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Produire sa propre nourriture dans l'espace, c'est possible?

Produire sa propre nourriture dans l'espace, est-ce possible?
NASA / REUTERS

Certains pourraient penser que le fait de réussir à produire de la nourriture de façon autonome dans l'espace relève de la science-fiction.

Un texte de Ève Christian

D'ailleurs, si vous avez vu le film The Martian (en français : Seul sur Mars), rappelez-vous ce que fait le personnage abandonné sur la planète rouge pour survivre : il se sert de patates réfrigérées pour créer son propre jardin de pommes de terre. Est-ce si loin de la réalité?

Actuellement, les astronautes qui sont en mission spatiale d'une durée de quelques jours à quelques mois mangent de la nourriture cuisinée sur Terre. Les aliments sont soit frais (comme les fruits) et doivent être mangés dès les premiers jours de la mission, soit naturels comme les tortillas et les noix de cajou, par exemple. Tous les autres sont ensachés, étant déshydratés, irradiés, thermostabilisés ou réhydratables. Pour les consommer, les astronautes doivent y ajouter de l'eau chaude ou froide, et tous les aliments peuvent être réchauffés dans un four à convection.

Les besoins alimentaires des astronautes

Au sein de l'Agence spatiale européenne, il existe un consortium appelé MELiSSA (Micro-Ecological Life Support System Alternative) qui a pour objectif de concevoir des systèmes autonomes pour l'alimentation humaine pendant les voyages spatiaux. Selon Brigitte Lamaze, ingénieure à l'Agence spatiale européenne, chacun des astronautes en mission a besoin quotidiennement de 5 kg par jour de « consommable métabolique », soit 1 kg de nourriture déshydratée et 3 kg d'eau qui sont utilisées pour l'eau potable et pour réhydrater la nourriture. Mais en plus, il faut 1 kg d'oxygène.

Rats + algues = O2

L'idéal serait bien sûr de fabriquer cet oxygène. C'est là-dessus que travaille Francesc Godia, professeur d'ingénierie chimique à l'Université de Barcelone. Son étude met en lien des rats et des microalgues. Le principe est relativement simple. Dans deux chambres séparées, mais en circuit fermé, il y a un échange de gaz entre les rats et les microalgues.

En respirant, les rats produisent du CO2 (gaz carbonique), qui est capturé par les microalgues. Grâce à la lumière d'un photobioréacteur, les algues produisent par photosynthèse de l'oxygène, qui retourne alors dans l'habitacle des animaux. Ce cycle se poursuit en boucle. Un des défis que l'équipe doit relever est de développer un système qui permet d'augmenter quasi instantanément la quantité d'O2 produite par les microalgues.

Des tomates spatiales

En fait, ça ne date pas d'hier de faire pousser des légumes extraterrestres. En 2003, des cosmonautes russes ont dégusté leur récolte expérimentale de petits pois et, l'été dernier, les astronautes américains ont goûté à la première laitue cultivée dans l'espace.

Actuellement, au Centre spatial d'Allemagne, des ingénieurs se penchent sur la croissance de fruits et de légumes en apesanteur. Ils travaillent sur la conception d'un satellite qui pourrait produire de façon autonome la variété de tomates appelée Micro-Tina. Ils ont choisi celle-là, car sa croissance est rapide et elle produit rapidement des fruits.

Le satellite appelé Eu : CROPIS (Euglena Combined Regenerative Organic food Production In Space) serait lancé dans l'espace dans la deuxième moitié de 2017. Pendant qu'il orbitera autour de la Terre à une altitude de 600 kilomètres, les graines de tomates tenteront de germer à l'intérieur.

Le satellite jouerait le rôle d'une serre. Avec la rotation qui sera appliquée au satellite, différents niveaux de gravité seront créés contre les parois. Pendant les six premiers mois du voyage, la rotation simulera la gravité lunaire et les six autres mois, ce sera celle de Mars, deux endroits prédestinés aux voyages spatiaux à long terme. Pendant ce temps, des petites tomates spatiales devraient pousser, surveillées par 16 caméras. Les recherches s'étendent aussi à la culture des poivrons et des concombres. On n'est pas si loin des patates du film Seul sur Mars!

Engrais... naturel!

Pour aider la culture et la croissance des tomates, il faut une bonne solution de fertilisation. Le biologiste Jens Hauslage, chef scientifique de la mission, y a pensé. Puisque ce projet a pour but de simuler des serres qui cohabiteraient avec les astronautes dans un habitat clos, pourquoi ne pas faire un genre de compostage spatial?

Dans une station spatiale, il est impossible de songer à composter comme sur Terre; ce serait incontrôlable. Mais l'idée des chercheurs est de transformer les déchets liquides des astronautes, leur urine, en engrais! Après tout, chacun évacue normalement près de 1,5 litre par jour, il vaut mieux que ça serve!

Un filtre spécial sera l'outil de compostage. Avant le lancement du satellite Eu : CROPIS, les pierres volcaniques du filtre seront en contact avec de la terre sèche; les microorganismes qui la composent s'installeront donc dans la surface poreuse des pierres qui deviendra leur habitat.

Une fois dans l'espace, un mélange d'urine synthétique et d'eau sera vaporisé sur ces pierres tous les deux ou trois jours, déclenchant une forte compétition entre ces microorganismes pour se nourrir. Le nitrite sera ainsi utilisé pour convertir l'ammoniac en nitrate, qui deviendra de l'engrais facilement digestible pour les graines de tomates.

D'autres éléments feront aussi partie de l'étude afin d'aider au bon fonctionnement du système :

  1. un organisme unicellulaire appelé euglène protégera le système clos d'un excès d'ammoniac et libérera de l'oxygène;
  2. un éclairage DEL simulera le rythme diurne/nocturne nécessaire aux semences de tomate et à l'euglène;
  3. un réservoir à pression reproduira l'atmosphère terrestre.

Il faut espérer que ces recherches donneront des résultats probants!

Faire pousser les plantes dans l'espace, c'est nécessaire; ça sera obligatoire plus la mission sera longue. À partir du moment où on ne pourra pas emmener l'ensemble de la ration alimentaire des astronautes, il faut trouver une façon de pouvoir produire cette nourriture.

Brigitte Lamaze, Agence spatiale européenne

Voir aussi:

Marc Garneau

Les Canadiens dans l'espace

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