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Pour la journée mondiale des océans, faites attention aux microbilles de vos gommages

Vous voulez protéger les océans? Arrêtez les gommages cosmétiques
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pavlinec via Getty Images
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Un petit gommage ce soir? Votre peau vous en remercie. Les cellules mortes à sa surface sont éliminées, elle est plus douce et elle respire mieux. Mais dans cette affaire, d'autres sont moins contents: les océans, les lacs, les rivières et les poissons. Les petites billes qui se trouvent dans les exfoliants sont en effet, bien souvent, en plastique. Trop petites pour être filtrées, elles finissent leur vie dans l'océan.

En Amérique du nord, un mouvement de défiance envers ces microbilles qui se trouvent dans les produits cosmétiques se fait de plus en plus fort. Certains États des États-Unis et du Canada, notamment, les ont déjà interdites.

Ces microbilles ne sévissent pas uniquement dans les produits exfoliants pour le visage ou le corps. Elles se trouvent également dans certains shampoings, dentifrices, savons et produits ménagers.

Le matériau incriminé s'appelle le polyéthylène. Ce polymère de synthèse compose notamment les sacs plastiques, qu'on n'aurait pas idée de jeter dans les océans.

6% des cosmétiques en contiendraient, à hauteur de jusqu'à 10% du volume de celui-ci. Pour ne citer qu'eux, on en trouve dans le "gel exfoliant vivifiant" de Neutrogena, le "gommage lissant doux" de Nivea. La liste est longue.

Rien que dans l'Etat de New York, 19 tonnes de microbilles seraient rejetées dans les conduits tous les ans, selon les recherches de Sherri Mason, qui étudie les microbilles à la State University of New York. Au Royaume-Uni, 16 à 86 tonnes de microplastique provenant des exfoliants pour le visage seraient rejetés dans les eaux tous les ans.

8000 milliards de microbilles par jour

Selon une récente étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology, plus de 8000 milliards de microbilles s'invitent dans les habitats aquatiques... chaque jour. Cela vous semble beaucoup? L'association Surfrider Foundation explique pourtant sur son site qu'"un seul tube de ces cosmétiques, soin visage ou dentifrice, peut en contenir des milliers". En plus des petites billes que vous pouvez voir et sentir, des centaines d'autres sont invisibles à l’œil nu.

“La plupart des gens qui utilisent ces exfoliants pour le visage, gels douche, savons, cosmétiques, n’ont pas la moindre idée qu’il y a du plastique dans les produits qu’ils utilisent", explique Sherri Mason sur Public Radio International, un grand réseau de radiodiffusion américain. "Les consommateurs utilisent ces produits, lavent leur visage, ouvrent le robinet et ne réalisent pas qu’ils sont en fait en train de libérer du plastique dans l’environnement", ajoute-t-elle.

Leur petitesse les empêche d'être filtrées lors de leur passage en usine de traitement des eaux usées. Problème: une fois en mer, ces microparticules ont un comportement un peu particulier.

Elles permettent aux microbes de se déplacer dans les océans

"Elles jouent un rôle de transport des contaminants, comme un buvard", explique au HuffPost François Galgani, chercheur à l'Ifremer. "Ces billes de plastique servent de support à des espèces, qui peuvent se propager d'un bout à l'autre de la planète", détaille-t-il. Ces espèces peuvent être des microbes qui, lorsqu'ils arrivent dans un milieu inconnu, peuvent déséquilibrer la faune et la flore locale, et contaminent plages et fonds marins.

Les microbilles peuvent également être ingérées par les organismes vivant dans les océans ou les lacs, poissons, baleines, plancton, etc. Selon une étude publiée dans la revue Archives of Environmental Contamination and Toxicology, un petit saumon de la Colombie Britannique, pourrait en ingurgiter de deux à sept par jour. Inutile de préciser que, par conséquent, ces microbilles peuvent se retrouver directement dans nos assiettes. Qui plus est, lorsque celles-ci se dégradent, elles peuvent libérer des substances chimiques qui sont des perturbateurs endocriniens. Mais, tempère François Galgani, "les organismes les rejettent et les prédateurs ne les avalent pas".

Les microbilles contribuent à la pollution des océans, qui sont déjà envahis par le plastique. Rien qu'en 2010, 8 millions de tonnes de plastique ont fini leur vie dans les océans. Cette quantité pourrait être décuplée d'ici à 10 ans. Au total, plus de 269.000 tonnes de déchets plastiques flotteraient à leur surface.

Certains Etats ont d'ores et déjà pris les devant pour limiter la casse. Le gouvernement canadien a annoncé en juillet dernier sa volonté d'interdire les microbilles de plastique dans les cosmétiques. Il les a également ajoutées à la liste nationale des substances toxiques.

Marques et Etats contre les microplastiques

Aux Etats-Unis, l'Illinois a été le premier à décider de les interdire en 2014, avec la coopération des industries cosmétiques. En septembre dernier, c'est la Californie qui a sauté le pas, en votant l'interdiction de la vente des microbilles à partir de 2020. D'autres Etats, dont le plus récent est celui de New York, ont annoncé qu'ils allaient prendre des mesures pour interdire ou limiter les microbilles.

Leur effet dévastateur avait été rappelé par les Nations-Unies dans leur rapport annuel pour l'environnement (PNUE) en 2014. Cette année, elles se sont prononcées pour son interdiction.

Côté marques, Unilever s'est engagée en 2012 à bannir le plastique de ses produits. Selon le Time, L'Oréal aurait aussi commencé à prendre ses distances avec les microbilles. The Body Shop, Hema, Lush, sont autant de sociétés qui ont déclaré avoir arrêté l'utilisation des microplastiques.

En France, la Fédération des entreprises de la beauté (Febea) a affirmé à Libération que les sociétés cosmétiques "cherchent d'autres solutions. Parmi celles-ci, on pense à des billes de bois, qui présentent des inconvénients, comme la porosité, mais constituent une des pistes de recherche sérieuses". L'Oréal a annoncé qu'en 2017 ses produits n'en contiendrait plus.

Pour autant, la Febea estime qu'il ne faut pas "exagérer" car "les microbilles ne représentent que 1% des déchets plastiques qui empoisonnent le milieu naturel". "La quantité de microbilles dans les océans est symbolique par rapport à tous les plastiques qu'on y retrouve", explique lui aussi François Galgani, qui nous précise que 5000 milliards d'objets en plastique jonchent les océans.

Au niveau européen, l'association européenne de l’industrie cosmétique, Cosmetics Europe, a émis une recommandation afin que ses membres suppriment les microparticules de plastique et ce dès 2020. La Febea précise de son côté avoir échangé avec le ministère de l'environnement pour interdire sur le marché ces produits dès 2018.

Une application pour les éviter

En attendant que les grandes sociétés arrêtent de produire des cosmétiques constitués de microbilles, une application nommée beatthemicrobeads (combattez les microbilles), créée par deux ONG néerlandaises en 2012, permet de scanner les produits et de détecter la présence de celles-ci.

Comme l'explique l'association Surfrider Foundation, dès qu'il y a écrit "polyéthylène" dans la liste des composants d'un produit, vous pouvez être sûr qu'il s'agit de microbilles.

Plus respectueux de l'environnement, des cosmétiques constitués de produits naturels existent sur le marché. A la place des microbilles en plastique? Des noyaux d'abricot, de la pierre ponce, du sel marin ou encore des éclats de fruits à coque

Carla JAMMES - 9 ANS

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