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Oktoberfest 2016: pourquoi aime-t-on autant la bière alors qu'au début, on la déteste?

Pourquoi aime-t-on autant la bière alors qu'au début, on la déteste?
Reuters

C'est parti pour deux semaines de festivités à Munich, la capitale mondiale de la bière, en Allemagne. Tenues bavaroises et musique traditionnelle seront au rendez-vous, mais pas autant que les litres de bière qui vont être engloutis. En 2014, dans des chopes d'un litre (on ne rigole pas), ce sont plus de 7 millions de litres de bières qui se sont écoulés.

Bavarois mais également touristes du monde entier se ruent chaque année à Munich pour profiter de l'événement (6,4 millions l'an dernier). Si on se rend à l'Oktoberfest pour l'ambiance, on peut être quasiment certain que le houblon est l'un des attraits principaux de cette fête (avec les bretzels). Mais qu'est-ce qui rend cette boisson blonde, brune ou rousse si irrésistible pour des millions de personnes?

Vous ne vous posez certainement plus la question, tant à la fin d'une longue journée de travail, vous aimez vous détendre en la savourant avec vos amis ou quand, pendant un événement sportif ou un concert, elle vous accompagne presque comme le prolongement de votre main. Pourtant, tentez de vous souvenir de votre première fois. N'avez-vous pas lâché un "beurk" de profond dégoût? Éprouvé un sentiment d'incompréhension totale devant vos parents et leurs amis qui avaient les yeux pétillants en la savourant? Pensé que jamais, ô grand jamais, vous ne toucheriez à cet immonde breuvage de votre vie? Et pourtant, vous voici, à sautiller à l'Oktoberfest comme un enfant devant le Père Noël (ou à en rêver).

Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter à l'enfance. En effet, nous sommes attirés ou révulsés par des saveurs de façon innée. "Dans les deux cas, il y a une explication vitale", explique Nicolas Darcel, maître de conférence en nutrition à AgroParisTech, enseignant en neurosciences du comportement alimentaire, contacté par Le HuffPost. "On aime tout de suite le gras et le sucré car ce sont des saveurs qui aident le jeune humain à grandir. Mais on rejette l'amer, car ce goût est souvent associé à des aliments toxiques ou pas propices à la consommation."

Et la bière, ce n'est pas une surprise, est un produit amer. "Si on n'aime pas la bière la première fois, c'est parce qu'on n'a jamais appris à l'aimer", poursuit le chercheur. Pour Fabrizio Bucella, docteur en sciences, sommelier, spécialiste du vin et de la bière (et contributeur régulier sur Le HuffPost), l'amertume de la bière "caractéristique, due au houblon" explique en partie cette aversion première: "les substances amères ne sont pas légion dans l'alimentation moderne. Ce n'est pas la goût auquel nous sommes le plus éduqués." A ceci s'ajoute, selon lui, le "sentiment de pseudo-chaleur" qui peut "sembler 'brûlant' au néophyte et déroute clairement les sens".

Rien ne nous prédestine donc à aimer cette boisson fermentée. Il s'agit en fait d'un processus "très subtile et complexe", indique Nicolas Darcel. Il existe pour lui trois éléments à prendre en compte.

  1. L'apprentissage du goût amer: "Notre système gustatif se transforme. Selon moi cette évolution permet de diversifier son alimentation."
  2. L'effet de l'alcool: "Il va avoir un effet apaisant, procurer une sensation de bien-être à l'organisme. Petit à petit, on associe la bière à ce sentiment."
  3. Les enjeux interindividuels: "On s'expose à la consommation de bière à l'adolescence. C'est souvent socialement convenu d'aller boire une bière entre copains."

Un phénomène biologique d'une part et social de l'autre donc. C'est l'association des deux qui fait que tant de personnes adulent la bière. "Ce moment de bien-être qui s’installe, et ce dès la première gorgée voire même dès le moment du service, est notamment lié à la libération de la dopamine dans le cerveau. Il s’en suit une sorte de rituel, où bien entendu l’absorption d’alcool a sa place, auquel notre organisme s’habitue petit à petit, qui procure du plaisir et auquel il devient difficile de renoncer."

Evidemment, on vous parle depuis le début de "bière" comme s'il s'agissait d'un goût unique, mais vous savez qu'il n'en est rien. C'est la bière blonde qui est la plus consommée: "c'est la fameuse bière de la soif, la bière qui 'désaltère'. C'est surtout la plus simple, la plus accessible et la plus universelle", détaille Fabrizio Bucella. C'est aussi celle qui a une amertume plus légère, par rapport aux brunes surtout. C'est pourquoi on peut en être avec la bière brune au même stade que quelqu'un qui goûte une blonde pour la première fois.

Rien d'universel dans tout ceci, car certaines personnes n'ont jamais aimé et n'aimeront jamais la bière, justement à cause de ce goût particulier que vous adorez, mais aussi en raison du côté effervescent de cette boisson "qui peut être un facteur bloquant pour certains", précise Fabrizio Bucella.

Et inutile de préciser que rien n'oblige à s'habituer à aimer la bière, et surtout pas la pression sociale. Mais vous savez désormais pourquoi vous appréciez, comme le décrit Fabrizio Bucella, ce "subtil mélange d'amertume et d'alcool, ainsi que le côté doucereux du produit". Alors comme on le dit en Allemagne, Prost!

(N'oubliez pas de consommer avec modération.)

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