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Aide médicale à mourir: le Sénat adopte le projet de loi amendé

Aide médicale à mourir: le Sénat adopte le projet de loi amendé
Adrian Wyld/CP

Le Sénat renvoie la Chambre des communes à la planche à dessin, ayant adopté mercredi soir par une écrasante majorité une version substantiellement amendée du projet de loi sur l'aide médicale à mourir.

La mesure législative C-14 revue et corrigée a été approuvée en troisième lecture par 64 voix contre 12, avec une abstention, tard en soirée. Elle a rallié tant de farouches opposants à l'aide médicale à mourir que des partisans de la version originale du projet de loi.

Bon nombre d'entre eux ont donc vraisemblablement donné leur aval

à C-14 pour éviter qu'il ne soit défait au Sénat, et afin de permettre que le dialogue entre les deux chambres puisse enfin se mettre en branle.

Il reste à voir quelle sera l'issue de cette partie de ping-pong législatif, qui s'amorcera officiellement jeudi, alors qu'il restera en théorie six petits jours au calendrier des travaux parlementaires aux Communes.

Après avoir bombé le torse, certains sénateurs ont semblé le dégonfler, se demandant s'ils seraient prêts à mettre leur menace à exécution en allant jusqu'à défaire C-14 si les députés rejetaient leur amendement le plus substantiel: le retrait du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible.

Le sénateur indépendant André Pratte, n'était ainsi plus prêt à dire, mercredi, comme il l'avait proclamé il y a quelques jours, qu'il voterait contre la mesure législative si cette notion n'était pas biffée du texte.

"Je réfléchis; il y a juste les fous qui ne changent pas d'idée", a-t-il justifié en mêlée de presse.

L'ancien éditorialiste s'est questionné sur les conséquences que le rejet pur et simple de C-14 pourrait avoir sur la perception qu'ont les Canadiens du Sénat non élu, qui se retrouverait en porte-à-faux par rapport à un gouvernement libéral très populaire, a-t-il fait remarquer.

Pour certains de ses collègues, en revanche, l'élimination du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible _ critiqué par le Barreau du Québec, le Collège des médecins du Québec et le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette _ demeure une condition sine qua non.

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu est de ceux-là. Il a réitéré mercredi qu'il avait toujours l'intention de voter contre C-14 s'il revient au Sénat sans cette modification qui lui apparaît "fondamentale".

Le leader de l'opposition conservatrice au Sénat, Claude Carignan, n'a pas voulu dire ce qu'il ferait personnellement dans un tel cas. Il a toutefois réitéré que si "aucun" amendement sénatorial n'est accepté, le projet de loi pourrait être relégué aux oubliettes.

Il ne se laisse donc pas impressionner par la sortie de la leader intérimaire de son propre parti, Rona Ambrose, qui s'est dite la semaine dernière "très frustrée" d'avoir vu une bande de non élus amender substantiellement la mesure législative.

Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Dominic LeBlanc, a pour sa part semblé vouloir reconnaître à la chambre haute une valeur essentiellement symbolique, mercredi, lorsqu'il a été invité à se prononcer sur l'ouverture du gouvernement face aux amendements sénatoriaux.

"Le processus suivi par le Sénat à date a énormément, énormément, amélioré la conscience publique, a contribué, je pense,

à informer les Canadiens et à avancer le débat sur un sujet qui est nécessairement difficile", a-t-il dit en point de presse après la réunion du cabinet.

Au fil des discours, mercredi, de nombreux sénateurs se sont en outre félicités de la qualité des débats au Sénat, se réjouissant que les projecteurs actuellement braqués sur l'institution _ dont la réputation a été sérieusement entachée ces dernières années _ le sont cette fois pour les bonnes raisons.

D'autres encore, comme le sénateur libéral indépendant Dennis Dawson, ont prévenu que la Chambre des communes devra composer avec la nouvelle chambre haute libérée de ses chaînes partisanes qu'a souhaitée le premier ministre Justin Trudeau.

"Lorsqu'il est appelé à jouer le rôle pour lequel, jusqu'à nouvel ordre, il existe, le Sénat ne peut se pincer le nez et regarder passer (les projets de loi) parce que ça risque de déplaire à l'autre (chambre)", a-t-il plaidé dans un message écrit lu par sa collègue Claudette Tardif.

Le sénateur Dawson, qui est atteint d'un cancer de la gorge, a été catégorique dans cette déclaration: "Le Sénat ne peut, ni ne doit, se laisser intimider. C'est ça, l'exercice du 'sober second thought'", a-t-il tranché.

De l'autre côté de l'édifice du Centre, Dominic LeBlanc a dit avoir toujours bon espoir que la mesure législative pourra obtenir la sanction royale d'ici la fin des travaux parlementaires, jeudi prochain. Mais si la situation l'exige, le gouvernement est prêt à prolonger la session, a-t-il laissé entendre.

"Je peux vous dire que moi, je ne serais pas à l'aise d'ajourner la Chambre (tant) que nous n'aurons pas un projet de loi sur l'aide médicale à mourir qui est à quelques moments d'être signé par le gouverneur général", a-t-il exposé en mêlée de presse après la réunion du cabinet libéral.

Les ministres de la Justice, Jody Wilson-Raybould, et de la Santé, Jane Philpott, ont laissé entendre plus d'une fois qu'elles ne seraient pas prêtes à retirer le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible, estimant que cela briserait le délicat équilibre qu'elles croient avoir atteint dans C-14.

Au total, la chambre haute a adopté sept amendements, dont certains sont plus techniques.

L'un d'eux prévoit qu'un patient devra obtenir une consultation sur les soins palliatifs avant de fournir son "consentement éclairé" à recevoir l'aide à mourir. Un autre vise à interdire à un héritier d'une personne voulant se prévaloir de cette aide de participer à son administration.

Les sénateurs ont cependant rejeté un amendement controversé qui aurait autorisé le recours aux directives anticipées, ce qui aurait élargi encore davantage l'accès. Le Collège des médecins du Québec (CMQ) a favorablement accueilli cette nouvelle, lundi soir.

"La réticence des médecins vient du fait qu'il serait excessivement difficile de mettre fin à la vie d'une personne pour soulager ses souffrances alors qu'elle ne comprend pas ce qu'on lui fait", a-t-on expliqué dans un courriel du côté de l'ordre professionnel.

"Le consentement libre et éclairé du patient étant à la base de toute demande d'aide médicale à mourir, il n'y aurait aucune manière de savoir si le patient n'a pas changé d'avis et s'il souhaite toujours obtenir ce soin", a-t-on ajouté dans la même déclaration.

L'aide médicale à mourir est légale partout au pays depuis le mardi 7 juin, même si elle n'est encadrée par aucune loi fédérale. Les collèges des médecins des provinces ont établi des lignes directrices pour guider leurs membres.

Voir aussi:

Québec

Le droit à l'euthanasie à travers le monde

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