Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Il faut savoir se perdre en vacances, mais ce n'est pas toujours facile

Il faut savoir se perdre en vacances, mais ce n'est pas toujours facile
Red balloon floating through city
Thomas Jackson via Getty Images
Red balloon floating through city

C'était le moment tant attendu du voyage. En colonie de vacances ou en sortie scolaire, nous avions devant nous une petite heure ou, dans le meilleur des cas, une demi-journée. Le temps libre, le seul et unique moment où nous pouvions, dans un périmètre plus ou moins étendu, faire ce que nous voulions. Plus de règle, plus de rang à former, d'activité imposée.

Au début, cela donne le tournis. Vite, vite, il y a comme une urgence de faire le tour des rues, des boutiques, de ce territoire nouveau. Et surtout à oublier le contrôle permanent des adultes, l’œil vissé sur nous jour et nuit. Il faut ensuite décider seuls et seulement en se fondant sur notre intuition de tourner à gauche ou à droite, d'entrer ou non ici et là. Dans ces moments-là, un ou deux d'entre nous pouvaient risquer de se perdre. C'était l'affolement, les adultes voyaient leur pire cauchemar se réaliser, les enfants aussi. Tout à coup, la ville devenait effrayante, les passants immenses, les rues étroites.

Qui voudrait se perdre volontairement? Nous, aujourd'hui, adultes.

Partir en voyage sans consulter le moindre guide touristique, sans lire ce que d'autres voyageurs ont vu et aimé avant vous, sans faire le tour des «bons plans» ni se demander si ce restaurant pour ce soir a de bonnes critiques, sans, en un mot, préparer ses vacances, cela semble impossible. Ce serait comme aller dans un musée sans prendre l'audio-guide, sans lire la moindre pancarte, ce serait passer complètement à côté des œuvres sous nos yeux. Ce serait perdre du temps. Sauf que voyager, c'est aussi et surtout se promener, nez au vent, sans plan.

«La liberté, c'est d'être guidé par l'humeur et non par une carte»

Évidemment, l'idée n'est pas d'être lâché seul et sans ressource aucune au milieu de nulle part. Du moins, au début. Commençons par un quartier, une petite ville. Ensuite, c'est simple, il suffit d'éteindre Google Map, de plier délicatement la carte dans son sac, de laisser son guide au fond de sa valise et de marcher. Au fil des rues, sans objectif précis, l'odorat, l'ouïe, la vue prennent le dessus. Peut-être qu'à Paris, on ne verra pas la Tour Eiffel de très près, ni la Statue de la Liberté à New York.

«La liberté, c'est d'être guidé par l'humeur et non par une carte», écrivait en août 2015, la journaliste voyage du New York Times, Stephanie Rosenbloom. Voilà ce qui restera de ce moment, les souvenirs de l'émotion et de l'humeur qui nous ont guidés dans ces rues. Les restaurants ne seront peut-être pas meilleurs que ceux conseillés dans le Routard ou le Lonely Planet, mais ils auront au moins le mérite d'avoir été choisis sur le moment, spontanément, par nous et nous seuls. Voilà pour la partie facile, celle qui peut durer quelques heures. Celle que l'on quitte tout aussi facilement pour retrouver nos petits réflexes.

De la difficulté de se perdre

En vérité, se perdre, c'est une mission impossible. Pour certains, cela peut sembler facile. Ils sont même en lutte permanente pour ne pas se perdre, la faute à un sens de l'orientation défaillant. Mais se perdre volontairement, c'est un vrai défi. Cela demande de ne plus réfléchir comme on le fait dans la vie de tous les jours, de repenser notre rapport au voyage. Pourquoi voyage-t-on dans un endroit que l'on ne connaît pas? Pour s'évader de son quotidien, pour découvrir de nouvelles choses, pour se découvrir sous un jour nouveau aussi.

Le journaliste américain Matt Gross raconte par exemple avoir essayé de se perdre dans la médina de Tanger au Maroc. «Un échec», se souvient-il. «C'était peut-être trop petit, les recoins de la médina étaient peut-être trop uniques pour ne pas m'en souvenir et ne pas établir une carte dans ma tête.» Mais, le journaliste a compris lors de cette première expérience que l'on pouvait se perdre autrement que géographiquement. «Se perdre dans le moment, dans des expériences excitantes, dans un plat, dans des rencontres avec les gens», énumère-t-il.

Pour ce faire, il n'existe évidemment pas de manuel, mais Matt Gross donne quelques conseils généraux :

- déposer dès que possible ses bagages dans sa chambre ou dans la consigne d'un aéroport ou d'une gare.

- soyez patients : «Vous pensez que vous avez juste à monter dans n'importe quel bus et descendre vingt minutes après complètement désorienté, mais si vous avez un peu le sens de l'orientation, cela n'arrivera pas. Pensez plutôt que vous pouvez vous perdre pas après pas, toujours plus loin de ce qui vous est familier et confortable vers l'inconnu».

- se perdre n'est qu'une façon différente de profiter d'un voyage et de se surprendre, il en existe des tas d'autres.

C'est aussi l'expérience qu'a vécue l'écrivain américain Sam Lipsyte. En voyage au Portugal et en Espagne, il a réussi à se perdre le temps d'une nuit à Séville. Ce séjour ne se passait pas comme il le voulait. Il était accompagné de sa compagne d'alors et tous deux venaient de se rendre compte qu'ils ne s'aimaient plus. Ils vivaient dans l'entre-deux gênant d'une histoire finissante. Arrivés à Séville et ne sachant pas trop quoi faire, ils décidèrent de se promener. Au coin d'une rue, le couple croise un lointain copain d’école de Sam.

Après une bière, il leur propose de voir du «vrai flamenco, pas un truc de touriste». Là, le couple va tout oublier pendant quelques heures. «Nous étions heureux et heureux ensemble. Peut-être que l'étincelle était toujours là. Peut-être que nous pouvions résoudre nos problèmes», se souvient Sam Lipsyte. «Évidemment, la nuit devait bien avoir une fin, elle en a eu une.» Sam et sa compagne ne se sont pas remis ensemble, ils n'ont pas échangé leur numéro avec ce lointain ami d’école. Mais ces quelques heures semblent avoir marqué à vie l'écrivain.

Qui peut en dire autant de ses voyages?

VOIR AUSSI :

12 destinations parfaites pour voyager en solitaire

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.