soucis d’insonorisation causés par le parquet point de Hongrie", ai-je été obligée de préciser, celui de la nuit, ça ne sortait pas, je tournais autour du pot, marmonnais, m’emmêlais.

Je ne voulais pas de ce silence pesant où ils n’auraient plus su où se mettre. Alors, c’est moi que j’ai humiliée. Je suis partie dans un monologue évoquant ma difficulté à rencontrer quelqu’un "surtout lorsqu’on a une thèse à écrire et qu’on ne dort pas". Ils ne se sont pas sentis visés et, bienveillants, m’ont conseillé d’essayer le Donormyl. Je les aurais bien étranglés, mais j’ai préféré rentrer chez moi avaler un Lexo. Leur offrir une moquette isolante, je n’en avais pas les moyens. Faire une pétition, ce n’était pas mon style et ça m’aurait obligé à aller voir chaque voisin en leur disant que les parties de sexe du quatrième me gênaient.

Bonjour la vieille fille. J’ai bien essayé d’installer ma chambre dans le salon, puis dans le bureau, mais c’était le même boucan. À croire qu’ils se déplaçaient eux aussi. La plaie. Je n’allais pas dormir à la cave non plus!

INOLTRE SU HUFFPOST

12 conseils pour les couples tentés par le sexe anal

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.