Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

À 100km de la Convention républicaine de Cleveland, Donald Trump charme une Amérique dépassée

À 100km de la convention, une Amérique dépassée est sous le charme

INTERNATIONAL - Dans les comtés clés de l’État charnière de l'Ohio, les électeurs aiment Donald Trump et son colistier Mike Pence. Mais il s’agit là d’une Amérique en perte de vitesse. Est-ce que ce sera suffisant pour propulser Trump à la tête du pays? Howard Fineman, l'éditorialiste politique du Huffington Post américain est allé voir hors des sentiers battus, à Port Clinton, entre Détroit et Cleveland, la ville où la Convention républicaine vient de commencer.

Les fenêtres du commerce du coin situé sur la rive du lac Erié sont couvertes d’éphémères (ou éphéméroptères, "Mayflies"), si bien qu’on ne peut voir à l’intérieur. À la fin du printemps, pendant la nuit, ces mouches s’envolent de la surface de l’eau pour chercher la lumière. Elles finissent souvent leur envolée en s’écrasant sur tout ce qu’elles croisent dans le village.

En sortant du magasin, galon de lait sous le bras, Dan Peterson, un homme de 38 ans travaillant à l’usine de panneaux muraux – une des seules encore ouvertes dans les environs – explique pourquoi il aime Donald Trump. “Je regarde toujours toutes les options, dit-il. J’aimais Obama en 2008, pour le côté historique de la chose. Mais la situation s’est dégradée depuis. J’aime la tenue de Trump. Va-t-il tout résoudre? Non. Mais il dit ce qu’il pense et a une attitude de guerrier.”

Dan Peterson et son père Ron à Port Clinton

Le village venteux de Port Clinton, à une heure à l’ouest de Cleveland, est situé dans le comté d’Ottawa, qui a voté pour le gagnant de chaque élection présidentielle depuis 1944, dans un État qui vote du “bon côté” depuis 1964.

Ici, et dans un autre comté charnière de la banlieue de Cleveland, Portage, la rumeur semble favorable au candidat Trump, d’après les commentaires que j’ai pu y recueillir en une journée. Visiblement, les électeurs rencontrés sont aussi ravis du choix du gouverneur de l’Indiana, Mike Pence, comme colistier. Même si ce choix (et le logo constitué des initiales des deux hommes) a été tourné en dérision par plusieurs, Pence séduit un grand nombre d’électeurs pour une raison : il est un chrétien convaincu. “Je suis une pro-vie et j’aime ce que j’entends”, souligne Lynette Saucedo, une enseignante d’art de Marblehead, qui disait attendre un “signe de Dieu” avant de choisir pour qui elle votera en novembre.

Mon séjour m’a toutefois aussi démontré que ce genre d’Amérique, sur laquelle le nouveau ticket républicain tente de surfer, est aussi en voie de disparition.

“Est-ce que Trump va tout résourdre? Non. Mais il dit ce qu’il pense et a une attitude de guerrier.”

Dans ces comptés de banlieue – à la limite de l’Amérique urbaine et de l’Amérique rurale – la peinture sur la devanture des commerces s’écaille, de fiers résidants combinent deux emplois et les vieilles maisons ornées de signes “à louer” et d’antennes paraboliques se dégradent rapidement.

Ces villes et villages, où les magasins à un dollar dominent, sont habités par des Américains blancs et, majoritairement, très religieux. Et bien que la plupart soient très conscients de leur racines (allemandes, scandinaves, est-européennes, italiennes, irlandaises, etc.) ils se croient en état de siège devant les “autres” : les Hispaniques, les Musulmans et, peut-être encore plus depuis les récentes fusillades impliquant des policiers, les Afro-Américains.

Tout ça représente un cocktail explosif avec lequel Trump joue depuis le début de sa campagne – par exemple en appuyant le mouvement “birther”, qui remet en doute le fait que Barack Obama soit un Américain. Trump diffuse ce message au nom du Parti républicain, qu’il contrôle désormais de façon hostile.

Ces électeurs acquis au parti et qui glorifient la Vieille (et blanche) Amérique sont-ils assez nombreux pour envoyer Trump à la Maison-Blanche? Cela reste à voir. Les analyses démographiques semblent montrer le contraire, les blancs ne représentant aujourd’hui que les deux tiers de l’électorat américain, contre les trois quarts il y a quelques années. Mais la motivation peut parfois peser aussi lourd dans la balance que les mathématiques.

Et les supporters de Trump sont très motivés.

Le Jolly Roger de Port Clinton

Au Jolly Roger, un restaurant de fruits de mer de Port Clinton, on sert frite la perche pêchée directement dans le lac voisin. Dans la longue file du comptoir, les affamés semblaient grandement être du clan Trump.

“Il ne fait pas dans la dentelle, et c’est l’une des raisons qui expliquent son succès”, indique Jim Boehm, un représentant en vente dans le domaine de l’équipement dentaire, aujourd’hui retraité. “J’ai été libertarien, poursuit-il. J’ai fait mes devoirs et je peux vous dire que Trump n’est pas lié à l’establishment, aux George Soroses de ce monde. Ça me rassure.”

Dans ce coin du pays de l’Oncle Sam, les travailleurs doivent souvent créer leur propre petite entreprise, étant donné que les grands joueurs ont presque tous déménagé ailleurs, pour le peu qu’il y avait. Les petits entrepreneurs semblent en avoir contre l’actuel président Obama. Ils doivent débourser davantage pour se soigner et payer pour la couverture de leurs employés.

“Cela nous affecte grandement, lance Rhonda Broadway, propriétaire d’un salon de coiffure. Nous sommes trop taxés et certaines de ces taxes sont cachées. Nous avons plus de chance de repousser le socialisme avec Trump à la Maison-Blanche. J’ai eu la chance de voyager dans ma vie. Je suis allée en Argentine. Nous ne voulons pas être l’Argentine.”

La femme et plusieurs autres électeurs s’appuient sur l’expérience économique de Trump pour lui apporter leur soutien. C’est le cas de Coleen et Bill Helsley, qui sirotaient leur martini au bar du DelCiello’s Ristorante & Lounge, situé près de la rue principale de Ravenna, un joli village qui a du cachet, mais qui peine.

Ravenna serait une banlieue d’Akron… si Akron se développait à un rythme suffisant.

Coleen et Bill Helsley aiment le style de business à la Trump

“Parce qu’il est un businessman, Trump sait s’entourer des bonnes personnes, celles qui peuvent s’acquitter des tâches, qui vont apporter des résultats”, dit Bill Helsley, qui est à la tête d’une entreprise de nettoyage. “En politique, c’est souvent une histoire de contacts. On engage des amis qui n’ont pas la pression de performer.”

Selon ces électeurs, Trump est un fonceur, un homme d’affaires qui dit la vérité et, comme affirme Bill Helsley, qui “dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas”.

Roosevelt Wagner n’est pas aussi tendre envers Trump. Ce héros footballeur, qui a fait carrière à Michigan State, est le parfait mélange d’étudiant modèle et d’athlète accompli. Le colosse de 320 livres est propriétaire d’un service de traiteur et d’un concessionnaire d’automobiles. “J’ai un diplôme en psychologie, mais il faut bien nourrir la famille”, avoue-t-il. Wagner est un afro-américain qui penche pour le Parti républicain, mais il n’a pas encore été convaincu par Trump, bien qu’il ne soit pas un fan de Hillary Clinton. “Il n’a pas d’expérience politique, dit-il. A-t-il assez de connaissances pour occuper la Maison-Blanche?” Si Mitt Romney était de nouveau candidat républicain, il se rangerait de son côté sans hésiter.

Marissa Major et son fiancé Uriah Brandt, supporter d'Hillary Clinton.

J’ai bien trouvé deux partisans de Hillary Clinton pendant mon périple. Ils travaillent dans la cuisine du DelCiello’s, où le propriétaire Mike DelCiello, un natif d’Akron qui fait la part belle aux recettes italiennes de sa grand-mère, les traite avec respect!

Le chef Uriah Brandt, 29 ans et largement tatoué, était en fait un fan de Bernie Sanders. Mais il s’est rangé, sans trop d’enthousiasme, derrière l’ancienne première dame. Il ne cache pas son mépris pour Trump. “Il ne semble pas savoir de quoi il parle, souligne-t-il. C’est comme s’il parlait de son monde imaginaire. Hillary m’effraie aussi, mais elle est la moindre de deux maux.”

Sa fiancée, Marissa Major, 28 ans, travaille comme serveuse au même restaurant en plus d’occuper un poste dans un cabinet de chirurgie buccale. “J’aime Hillary, glisse-t-elle. Elle défend les enfants et l’éducation depuis longtemps. C’est ce que j’apprécie.”

Le propriétaire Mike DelCiello, dans l’esprit de l’État clé de l’Ohio, se garde bien pour le moment de dire pour qui il votera. C’est qu’il se laisse l’option de changer d’idée. Il se souciait davantage de mon appréciation de ma sauce bolognaise, qu’il a appris à cuisiner tout jeune, dans le quartier italien d’Akron.

C’était délicieux, peu importe ce que l’on peut penser du duo Trump-Pence!

Voir aussi:

USA-ELECTION/REPUBLICANS

Convention de Donald Trump

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.