Pierre Karl Péladeau « va s'impliquer » activement au sein du nouvel institut de recherche sur la souveraineté qu'il doit financer à hauteur d'environ 1 million la première année, selon son président Daniel Turp.

En campagne lors de la course à la direction du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau avait promis de créer un institut de recherche sur la souveraineté, dont il sera au départ le principal donateur. Ayant choisi de quitter la politique pour des raisons familiales au début du mois dernier, M. Péladeau a ensuite signifié son intérêt à s'impliquer au sein de l'institut à son président Daniel Turp.

« Je lui ai parlé régulièrement [depuis son départ de la politique]. Il s'intéresse beaucoup [à l'institut], il veut même être actif au sein de cet institut. [...] Je comprends qu'il va s'impliquer, ça me réjouit », dit Daniel Turp, président de l'Institut de recherche sur l'autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI), en entrevue avec La Presse.

M. Péladeau sera-t-il au nombre des membres du conseil d'administration de l'IRAI, dont la composition finale sera annoncée à la mi-juin ? « Il n'a pas encore décidé si c'était quelque chose qu'il voulait faire, mais je n'exclus pas du tout l'option qu'il soit l'un des administrateurs, qu'il occupe des fonctions pour penser à la stratégie et travailler sur nos comités, dit Daniel Turp. [...] [Ce n'est] pas encore arrêté, il y a des choses qui sont en discussion avec lui sur sa participation au-delà d'en avoir eu l'idée et d'être le donateur principal. » L'IRAI aura notamment quatre comités sur la gouvernance, le financement, la stratégie et la recherche (le comité scientifique).

L'implication de M. Péladeau, l'un des hommes d'affaires les plus importants et les plus en vue du Québec (il est actionnaire de contrôle de Québecor, dont il a été président et chef de la direction de 1999 à 2013), serait bienvenue pour l'IRAI, d'autant plus que l'institut de recherche voudra « mettre l'accent sur les études économiques » de la souveraineté. 

« Les questions économiques l'intéressent beaucoup, et on va mettre l'accent sur les études économiques. C'est un homme dont l'expérience en la matière va être très utile pour déterminer les orientations, les sujets de recherche. »

- Daniel Turp, président de l'IRAI

M. Turp décrit M. Péladeau comme une personne « qui aime les idées, les débats, qui aime l'idée qu'on va faire des recherches approfondies sur la question de l'indépendance ».

S'il s'impliquait activement au sein de l'IRAI, M. Péladeau ne serait pas le premier ex-chef de parti politique impliqué au sein d'un institut de recherche. L'ex-chef du NPD Ed Broadbent a fondé et préside le C.A. de l'Institut Broadbent, l'ex-chef du PLQ Jean Charest préside le conseil des gouverneurs de l'Idée fédérale et l'ex-chef réformiste Preston Manning a fondé le Centre Manning et la Fondation Manning.

M. Péladeau n'a pas souhaité faire de commentaires au sujet de l'IRAI, a indiqué un porte-parole.

STATUT D'ORGANISME DE BIENFAISANCE

Lorsqu'il était chef du PQ, M. Péladeau avait annoncé son intention de faire un don important à l'IRAI, fondé officiellement l'hiver dernier. Le budget prévu de l'IRAI pour sa première année sera d'environ 1 million, soit la somme du don prévu de M. Péladeau. La durée des dons de M. Péladeau n'a pas encore été « décidée », selon M. Turp. « C'est assez acquis qu'on pourra compter sur une somme de 1 million pour la première année et qu'on veut aller au-delà [d'un an pour la durée des dons] », dit M. Turp.

En plus du don de M. Péladeau - qui n'a pas encore été versé -, l'IRAI voudra aussi faire du financement populaire. L'organisme sans but lucratif a ainsi demandé à l'Agence du revenu du Canada le statut d'organisme de bienfaisance, qui permet de rendre les dons déductibles d'impôt. Ce statut est normalement accordé aux instituts de recherche, à condition que ceux-ci fassent moins de 10 % d'activités politiques.

L'Idée fédérale, un institut de recherche sur le fédéralisme, a déjà ce statut d'organisme de bienfaisance. Au Canada anglais, l'Institut Broadbent n'a jamais fait la demande pour obtenir ce statut (cet institut fait aussi de la formation de militants, ce qui n'est pas considéré comme de la recherche pour l'Agence du revenu). Canada 2020 n'a pas ce statut non plus. La Fondation Manning, qui fait de la recherche, a ce statut, mais pas le Centre Manning.

Si l'IRAI obtient ce statut, tous les dons seront déductibles d'impôt (le crédit d'impôt total est de 44 %, mais le donateur ne peut pas dépasser 75 % de son revenu net). Daniel Turp n'a aucun doute que l'IRAI se qualifiera pour le statut d'organisme de bienfaisance en raison de sa mission de recherche. « On respecte les critères, soit de faire de la recherche à des fins d'éducation, d'information, d'éclairer les citoyens », dit M. Turp, qui précise qu'environ 70 %-80 % du budget sera investi dans des mandats de recherche. Le reste du budget servira à payer les dépenses de fonctionnement et les employés.

L'Institut Broadbent et l'Idée fédérale se réjouissent de l'arrivée de l'IRAI - qui doit donner ses premiers mandats de recherche à l'automne -, tout en insistant sur l'importance de l'indépendance des instituts par rapport aux partis politiques. « Je leur souhaite bonne chance. On a besoin de toute la connaissance qu'on peut aller chercher », dit Patrice Ryan, président du conseil d'administration de l'Idée fédérale. « M. Péladeau pense probablement que le mouvement souverainiste pourrait avoir un think tank et il a probablement raison, dit Rick Smith, directeur général de l'Institut Broadbent. Je ne suis pas souverainiste, mais il doit y avoir des débats intelligents sur n'importe quel grand concept comme celui-là. Je l'admire de décider de joindre le geste à la parole [« put his money where his mouth is »]. »