Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La Chine et la censure selon Alexandre Trudeau (VIDÉO)

La Chine et la censure selon Alexandre Trudeau (VIDÉO)

MONTRÉAL – Alexandre Trudeau n’a aucune intention d’être complaisant envers le gouvernement fédéral, même si son frère est premier ministre du Canada. Il pourrait même devoir s’opposer à certaines de ses décisions, si ses convictions le poussent à le faire.

« Ça n’a jamais été mon fort de me censurer. Peut-être qu’il faut que je fasse un peu plus attention, c’est sûr. Mais non, je ne me censure pas. Pas du tout. Je suis un homme de principes et j’obéis avant tout à mes principes », a-t-il expliqué pendant une tournée médiatique pour faire la promotion de son premier livre, Un barbare en Chine nouvelle.

Alexandre Trudeau prend la parole aux côtés de son frère Justin en 2003. (Photo : Reuters)

Le frère cadet de Justin Trudeau, documentariste, journaliste et maintenant auteur, s’est fait remarquer pour son soutien envers Mohamed Harkat, un Algérien menacé de déportation en raison de ses présumés liens avec une cellule dormante d’Al-Qaïda.

En mars dernier, il avait envoyé une lettre au ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, pour arrêter le processus de déportation de Harkat. Les conservateurs y avaient vu un conflit d’intérêts. Comment le ministre réagirait-il à cette demande du frère du premier ministre?

Alexandre Trudeau ne se formalise pas de ces accusations, puisqu’il aurait fait la même chose peu importe qui dirige le gouvernement. « Je me considère parmi d’autres citoyens qui surveillent de très près ce gouvernement pour qu’il soit à la hauteur de nos attentes – nos grandes attentes – de ce merveilleux pays. »

« Non, je ne serai jamais complaisant, tranche l’auteur. Je pense que ce gouvernement, et la plupart des gouvernements canadiens, se rendent compte que c’est bon d’avoir des citoyens qui les questionnent. »

Celui qui se décrit comme un « esprit libre » espère ne jamais devoir être « en position d’opposition ouverte » envers le gouvernement Trudeau. « Mais ce serait possible, dit-il. Puis ce n’est pas quelque chose qui me fait peur non plus. Ni à mon frère, je pense! Il sait qui je suis, il a grandi avec moi. »

Pierre Elliot Trudeau a voyagé en Chine avec ses deux fils aînés – Justin et Alexandre – en 1990, soit à peine un an après les manifestations de Tian’anmen. Alexandre, qui était âgé de 16 ans à l’époque, se souvient que son père leur avait fait la leçon après qu’ils aient fait les fous en dévalant une montagne célèbre.

Pierre Trudeau et Jacques Hébert en 1960. (Photo : PC/Montreal Gazette)

« Il était très conscient que la Chine a une dynamique qui lui appartient et qui est très complexe, qui est très ancienne et qu’on ne doit pas y aller de façon dure. Dans ce cas-là, c’était de dire à ses jeunes enfants qu’on se comportait en sauvages, d’une certaine manière », raconte-t-il.

Alexandre Trudeau est retourné dans l’empire du Milieu en 2006, avec les enseignements de son père en tête. Accompagné d’une jeune guide chinoise, Vivien, il est allé à la rencontre d’artistes, d’entrepreneurs, de villageois, de jeunes et de moins jeunes.

Son but? Comprendre la Chine et le rôle fondamental qu’elle joue dans le monde, mais aussi faire comprendre la Chine aux autres. Il a échelonné son écriture pendant près de 10 ans afin de tenter de dresser le portrait d’un pays plein de contradictions.

Pour ce faire, il dit avoir voulu éviter de s’imposer, quitte à se faire tout discret lors de ses rencontres. Dès le début du livre, il explique vouloir « feindre le désintérêt total », comme s’il s’ennuyait, s’il était distrait ou « un peu demeuré ».

« Juste d’être un Occidental, un Blanc qui se promène, qui pose des questions, ça dérange le monde. Donc, j’essaie toutes sortes de techniques pour passer d’une façon, que les gens ne soient pas trop accablés par ma présence », s’explique-t-il.

Alexandre Trudeau arrête de parler, le temps d’un instant. Ses yeux fixent quelque chose au loin.

« Regarde, le rat! En haut des marches! »

La bête se sauve, à quelques mètres du lieu de l’entrevue. L’auteur poursuit son récit, l’air sérieux.

« Je pense que tout voyageur doit se considérer un barbare : quelqu’un qui ne comprend pas, qui n’est pas en mesure de comprendre comment fonctionne un pays. Mais c’est surtout vrai en Chine, un pays qui est hyper complexe, très profond, pas toujours évident. »

Justin Trudeau a lu le bouquin de son frère avant de voyager en Chine pour une visite officielle et le sommet du G20. Le premier ministre en a profité pour créer des liens durables avec Pékin, en plus d’avoir soulevé la question des droits humains.

Justin Trudeau revient d'un voyage officiel en Chine. (Photo : PC)

En entrevue, son frère Alexandre insiste pour dire qu’il ne faut pas juger le bilan politique ou humain du pays sur des critères occidentaux. Il pense aussi qu’il est « simpliste » de croire que la Chine pourrait ressembler au Canada sur le plan de la démocratie.

« La Chine est meilleure qu’elle ne l’a jamais été, il faut le dire, en termes de bonheur humain et elle continue de progresser. Elle a beaucoup de chemin à faire avant d’arriver à quelque chose qui serait acceptable pour nous. Mais de dire que la Chine est condamnable à cause de ça, entièrement, c’est mécomprendre la Chine. »

« Il y a aussi la notion que nous ne devrions pas faire du commerce avec la Chine, parce qu’elle a un système politique dont nous n’approuvons pas. Si c’était le cas, franchement, on éliminerait tout le monde sur la liste. On ferait des affaires avec peut-être… la Suède et la Norvège », continue Alexandre Trudeau dans sa tirade pro-libre-échange.

Seul bémol, la vente d’armes. « Vous savez, où ça devient difficile, c’est lorsqu’on vend des armes à des régimes répressifs. Il y aurait peut-être quelque chose à dire à propos de ça. Mais nous ne vendons que de l’huile de canola et du pétrole [aux Chinois]. »

Lorsqu’on mentionne que le Canada vend des armes en Arabie saoudite, où les droits humains sont également bafoués, il repousse la question de la main. « C’est une tout autre histoire, dit-il. Cela ne concerne pas la Chine. Je garderai le sujet pour mon prochain projet si j’ai quelque chose à dire à ce sujet. »

La question est posée à nouveau, en anglais cette fois-ci : Alexandre Trudeau doit-il se censurer maintenant que son frère est premier ministre?

« Je pense que je viens de le faire! »

Un barbare en Chine nouvelle par Alexandre Trudeau. Éditions Boréal. 328 pages. En librairies depuis le 13 septembre 2016.

VOIR AUSSI :

INOLTRE SU HUFFPOST

Justin Trudeau en Chine

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.