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Le sort des femmes détenues à Leclerc « extrêmement » préoccupant (VIDÉO)

Le sort des femmes détenues à Leclerc «extrêmement» préoccupant

La Fédération des femmes du Québec (FFQ), la Ligue des droits et libertés (LDL) et d'autres organisations pressent Québec d'autoriser la tenue d'une mission d'observation de deux jours à l'Établissement de détention Leclerc de Laval, où quelque 250 femmes ont été transférées en février dernier.

Un texte de François Messier

En conférence de presse mardi matin, elles ont déploré qu'une demande formelle adressée à cette fin au ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux a été refusée le 27 mai. La chef de cabinet du ministre a évoqué des raisons de sécurité pour refuser la demande, disent-elles, ce qui est « irrecevable ».

« Nous demandons - en fait nous exigeons - que la décision de refus soit révisée et que se tienne cette mission d'observation », a lancé la présidente de la FFQ, Mélanie Sarrazin, à l'intention du premier ministre Philippe Couillard et du ministre Coiteux.

« Cette mission est nécessaire, car elle s'intéresse aux enjeux systémiques derrière les problématiques soulevées par les conditions de détention actuelles ».

«Faire autrement va, selon nous, à l'encontre de la protection des femmes détenues, de la Charte des droits et libertés et des nombreuses conventions signées par le Canada, donc applicables au Québec.»

- La présidente de la FFQ, Mélanie Sarrazin

Mme Sarrazin soutient que des détenues, des avocates et d'autres acteurs du milieu carcéral font état de « situation graves qui bafouent le droit des femmes », dont la mixité des lieux, l'exiguïté des cellules, le manque accès à des programmes de réhabilitation, des situations de confinement exagérées et le manque de qualité des soins de santé.

« Nous n'acceptons pas ce refus ni ce prétexte étant donné qu'il y a de nombreux groupes qui entrent tous les jours – des groupes de soutien, des religieuses », fait valoir Lucie Lemonde, professeure de droit carcéral à l'Université du Québec à Montréal et porte-parole de la LDL.

Selon Mme Lemonde, le projet de mission d'observation soumis au ministère a pour objectif de documenter et d'analyser les conditions de détention à l'établissement Leclerc afin de proposer des pistes de solution, et non de porter un regard critique sur les agents correctionnels qui y travaillent.

«On aurait été là deux jours, des professionnelles, des profs d'université, des avocates, des personnes de la FFQ. Donc, on ne croit pas à cette raison-là. [...] Je suis prof de droit carcéral. Pendant des années, j'ai amené des classes entières visiter des pénitenciers, des prisons.»

- La porte-parole de la LDL, Lucie Lemonde

Mme Lemonde dit avoir communiqué avec la Protectrice du citoyen, comme suggérait de le faire le cabinet du ministre Coiteux. Le bureau lui a confirmé avoir reçu « plusieurs plaintes » de détenues, et faire enquête. Il s'agit cependant d'enquêtes individuelles, qui ne peuvent remplacer une mission d'observation globale, dit-elle.

La mixité des lieux au coeur du problème

La FFQ et la LDL sont « extrêmement préoccupées » par les conditions de détention des femmes qui ont été transférées à l'Établissement Leclerc le 29 février dernier, affirme Mme Lemonde.

Les informations qui ont filtré dans les médias depuis quelques semaines laissent croire que ces conditions « ne respectent pas les droits fondamentaux des femmes, le droit à la dignité humaine, le droit à l'égalité dans le système carcéral », affirme-t-elle.

Selon Mme Lemonde, la mixité des lieux est une source importante d'inquiétude : 84 hommes sont aussi détenus à l'Établissement Leclerc et ils y croisent régulièrement des femmes, dont certaines ont vécu de la violence physique ou des agressions sexuelles, notamment lorsqu'ils se rendent au parloir ou à l'infirmerie.

Selon l'avocate en droit carcéral Mélanie Martel, les hommes profitent de l'occasion pour tenir des propos « à caractère sexuels ou dégradants » envers les femmes.

La plupart des femmes incarcérées à l'Établissement de détention Leclerc purgent des peines de prison légères, alors que plusieurs des hommes qui s'y trouvent ont été condamnés pour des crimes violents.

La configuration architecturale des lieux, le niveau de sécurité élevé en vigueur, le caractère inapproprié de l'approche correctionnelle retenue, ainsi que le manque de personnel et leur manque de formation sont d'autres sources de préoccupations.

Mme Lemonde dit ne pas comprendre comment Québec a pu rouvrir l'établissement, un ancien pénitencier que le gouvernement fédéral a fermé en 2013, parce qu'il le jugeait trop vétuste, avant de le vendre à Québec. Seules des raisons d'économie peuvent expliquer cela, dit-elle. Mme Sarrazin abonde dans le même sens.

«Québec ne cache pas que sa décision est motivée en partie par des raisons économiques. Encore une fois, le gouvernement priorise l'économie de quelques sous sur le dos des femmes, sur le dos des plus vulnérables.»

- La présidente de la FFQ, Mélanie Sarrazin

La démarche de la FFQ et de la LDL est appuyée par l'Association des religieuses pour les droits des femmes, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, l'Association des avocats et avocates de Montréal, l'Association des avocates et avocats en droit carcéral du Québec, Femmes autochtones du Québec, la société Élizabeth-Fry du Québec, Alter Justice, Stella, et Continuité Famille auprès des détenues.

La cour intérieure de l'Établissement Leclerc, à Laval.

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