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Rêver le métro: Prolonger la ligne orange est le choix logique

Prolonger la ligne orange, le choix logique
Véronique Lewandowski

» Ce texte a été publié dans le cadre de «Rêver le métro», une vaste analyse de données qui s'est penchée sur la question du prolongement des lignes de métro à Montréal. Consultez le dossier au complet ici.

Le 26 avril 2007, le premier ministre du Québec et les maires de Montréal et de Laval se trouvaient dans la voiture de tête d’une rame de métro pour inaugurer les trois nouvelles stations de la ligne orange. Jean Charest, Gérald Tremblay et Gilles Vaillancourt, en plus d’un gratin politique relevé, étaient tout sourire pour célébrer l’arrivée du réseau de métro à Laval.

Neuf ans plus tard, une question s’impose : est-ce qu’offrir le même genre de traitement à l’autre extrémité de la ligne orange devrait être la priorité pour notre métro? Les données analysées par le Huffington Post Québec répondent par l’affirmative.

Avant d’envisager que la branche ouest de cette ligne atteigne la banlieue nord de Montréal, il est essentiel d’ouvrir des stations dans l’arrondissement de Saint-Laurent, estime Christian Savard, directeur-général de l’organisme Vivre en ville. «Compléter la ligne orange vers la gare de Bois-Franc devrait être un "no-brainer". Dans une ville qui veut améliorer constamment son transport collectif, ça devrait déjà être fait», estime-t-il. D’ailleurs, depuis la création du métro en 1966, la quasi-totalité des plans de prolongement de la ligne orange incluent un tracé allant jusqu’à Bois-Franc.

Ce que nos données révèlent...

L’arrondissement de Saint-Laurent est de loin celui présentant le plus grand potentiel pour un prolongement, selon notre analyse. Ce quartier comptait en 2013 plus de 53 000 usagers potentiels du métro, dont près de 77% utilisent actuellement leur voiture. Dans le cas du quartier lavallois de Chomedey, ces nombres sont respectivement de 27 500 et 21 300 personnes. C’est donc dire que ces derniers utilisent dans une très grande proportion l’automobile à l’heure de pointe matinale. L’ajout de stations de métro a donc le potentiel de convaincre un grand nombre d’automobilistes d’adopter le transport en commun.

Pour les détails de notre méthodologie, veuillez consulter notre texte à ce sujet.

prolongement ligne orange

Des stations presque creusées

Le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, bien qu’il maintienne que la ligne bleue est la priorité pour la région montréalaise, voit tout de même un certain alignement des planètes justifiant l’ajout d’au moins deux stations dans son arrondissement.

«Actuellement, Côte-Vertu est le terminus. À partir de là, il y a déjà un tunnel d’un kilomètre qui s’approche de la [potentielle] station Poirier», explique-t-il. En ne creusant qu’environ un kilomètre de plus, on aurait donc un tunnel qui se rendrait jusqu’à Bois-Franc.

Considérant que le futur système léger par rail (SLR) proposé par la Caisse de dépôt et placement du Québec passera par ce secteur, l’idée devient encore plus alléchante. Une station intermodale permettrait alors de nouvelles options de mobilité pour les habitants du secteur. «Pour les gens qui viennent de l’ouest avoir une connexion directe avec le métro, ça ouvre beaucoup de possibilités», indique Christian Savard, citant l’exemple du personnel se rendant au Centre universitaire de santé McGill, qui se trouve à quelques pas de la station Vendôme.

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Selon François Pépin, président de Transport 2000, ce raccord «va aider ces personnes sur la rue Van Horne ou ceux aux environs du métro Sauvé à avoir d’autres options de transport». Considérant l’engorgement matinal de la branche est de la ligne orange, l’impact pourrait être grand, ajoute cet ancien spécialiste en planification des transports à la Société de transport de Montréal (STM).

«La ligne orange ne touche que le sud de l’arrondissement de Saint-Laurent», renchérit Craig Sauvé, porte-parole en matière de transport à Projet Montréal. Si le projet de SLR voit le jour, l’élu estime que la pression sera croissante pour créer un lien avec le métro. «Donc, naturellement, le gouvernement voudra creuser ces deux stations.»

Saint-Laurent, pôle économique

Tous ne le savent pas, mais en plus de se retrouver sur la route de centaines de milliers de travailleurs, Saint-Laurent est l’un des pôles d’emploi majeurs de la grande région montréalaise. Seul l’arrondissement de Ville-Marie - qui englobe le centre-ville - abrite plus d’emplois que «VSL», selon des données de la Ville de Montréal.

Avec ses 107 000 emplois, Saint-Laurent demeure un moteur économique et industriel de l’île de Montréal, fait valoir le maire DeSousa. «Il y a un grand besoin d’avoir un bon service de transport en commun si nous voulons garder la région compétitive», insiste-t-il.

Le nombre d'emplois dans les arrondissements de l'ouest de Montréal. Source : Ville de Montréal (données 2014, publication 2016)

L’achalandage potentiel ne justifie toutefois pas la coûteuse construction du métro. C’est du moins ce qu’avance Ahmed El-Geneidey, le professeur à la Faculté d’aménagement à l’Université McGill. «Un bon autobus peut faire le travail», dit-il, à condition qu’il soit situé sur une voie prioritaire et puisse bénéficier d’un système de synchronisation des feux de circulation.

L’autobus 121 (Sauvé/Côte-Vertu), qui assure un lien entre les arrondissements de Montréal-Nord et de Saint-Laurent desservait plus de 30 000 personnes par jour en 2015, selon un rapport de la STM, ce qui en faisait la ligne la plus achalandée du réseau. Ce chiffre ne fait pas broncher Ahmed El-Geneidey, «la construction de stations de métro n’est pas justifié avec un tel nombre d’usagers. Pour la fraction du prix tu améliores la fréquence de l’autobus et ça règle le problème de la surcapacité».

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Le prolongement à Laval suscite des interrogations

La Société de transport de Laval (STL) voit le projet de ligne bleue comme la priorité et la promesse à respecter en premier, mais souhaite quand même montrer l’importance d’un prolongement de la ligne orange par la suite, et le plus tôt possible.

Guy Picard, directeur-général de la STL croit tout de même qu’«il y a de la place pour un mode lourd, [pour un nouveau] prolongement du métro à Laval». À moyen-terme, la société de transport aimerait voir l’ajout de deux stations, aux intersections Lévesque/Chomedey et Labelle/Notre-Dame, précise Nicolas Girard, récemment nommé directeur à la STL et ex-président de l’Agence métropolitaine de transport.

«Entre 2008 et 2013, l’usage du transport collectif à Laval a augmenté de 28%, ce qui est énorme», ajoute Guy Picard. Selon l’Institut de la statistique, la population de la ville pourrait en plus augmenter à 530 000 en 2036, une hausse de 31% par rapport à 2011.

FAUT-IL «FERMER LA BOUCLE » DE LA LIGNE ORANGE?

En allongeant la ligne orange par sa branche ouest plus profondément dans Laval, une option s’offrira éventuellement : rejoindre la nouvelle branche et la station Montmorency pour transformer la ligne orange en «boucle» orange. Qu’en pense Guy Picard?

«Quand on parle du projet global avec un bouclement, peut-être que dans 40 ans ça fait une autre chose. Mais à court terme on parle de ces deux stations, et effectivement il pourrait y avoir des liaisons par transport collectif qui pourraient se faire avec le centre-ville [de Laval]. [...] Dans un premier temps, boucler la boucle, ça coûterait trop d’argent pour ce que ça va rapporter», car on voit les besoins apparaître à mesure qu’on progresse. »

montmorency metro

Une rame de métro arrivant à la station Montmorency, actuel terminus de la ligne orange.

Outre la STL, les autres intervenants contactés par le HuffPost sont plus partagés lorsqu’il est question de prolonger pour une deuxième fois la ligne orange sur le territoire lavallois.

Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour contrer l’étalement urbain, en plus de priver encore les habitants de l’île de Montréal de nouvelles stations, fait valoir Paul Lewis, doyen de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. «Le métro pose des problèmes de surcapacité dans la zone centrale et on ne veut pas rajouter encore plus de gens dans les banlieues», estime-t-il.

« Je desservirais les payeurs de taxes de Montréal avant», déclare pour sa part Claude Dauphin, maire de Lachine, qui rappelle qu’aucune nouvelle station n’a été construite depuis la complétion de la ligne bleue, en 1988.

Pour Christian Savard, de Vivre en Ville, la réalité est plus nuancée, et le prolongement à Laval en 2007 a permis un redéveloppement, créant «un début de centre-ville à Laval». «On voit que le métro joue son rôle de structurer le développement urbain», assure-t-il.

Pas de temps à perdre

Le maire de Saint-Laurent et le d.-g. de la STL s’entendent : il ne faut pas attendre avant de commencer les démarches vers la réalisation d’un prolongement de la ligne orange.

«On pense que les études doivent redémarrer et se compléter rapidement pour qu’après la ligne bleue on ne tombe pas dans un vacuum où, pendant plusieurs années, il n’y a rien qui va se faire», insiste Guy Picard.

Alan DeSousa voit une fenêtre d’opportunité s’ouvrir : «Le gouvernement fédéral veut favoriser le transport en commun et je crois que le provincial est dans le même enlignement. On a besoin d’argent car ce sont des sommes considérables, mais pour la première fois depuis longtemps je vois une possibilité où du financement pourrait être au rendez-vous.»

Les promesses politiques font en sorte que le prolongement vers l’est de la ligne bleue se fera en premier lieu, estime le maire, mais dans un horizon «raisonnable», des nouvelles stations à VSL deviendront incontournables, et seront à tout le moins fortement considérées pour Laval.

Ce qu’ils avaient à dire sur l’engorgement de la branche est de la ligne orange

«La partie est de la ligne orange est totalement surchargée. Donc un nouveau prolongement, en plus de répondre aux besoins de développement de Laval et la Rive-Nord, viendrait soulager cette portion de la ligne orange.» - Guy Picard

«C’est clair qu’il y a des problématiques avec la ligne orange, engorgée, on sait que les trains AZUR apportent 8% de plus de capacité mais ça ne va pas se régler vite. On pense que le SRB Pie-IX va éventuellement pouvoir faire compétition au métro de la ligne orange est.» - Craig Sauvé, porte-parole en matière de transport pour Projet Montréal

«Si on rajoute des gens dans la ligne bleue - qui ne vont pas tant que ça à l’UdeM mais plus au centre-ville -, ça pose le problème de l’engorgement! Mais il faut se poser la question de l’impact sur les infrastructures existantes que ces prolongements de métro vont entraîner.» - Paul Lewis, urbaniste et doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal

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