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Jean-François Lisée se lance dans la course à la chefferie du Parti québécois

Jean-François Lisée se lance dans la course à la chefferie du PQ

Jean-François Lisée lance sa campagne à la direction du Parti québécois en s'engageant à ne pas tenir de référendum sur la souveraineté dans un premier mandat. Les Québécois sont « majoritairement réfractaires » à une telle initiative à l'heure actuelle, dit-il, et il importe donc pour les souverainistes de se préparer convenablement.

Cette proposition, élaborée dans une lettre publiée sur son blogue, distingue clairement le député de Rosemont de ses deux adversaires déclarés, Véronique Hivon et Alexandre Cloutier. Ce dernier affirme d'ores et déjà qu'il est contre cette approche, dans une entrevue accordée lundi à Radio-Canada. La candidate pressentie Martine Ouellet a elle aussi exprimé lundi son désaccord avec l'approche de M. Lisée.

M. Lisée plaide que le parti souverainiste doit distinguer sa tâche essentielle – faire l'indépendance du Québec – de sa tâche immédiate - « débarrasser le Québec du gouvernement libéral le plus toxique qu'on ait connu ».

Il se réclame ainsi de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, qu'il conseillait à l'époque du référendum de 1995.

« Moi, je suis l'ancien conseiller de Jacques Parizeau », a-t-il expliqué à Radio-Canada lundi matin. « Et pendant que j'étais conseiller, et depuis, il nous a dit : "écoutez, un référendum, ça se tient pas pour le plaisir d'être tenu. Il faut le préparer, il faut le préparer longtemps d'avance, il faut le préparer pour le gagner". »

« Lui, il a mis six ans pour préparer le sien », a-t-il poursuivi. « Moi je ne crois pas, parce qu'il n'y a pas de Jacques Parizeau parmi les candidats, moi y compris – et de loin – que ce que lui a fait en six ans, nous on peut le faire en deux ans. Je crois que ce n'est pas possible. »

Je pense que si on essaie de se précipiter dans deux ans, les Québécois vont nous dire non, et à leur corps défendant, vont réélire un gouvernement libéral que je considère toxique pour le Québec.

Jean-François Lisée

« Ce que je propose, c'est de résoudre deux problèmes en même temps. Dire : le gouvernement du PQ qui serait élu en 2018 si moi je suis chef, il va réparer les pots cassés des libéraux. Il va redonner son élan au Québec, son économie, son identité. Et il n'utilisera pas un sou de fonds public pour l'indépendance. »

« Mais en même temps, et à partir de maintenant, on se donne un objectif dans six ans, en octobre 2022, pour avoir le temps de préparer une proposition complète et réfléchie à déposer aux Québécois. »

Député de Rosemont depuis 2012, Jean-François Lisée est actuellement porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de la jeunesse, et de santé publique. En 2014, il s'était lancé dans la course à la succession de Pauline Marois, mais s'était rapidement désisté. Lors de sa brève campagne, il avait créé un malaise en déclarant ouvertement que la position de Pierre Karl Péladeau en tant qu'actionnaire majoritaire de Quebecor était « intenable ». En se retirant, il lui avait concédé la victoire en disant avoir conclu que le parti voulait vivre « son moment Pierre Karl Péladeau jusqu'au bout ».

Un gouvernement progressiste et militant

Il importe donc, selon M. Lisée, de dissiper toute ambiguïté à ce sujet. S'il est élu chef cet automne, écrit-il dans son blogue, « il sera clair pour tous » qu'un gouvernement péquiste « ne tiendra pas de référendum » et ne dépensera pas de deniers publics à cette fin.

« Cet engagement doit être en fer forgé. La porte fermée à double tour », insiste-t-il.

M. Lisée dit vouloir proposer aux électeurs « un gouvernement national progressiste, écologiste, intègre, efficace, soucieux de faire progresser notre identité et la laïcité de nos institutions, rétablissant l'éducation au rang de priorité, redynamisant l'économie des entrepreneurs, privés et sociaux, en métropole et en régions, intégrant à nouveau la société civile dans la décision collective et cent choses encore. »

Pour promouvoir la souveraineté à l'horizon 2022, M. Lisée propose dans son blogue une série de mesures dont :

  • utiliser des campagnes de publicité à la radio pour souligner les aspects de la vie politique où le Québec n'est pas libre d'agir, afin de promouvoir la souveraineté;
  • créer une « unité permanente indépendantiste » sur les réseaux sociaux;
  • « décupler » l'action d'animation et de dialogue avec les jeunes Québécois de toutes origines et « renforcer » le rôle et la place des jeunes, et de la diversité, dans nos instances;
  • inviter les « aînés indépendantistes » à parler à ceux qui ne le sont pas, et constituer une équipe de bénévoles qui parcourraient le Québec à la rencontre des aînés;
  • instituer une « Souveraine tournée » formée de chanteurs et d'autres artistes indépendantistes, qui sillonnerait le Québec « pour créer des moments d'animation, de dialogue et de recrutement ».

Nous avons la mauvaise habitude de nous parler d'indépendance entre nous, les indépendantistes. Notre principal défi est d'en parler à tous les Québécois, de façon intéressante, continue, convaincante.

- Jean-François Lisée

Cloutier rejette l'approche de Lisée

En entrevue à ICI RDI lundi matin, Alexandre Cloutier a admis sans détour qu'il est en désaccord avec son collègue. « Jean-François dit carrément qu'on ne peut pas faire de référendum pour les six prochaines années. Là-dessus, on ne partage pas la même opinion », a-t-il dit.

À l'heure actuelle, le défi des souverainistes consiste à bien définir leur projet, à expliquer les changements qu'il va engendrer pour les gens, puis à se mettre « à l'ouvrage dès maintenant », poursuit-il. « Par contre, moi, je n'ai pas exclu qu'on puisse y parvenir dans les deux prochaines années. »

M. Lisée n'a pas mis de temps à répliquer. « J'ai beaucoup de respect pour Alexandre, mais si M. Parizeau, ça lui a pris six ans [à préparer son référendum, NDLR], je pense qu'Alexandre et moi, ça va nous prendre six ans », a-t-il déclaré quelques minutes plus tard.

« L'opinion publique a été d'une grande clarté avec nous en 2014. Et à chaque sondage, il y a 75 % des Québécois qui disent qu'ils ne veulent pas de référendum. Y compris la majorité de ceux qui sont pour l'indépendance », ajoute-t-il.

Pourquoi? Parce qu'ils ont la sagesse de savoir que nous ne sommes pas prêts. Ayons cette sagesse. Est-ce que les choses vont changer d'ici 2018? Non. C'est trop ancré dans la population. La réticence est trop forte.

- Jean-François Lisée

M. Lisée souligne aussi que le premier ministre canadien Justin Trudeau bénéficie d'un taux de popularité de 67 % dans la population québécoise. Ce taux ne peut que baisser, argue-t-il, « mais ça ne va pas baisser assez pour qu'on veuille se séparer de quelqu'un qui pour l'instant est très populaire ».

Il dit d'ailleurs croire que deux péquistes sur trois partageront son constat. « Je pense que le tiers des militants, d'emblée ce matin, [vont réagir] en disant : "c'est ce que je pense". Je pense qu'il y a un autre tiers qui va se dire : "c'est ce que je pensais mais je n'osais pas le dire". », estime-t-il.

« Et il y a un autre tiers qui se dit : "nous, on est très très très pressés, et on pense que ça peut marcher dès 2018". À ceux-là, je vais leur dire : "est-ce que vous préférez risquer la défaite en 2018 ou mettre toutes les chances pour la victoire en 2022, et ne pas avoir Gaétan Barrette pour un autre quatre ans en train de saccager la santé? »

Je veux libérer les Québécois des libéraux, y compris les non-francophones qui sont emprisonnés par les libéraux sur la question référendaire.

- Jean-François Lisée

En lançant sa campagne la semaine dernière, Véronique Hivon a éludé la question de l'échéancier référendaire. « À chaque fois qu'on va me parler de référendum, je vais vous répondre en vous parlant de souveraineté. Il est temps qu'on parle du projet et non de la mécanique et de la date sur le calendrier », a-t-elle fait valoir.

Ouellet en « profond désaccord » avec Lisée

Même si elle dit partager « plusieurs visions » avec son collègue Jean-François Lisée, la députée de Vachon, Martine Ouellet, affirme être tout à fait en désaccord avec lui concernant l'échéancier référendaire. Selon elle, un référendum peut être organisé dans un premier mandat du Parti québécois.

« Pour battre M. Couillard en 2018, il faut mettre l'indépendance de l'avant. La recette que [M. Lisée] propose, c'est la même recette que Pauline Marois a proposée en 2014, avec le résultat qu'on a connu. Mais au moins, il a l'avantage d'être clair », a soutenu Mme Ouellet en entrevue à Radio-Canada.

Celle qui se lancera dans la course à la direction « dans les prochains jours » juge que depuis 20 ans, « on na pas fait avancer l'indépendance. C'est notre responsabilité de placer les jalons, et de rendre publiques un certain nombre d'informations » sur la souveraineté.

D'après elle, en additionnant les deux ans d'ici les élections ainsi qu'un premier mandat du PQ, « nous avons six ans devant nous » pour préparer la souveraineté, ce qui est suffisant, selon elle. « Il faut sortir de cette peur de réaliser l'indépendance », dit-elle.

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