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Aide médicale à mourir : le travail de plusieurs médecins critiqué par la Commission

Aide médicale à mourir : le travail de plusieurs médecins critiqué
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Au cours des dernières semaines, la Commission sur les soins de fin de vie a envoyé plusieurs lettres à des établissements et des médecins qui ont pratiqué l'aide médicale à mourir au Québec, selon ce qu'a appris Radio-Canada. Dans certains cas, la Commission affirme que les médecins n'ont pas respecté le critère de fin de vie.

Un texte de Davide Gentile

La Commission, qui est mandatée pour surveiller l'application de la loi québécoise, reproche aux médecins, dans certains cas, de ne pas avoir respecté les critères prévus par la loi.

On y souligne le fait que le décès prévisible des patients qui ont demandé et obtenu l'aide médicale à mourir était d'environ un an. Ce qui pour la Commission ne correspondrait pas à la définition de « fin de vie ». Ces lettres indiquent que « les informations transmises dans le formulaire ne permettent pas de conclure que la personne était en fin de vie. »

Quelques chiffres

Les régions de Lanaudière et de la Montérégie-Est ont reçu le plus de demandes d'aide médicale à mourir, soit 25 et 21 demandes, respectivement.

En moyenne, au Québec, 33 % des demandes d'aide médicale à mourir n'ont pas été administrées aux patients. Les taux le plus élevés sont à Laval (71 %) et dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal (71 %).

De décembre 2015 à juin 2016, plus de 11 500 personnes ont reçu des soins palliatifs et de fin de vie à domicile.

Confusion dans les critères

La définition de certains critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir crée de la confusion. C'est surtout le cas pour celui qui stipule que le patient doit être « en fin de vie ».

« En ce moment, il y a une incertitude parce qu'on n'applique pas nécessairement les mêmes normes partout, affirme l'avocat Jean-Pierre Ménard. La Commission sur les soins de fin de vie parle en matière de jours, de semaines ou de quelques mois. Alors que le Collège des médecins du Québec parle de six mois à un an. »

Pour Me Ménard, « c'est clair qu'il y a une difficulté. L'interprétation varie trop d'un milieu à l'autre. »

« On a mis les pieds sur un nouveau continent », affirme pour sa part le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec. Il reconnaît qu'il existe des divergences d'interprétations avec la Commission sur les soins de fin de vie quant à trois critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir.

D'abord, il existe un flou concernant l'aptitude du patient à consentir et l'indépendance du médecin envers le patient à qui il administre l'aide médicale à mourir. Le troisième élément est la définition de la fin de vie.

« C'était certainement pour nous à l'intérieur d'un an. Quelque chose comme ça », affirme le Dr Robert. Il admet que la Commission a une définition plus restrictive.

Il faut prendre la décision en fonction de la souffrance du patient et non pas en essayant d'évaluer le temps qu'il lui reste.

Docteur Yves Robert

Toutefois, mieux préciser dans sa durée le concept de fin de vie comporte certains écueils, affirme le Dr Robert.

Des précisions à apporter

Malgré les nombreuses demandes de précisions formulées par la Commission, le Dr Robert estime que, dans tous les cas, les médecins ont effectué leur travail dans les règles de l'art et selon les balises établies par la Loi sur les soins de fin de vie.

La Commission sur les soins de fin de vie précise par courriel que « l'évaluation de la fin de vie est basée sur l'ensemble des critères en lien avec l'état de santé. »

Et contrairement au Collège des médecins, la Commission ouvre la porte au fait de préciser la notion de fin de vie. « Effectivement, une définition plus claire de la fin de vie serait utile pour les intervenants du réseau de la santé ainsi que pour la Commission sur les soins de fin de vie. Toutefois, la Commission conçoit bien qu'il ne s'agit pas d'une définition facile à produire. »

Le ministre de la Santé Gaétan Barrette ne croit pas pour sa part qu'il soit nécessaire de préciser davantage dans la loi le critère de fin de vie. « De vouloir fixer une date ou un laps de temps au-delà duquel le geste ne peut pas être posé, ce n'est pas la bonne voie », dit le ministre. Selon lui, cette approche est illusoire.

Prédire que ça va prendre deux mois ou six mois, c'est très difficile. On a tous vu des gens à qui l'on a dit : "il vous reste deux mois à vivre", et la personne a survécu pendant quatre mois.

Gaétan Barrette, ministre de la Santé

Des médecins se sentent jugés

Les précisions demandées par la Commission semblent avoir refroidi bien des médecins. « Certains interprètent la lettre comme un jugement de leur pratique médicale et ont énoncé une réserve sur leur disponibilité future à offrir cette procédure », affirme Yves Robert. Ces lettres n'entraînent cependant pas de sanction ou de blâme pour les médecins visés.

Le Dr Alain Naud du CHU de Québec, qui a administré les soins de fin de vie à plusieurs personnes, a reçu plusieurs lettres de la Commission sur les soins de fin de vie qui souhaite obtenir des précisions sur la capacité de consentement de ses patients. Les demandes étaient pertinentes, estime le médecin en soins palliatifs.

Mais selon lui, le formulaire que doivent remplir les médecins dans le cadre de l'aide médicale à mourir doit être revu. « Il est un peu mal conçu. »

Par ailleurs, il croit qu'il est anormal que seuls 2 des 11 membres de la Commission soient des médecins. « Est-ce que la composition est adéquate pour évaluer la prise en charge médicale que représente l'aide médicale à mourir? Je pense qu'il faut poser la question. »

Alors qu'on est encore en période d'ajustement au Québec, les choses pourraient se compliquer davantage avec l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l'aide médicale à mourir qui est basée sur le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible, un critère qui est déjà contesté en cour.

Voir aussi:

Québec

Le droit à l'euthanasie à travers le monde

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