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Sophie Cadieux, l'actrice sans âge (ENTREVUE)

Sophie Cadieux, l'actrice sans âge (ENTREVUE)
Maude Chauvin

Rares sont les comédiennes capables d’interpréter des personnages de toutes les générations avec autant de justesse que Sophie Cadieux. Dans les prochains jours, elle jouera l’adolescente amoureuse dans Le Timide à la cour, en plus de porter la voix de Bérénice dans L’avalée des avalés au FIL. En janvier 2017, elle fera un retour à la télé dans le rôle d’une femme de carrière en plein burn-out, à l’aube de la quarantaine.

Les adolescents l’ont découverte dans Watatatow, où elle jouait l’incomparable Vanessa. Les amateurs de théâtre ne sont pas prêts d’oublier son interprétation d’une ado dans Cette fille-là. Le grand public l’a adoptée grâce à Rumeurs, où elle était la petite sœur de Benoit Dumais (James Hyndman). Le talent, les traits et la voix juvéniles de Cadieux lui ont toujours permis d’interpréter des rôles où la jeunesse était mise à l’avant-plan.

Jusqu’à ce qu’une période de transition s’impose et ouvre la porte à de nombreux rôles où la candeur, la légèreté et l’innocence étaient bien peu présentes, tant au cinéma (Jaloux), qu’à la télé (Les Lavigueur, Prozac) et au théâtre (Après la fin, La fureur de ce que je pense, Faire des enfants).

Retour aux sources

Cet automne, voilà qu’elle joue une jeune fille de 16 ans dans Le Timide à la cour, une pièce écrite par Tirso de Molina en 1611, en plein Siècle d’or espagnol. Le timide en question est Mireno (Renaud Lacelle-Bourdon), un jeune berger ambitieux qui échange ses montagnes pour la ville et ses moutons pour les nobles de la cour, où il aspire à une vie meilleure. Il y fera la rencontre des filles du Duc, Seraphina (Kim Despatis) et Magdalena (Sophie Cadieux). Bien que son cœur bouille pour cette dernière, les barrières sociales et son extrême timidité le ralentiront dans ses démarches.

«Mireno est un homme qui veut s’émanciper et qui veut monter les échelons, mais il est terriblement timide en amour. En le voyant aller, Magdalena va prendre les devants et faire les premiers pas», révèle la comédienne.

Bien qu’il s’agisse d’une comédie classique où les jeunes premières se laissent courtiser, en étant irrémédiablement victimes du destin que les hommes ont fixé pour elles, les personnages féminins de Molina sont plus forts que ceux des pièces du même genre.

«Ce ne sont pas seulement des épouses qui vivent en périphérie des hommes ou des jeunes premières pleines de pruderie et de vertu. Magdalena accepte ce que son père lui demande, mais elle louvoie et manigance pour séduire l’homme dont elle est éprise.»

Sa sœur Seraphina est tout aussi rebelle pour une jeune noble du 17e siècle. «Elle refuse les prétendants, elle est très proche de sa suivante et elle veut se déguiser en homme pour avoir le droit de faire du théâtre. C’était extrêmement subversif pour l’époque.»

Rendre des comptes à l’histoire

Même si le texte de Molina s’avère moins guindé que bien des comédies françaises, le metteur en scène Alexandre Fecteau ne s’est pas gêné pour isoler certains éléments qui pourraient être dissonants pour les spectateurs d’aujourd’hui.

«Oui, les filles commencent à s’émanciper, mais on veut que les gens réalisent ce qui pouvait se dire sur les femmes au théâtre il y a 400 ans, sans que personne ne le remette en cause. On questionne ce qui s’est passé depuis et comment un public contemporain reçoit ça. En 2016, est-ce qu’on rit encore des blagues de femmes sans défense et prises de force?»

La quête du jeune Mireno pour améliorer son sort permet également de voir clair dans le jeu de ceux qui profitent de leur rang social. «On retrouve des personnages masculins qui font des moves sur des filles, en espérant que leur classe sociale leur permette de taire ces choses-là. Ça nous renvoie un peu à certains événements récents…»

D’un bout à l’autre de la pièce, les interprètes se tiendront à la frontière entre le non-jugement des personnages et le constat des siècles qui séparent les deux périodes. «On est parfois en mode décrochage pour mettre de l’avant un propos qui nous fait poser beaucoup de questions. Il ne faut pas qu’on ait l’air de ditcher la pièce. Ça demeure du théâtre divertissant et intelligent. Mais il y a certaines choses qu’on refuse aujourd’hui et qu’on met en lumière, plutôt que de les couper.»

Un classique québécois

Publié en 1966, L’avalée des avalés sera célébré au Festival international de littérature, alors que Sophie Cadieux, Louise Marleau et Maxime Denommée joueront une adaptation mise en scène par Lorraine Pintal.

Une occasion rêvée pour Cadieux. «Ce livre a été extrêmement déterminant dans ma jeunesse. Ducharme est un auteur que j’aime beaucoup. Quand j’ai replongé dans son univers, en jouant “Ha ha!" au TNM en 2011, c’était un cadeau inouï.»

Après quelques années où elle s’est tenue loin des personnages bien plus jeunes qu’elle, l’actrice joue donc avec joie l’impétueuse Bérénice. «Pour moi, Bérénice a tous les âges. Elle est l’incarnation d’une résistance contre le monde tel qu’il est. Je suis heureuse de l’incarner, parce que je ne reviens pas à quelque chose que j’ai connu. Je joue à 39 ans l’enfant-ado de Ducharme, après avoir eu un enfant en moi. Quelque chose s’est métamorphosé.»

Burn-out télévisuel

En janvier, l’actrice sera au cœur de Lâcher prise, la nouvelle série réalisée par Stéphane Lapointe et écrite par Isabelle Langlois. Elle prêtera ses traits à Valérie Danaud, une maman nouvellement divorcée à qui tout réussit… jusqu’à ce qu’elle perde son emploi et qu’un enchaînement d’événements la propulse dans un burn-out. «C’est une femme toujours au-dessus de tout, qui a fait son HEC, qui a réussi son divorce après que son mari l’ait laissée pour un homme, qui élève son enfant et qui s’entraîne. Mais en 24 h, tout pète et elle perd ses repères!»

Selon Cadieux, on retrouve dans la série le même amalgame de folie, d’humour et d’émotion pure auquel Isabelle Langlois a habitué les téléspectateurs dans Rumeurs, Mauvais Karma et Boomerang. «On est dans la vulnérabilité et la vérité, sans toutefois bouder le comique. Il y a des choses bad qui se disent! C’est très cinglant par moment. Je pense que beaucoup de superwomen et de supermen vont se reconnaître là-dedans.»

***

Le Timide à la cour sera présenté au Théâtre Denise-Pelletier du 28 septembre au 22 octobre. Cliquez ici pour plus de détails.

L’avalée des avalés sera joué au FIL les 1er et 2 octobre. Cliquez ici pour plus de détails.

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