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Un visa canadien pour un chanteur «homophobe», mais pas pour un militant LGBT tunisien

Un visa canadien pour un chanteur «homophobe», mais pas pour un militant LGBT
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Un militant qui dirige une association tunisienne de défense des droits des homosexuels s'est vu refuser un visa pour venir donner une conférence à Montréal. Mais un chanteur tunisien qui a récemment tenu des propos homophobes affirme qu'il pourra venir se produire dans la métropole ce mois-ci.

Un texte de Bahador Zabihiyan

Ramy Ayari est un jeune homme bien connu dans la communauté LGBT tunisienne. Il a fondé en 2014 l'association «Without Restriction».« On donne de l'aide aux personnes qui ont été expulsées par leur famille, qui ont été agressées, on fait des formations pour des personnes LGBT [...], des formations sur la sécurité», dit-il en entrevue avec Radio-Canada.

Même après le printemps arabe, la situation des homosexuels en Tunisie est particulièrement difficile. «Presque tous les jours, on reçoit des messages de menaces [...] c'est devenu dangereux», dit-il. La veille de l'entrevue, un de ses amis s'est d'ailleurs fait agresser.

C'est ce quotidien qu'il aurait voulu venir raconter à Montréal aujourd'hui dans le cadre de la conférence «Tunisie, cinq ans après le printemps arabe, où en est la société de droit?» organisée par la Chaire UNESCO-UQAM de philosophie.

Son visa pour le Canada lui a été refusé, car l'agent d'immigration craignait qu'il ne quitte pas le pays après son arrivée. «On me répond que mon dossier de visa a été refusé parce que je n'ai pas un compte bancaire et que je ne travaille pas et qu'avant je n'ai jamais voyagé», dit-il.

Or, sa situation financière s'explique en partie par le fait que les militants LGBT sont régulièrement discriminés en Tunisie.

M. Ayari dit avoir fourni dans sa demande des lettres de soutien de plusieurs associations de défense des droits des personnes LGBT au Québec ainsi qu'une lettre de soutien de la députée Hélène Laverdière.

«Quand je viens au Canada, ce n'est pas pour demander l'asile. J'ai quelque chose à faire pour les LGBT en Tunisie, c'était ça mon but, pas plus», soutient-il.

Il s'étonne qu'un autre Tunisien, le chanteur Walid Ettounsi, puisse venir à Montréal à la fin du mois de mai pour donner un concert, même s'il a tenu des propos homophobes lors d'un débat regroupant plusieurs personnalités du pays, dont un militant LGBT. «N'est-ce pas honteux ce que vous faites?», lance en arabe le chanteur au jeune responsable d'une association de défense des droits des homosexuels. «Vous vous regardez bien dans les yeux?», ajoute-t-il. «Je ne suis pas contre l'humanité, mais contre l'acte», lance enfin le chanteur.

Par la suite, M. Ettounsi a publié une vidéo sur Facebook pour confirmer sa venue à Montréal, se vantant que son spectacle au Théâtre Rialto affichait même complet.

«Je rassure tout le monde, le spectacle aura lieu. J'ai eu une confirmation des autorités canadiennes», affirme-t-il, sourire aux lèvres.

Haroun Bouazzi, de l'Association des Arabes et des musulmans pour la laïcité au Québec, s'étonne de la situation.

M. Bouazzi a longtemps milité pour les droits de la personne en Tunisie. Il indique que la loi tunisienne interdit la sodomie. Des membres de la société civile, comme Ramy Ayari, tentent de la faire changer. En décembre 2015, six étudiants avaient étaient condamné à de la prison ferme pour «pratiques homosexuelles», rapportait France 24.

Lettre au ministre McCallum

Les associations ont d'ailleurs écrit une lettre au ministre de l'Immigration John McCallum pour lui demander d'accorder un visa au jeune homme, car elles souhaitent l'inviter à une date ultérieure.

M. Ayari continue de militer en Tunisie, mais espère que le Canada va soutenir sa cause. «Le problème, c'est que le gouvernement ne bouge pas. [...] On a besoin d'un soutien international», dit-il.

Pendant ce temps, les menaces verbales et physiques continuent.

Immigration Canada n'a pas souhaité commenter pour l'instant. Le bureau du ministre McCallum n'est pas en mesure de commenter, à cause de la nature privée des demandes de visas.

Avec Karim Ouadia

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