Le maire Denis Coderre voulait mettre la hache dans les pouvoirs des arrondissements et ramener beaucoup de leurs prérogatives à la ville-centre. Le gouvernement Couillard va lui administrer une douche froide.

Le projet de loi sur Montréal «métropole» en gestation au ministère des Affaires municipales accordera beaucoup de latitude à la Ville en matière de développement économique, mais le réaménagement des pouvoirs entre Montréal et ses arrondissements sera bien moins important que ne le souhaitait l'administration Coderre. 

Le projet de loi n'a pas encore cheminé dans les comités ministériels, ce qui laisse prévoir qu'il ne sera pas déposé avant plusieurs semaines encore.

Attentes ambitieuses

Selon les informations obtenues par La Presse, le projet de loi sur la table de travail privera les arrondissements de la possibilité d'adopter des règlements d'emprunt. Et ils devront partager leurs surplus éventuels avec la ville-centre. En matière de gouvernance, devant les attentes ambitieuses de la Ville, le ministre Martin Coiteux y est allé au «compte-gouttes», explique-t-on.

En effet, à la fin de 2015, Denis Coderre avait soumis au ministre Pierre Moreau, prédécesseur de Martin Coiteux, un volumineux document, une proposition de projet de loi qui privait les arrondissements d'une longue liste de pouvoirs accordés par la Loi sur l'organisation municipale, adoptée en 2003. M. Coderre voulait retirer aux arrondissements des pouvoirs en matière de gestion des employés, les priver du pouvoir de créer des services et d'en choisir les directeurs. On faisait table rase de dispositions permettant aux arrondissements de négocier des conventions collectives et d'acheter des immeubles. 

D'entrée de jeu, en recevant l'imposant projet des mains du maire Coderre, le ministre Moreau avait prévenu Montréal que c'était le Ministère qui avait la responsabilité de rédiger le projet de loi.

Une demande retenue

De toutes ces demandes qui rognaient les pouvoirs des arrondissements, Québec en a retenu essentiellement une: on privera les arrondissements du pouvoir de négocier des règlements d'emprunt - bref, ils ne pourront plus emprunter pour payer leurs factures.

D'autres idées ont été écartées. Pendant longtemps, Montréal a voulu obtenir la gestion du parc immobilier de l'Éducation. L'ampleur des factures l'a fait reculer, mais Québec ne souhaitait pas de toute façon donner ces immeubles, un geste qui l'aurait forcé à radier 1,8 milliard de ses actifs. 

Montréal a aussi jonglé avec un mécanisme permettant de réduire les hausses importantes de taxes foncières - en attendant qu'un propriétaire puisse vendre à profit sa résidence. La complexité de l'application de cette mesure a dissuadé ses promoteurs.

Plus de pouvoirs en matière de développement économique

Du côté du développement économique, un comité présidé par l'ex-patronne de Desjardins Monique Leroux avait réclamé plus de pouvoirs pour la métropole.

Québec ira dans cette direction, même si le ministère de Dominique Anglade veut s'assurer qu'on n'accordera pas à la Ville des pouvoirs susceptibles de contrecarrer les initiatives de Québec.

Une chose paraît acquise: Montréal sera doté d'un «fonds de développement économique» calqué un peu sur ce qui a été accordé à Québec dans un projet de loi du printemps dernier.

Publiquement, le ministre Martin Coiteux avait indiqué qu'il comptait accorder «plus de flexibilité aux villes pour taxer mieux». Plusieurs dispositions considérées vont dans cette direction.

Ainsi, on donnerait la latitude à la Ville d'accorder des réductions de taxes ciblées pour, par exemple, dorer la pilule à des commerces qui ont vu leur chiffre d'affaires fondre à cause de travaux municipaux. Montréal a suggéré qu'on lui permette de réduire la valeur de ces immeubles, une formule jugée trop lourde par Québec.

Le projet de loi permettrait aussi à la Ville d'établir les heures d'exploitation pour les permis d'alcool, et elle pourrait décider seule de dérogations aux heures d'ouverture des commerces.

On veut conférer à Montréal davantage de pouvoirs pour soutenir le développement économique et l'innovation. La Ville aurait les coudées franches pour la mise en place de sociétés de développement commercial. Des crédits de taxes pourraient être accordés à des entreprises dans des créneaux ciblés. Montréal pourrait disposer d'un de ses immeubles à une valeur autre que la valeur marchande.

Comme pour Toronto, on prévoit adopter des mesures pour donner plus de latitude à la Ville quand elle vient en aide à des secteurs dévitalisés.