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4 choses que les médecins aimeraient connaître au sujet de l'infertilité

4 choses que les médecins aimeraient connaître au sujet de l'infertilité
In vitro fertilisation (IVF), computer illustration.
SEBASTIAN KAULITZKI via Getty Images
In vitro fertilisation (IVF), computer illustration.

Selon le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies, environ 12% des Américaines en âge de procréer ont du mal à tomber et rester enceintes, et 7,5% des hommes âgés de moins de 44 ans ont consulté un spécialiste de la fertilité. Pourtant, même si elle est courante, l’infertilité reste un domaine largement méconnu.

Le tabou qui règne sur ce trouble contribue au sentiment de honte qu’éprouvent ceux qui ne parviennent pas à concevoir, et les scientifiques ont les plus grandes peines à réunir les fonds pour faire avancer la recherche dans ce domaine.

Les préjugés qui accompagnent l’infertilité sont si forts qu’ils constituent un obstacle aux recherches scientifiques fondamentales sur le système reproducteur chez l’homme, déclare Richard Stouffer, spécialiste en fertilité à la faculté de médecine de l’Université des sciences de l’Oregon. De la même manière que certains couples s’entendent dire qu’ils ne sont “pas faits pour être parents”, les recherches médicales menées par les spécialistes en fertilité ne sont pas jugées prioritaires.

“Sous prétexte qu’elle n’induit pas un risque mortel, certains font valoir que l’infertilité n’est pas un problème capital par rapport à d’autres affections telles que les maladies cardiovasculaires ou les cancers", indique-t-il au Huffington Post. "Mais vous ne pouvez l’entendre si vous êtes une jeune femme qui essaie de tomber enceinte depuis un an et qui est prête à débourser dix mille dollars pour un traitement qui susceptible de l’aider.”

Et il ne s’agit pas seulement de la capacité à tomber et rester enceinte. Envisager l’infertilité comme une maladie non mortelle, c’est ne pas tenir compte du fait que ceux qui en souffrent sont plus exposés à des affections majeures telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète, précise le Dr Marcelle Cedars, directrice du département d’endocrinologie reproductrice à l’Université de Californie de San Francisco.

“Prendre la fertilité de manière isolée et décider si elle revêt un caractère d’urgence pour la société et pour la recherche, c’est regarder les choses par le petit bout de la lorgnette, parce que la reproduction est un processus tellement fondamental pour la survie des animaux qu’elle est forcément essentielle à notre état de santé général", fait-elle remarquer. "Il faut voir plus loin et ne pas s’en tenir au fait d’avoir un bébé ou pas.”

S’il est indéniable que les scientifiques et les cliniciens ont enregistré de nets progrès en matière de traitement contre l’infertilité depuis le premier bébé éprouvette en 1978, il faut reconnaître que l’on est encore dans le flou le plus total en ce qui concerne les causes de l’infertilité et les aides à la procréation. Le Huffington Post a rencontré quatre spécialistes de la fertilité qui ont évoqué leurs espoirs dans ce domaine, et les avancées susceptibles d’aider le plus grand nombre.

1. On ne connaît toujours pas l’origine du trouble le plus commun associé à l’infertilité chez les Américaines

Claudio Ventrella via Getty Images

Le syndrome d’ovaires polykystiques (SOPK) est la première cause d’infertilité chez les femmes. Celles qui en souffrent produisent un taux d’androgènes anormalement élevé — hormones que l’on trouve naturellement en grande quantité chez l’homme, comme la testostérone — et ce déséquilibre provoque un large éventail de symptômes, dont une pilosité excessive et de l’acné. Mais surtout, en empêchant l’ovulation ou la libération de l’ovule par l’ovaire, le SOPK participe à l’irrégularité, voire l’absence, de cycle menstruel, ce qui a pour effet de rendre impossible une programmation efficace du moment idéal pour concevoir. Lorsqu’elles parviennent à tomber enceintes, les femmes atteintes de ce syndrome ont plus de risques de faire une fausse couche.

Cette maladie, qui pourrait toucher jusqu’à 10% de la population féminine aux Etats-Unis, favorise les risques de cancer de l’endomètre, de diabète de type 2 et de crise cardiaque.

En identifiant la cause du SOPK, les scientifiques permettraient aux femmes de prendre des mesures visant à prévenir son installation. Il semble être héréditaire, en partie tout du moins. Certains chercheurs ont également établi un lien avec l’obésité et l’indice de masse corporelle. Ce que la recherche n’a pas été capable de déterminer, c’est ce qui vient en premier. Le fait d’être en surpoids et d’avoir une grande quantité de tissu adipeux conduit-il à un déséquilibre hormonal ou bien est-ce à cause de celui-ci que l’on prend du poids?

Il existe en outre un “SOPK maigre” où les femmes, malgré un poids normal, présentent un taux d’androgènes élevé et une ovulation irrégulière.

Décidé à aller au fond des choses, le Dr Stouffer dirige un essai randomisé contrôlé sur des singes rhésus afin de déterminer ce qui, du taux élevé d’androgènes, de l’obésité ou des deux, déclenche le SOPK chez les animaux. L’expérience va s’étendre sur cinq ans, à l’issue desquels il espère savoir quelle population de singes développe le SOPK et arrête d’ovuler régulièrement, puis de la soigner grâce à une réduction de son taux d’hormones, de son poids ou des deux.

“Même si nous déterminons qu’une composante génétique est responsable du SOPK, nous ne pourrons pas y remédier", admet-il. "Mais nous serons en mesure de prévenir ces symptômes et d’élaborer un nouveau traitement.”

2. On ne sait même pas comment fonctionne exactement la production de sperme

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Parmi les nombreux diagnostics expliquant l’infertilité masculine, citons les malformations, la mobilité insuffisante des spermatozoïdes, la fragmentation de l’ADN spermatique ou un nombre trop faible de spermatozoïdes. Si ces problèmes de quantité sont liés à des obstructions physiques, d’autres, relatifs à la spermatogenèse, sont plus difficiles à expliquer. C’est d’autant plus délicat, souligne Dolores Lamb, directrice du centre de médecine reproductrice au Baylor College of Medicine, que les chercheurs sont incapables d’en identifier les causes moléculaires sous-jacentes.

“L’origine de la production de sperme dans les testicules nous échappe largement", reconnaît-elle. "Dans la mesure où nous ne comprenons pas le processus normal, il nous est impossible de diagnostiquer correctement les causes d’un tel dysfonctionnement chez les personnes infertiles.”

Elle aimerait surtout savoir pourquoi certains hommes présentent une absence totale de production de sperme, et donc de spermatozoïdes dans leurs testicules. Comprendre cette anomalie reviendrait non seulement à expliquer les causes de l’infertilité masculine en général, mais aussi à fournir des pistes susceptibles d’éclairer les problèmes cellulaires dans d’autres parties du corps.

3. On sait comment améliorer la qualité de l’ovulation et de l’embryon, mais on ignore à peu près tout de ses conditions d’implantation dans l’utérus

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Près des deux tiers des cycles de fécondation in vitro (FIV) n’aboutissent pas. Ceci est dû, en partie, au fait que l’implantation d’un embryon viable reste un mystère pour les médecins, si l’on en croit Milan Bagchi, chef du département de physiologie moléculaire et intégrative de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign.

Si les chercheurs ont beaucoup appris sur la façon d’améliorer la qualité de l’ovulation et de l’embryon par le biais de régimes et de compléments (mais aussi en effectuant des examens génétiques visant à rejeter les embryons présentant des anomalies chromosomiques), leur connaissance du milieu utérin reste insuffisante.

Au moment de s’assurer que l’utérus et la paroi utérine sont prêts à recevoir une implantation embryonnaire, de nombreux facteurs génétiques entrent en ligne de compte. Cependant, les scientifiques connaissent mal ces gènes et leur manipulation, souligne le Dr Bagchi, ce qui signifie que les médecins ne disposent pas de beaucoup d’outils pour créer les conditions d’accueil idéales de ces embryons. Et bien que le système immunitaire maternel joue un rôle dans la réceptivité de l’utérus, les chercheurs ne savent “quasiment rien” sur la façon dont celui-ci évolue avec l’âge et dont il impacte les taux d’implantation.

“Certaines de ces questions pourraient faire l’objet de recherches qui nous aideraient à comprendre comment améliorer le taux de réussite des FIV et des grossesses”, indique-t-il.

“L’utérus est une sorte de boîte noire dans laquelle on place l’embryon au petit bonheur la chance", avoue le Dr Cedars. "Nous en savons très peu, non seulement sur l’utérus, mais aussi sur l’interaction entre celui-ci et l’embryon.”

4. Les personnes infertiles ont vraiment besoin de traitements moins coûteux et plus accessibles

Les soins liés à la fertilité sont souvent considérés comme un luxe et non comme une nécessité, fait remarquer Lindsay Cross, qui écrit un blogue sur l’art d’être parent. Selon l’Association américaine de médecine reproductrice, la FIV, qui est la forme de traitement la plus efficace, coûte en moyenne 12 400 $ par cycle aux États-Unis, auxquels s’ajoutent souvent, pour un montant qui avoisine le millier de dollars, des frais de médicaments et de procédures telles que le dépistage génétique ou l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes.

Actuellement, seuls 15 États américains ont promulgué des lois obligeant les compagnies d’assurances à couvrir les frais de traitement liés à l’infertilité, ce qui signifie que la grande majorité des personnes ayant recours à une FIV sont obligées de mettre la main à la poche. Notons d’ailleurs qu’une étude de 2015 portant sur les femmes qui ont suivi un traitement contre l’infertilité a révélé que 70% d’entre elles s’étaient endettées pour se l’offrir.

Pour y remédier, une double approche sera nécessaire, ajoute le Dr Cedars. D’une part, les Américains doivent exiger que les traitements contre l’infertilité soient couverts par les compagnies d’assurance. D’autre part, les chercheurs doivent continuer à mettre au point des traitements moins coûteux.

“Il faut parvenir à baisser les coûts, en réduisant les médicaments et les procédures. Pourrait-on parvenir au même résultat en économisant sur les frais de laboratoire?”, s’interroge-t-elle.

Certains éléments laissent penser que les scientifiques réalisent des progrès dans l’abaissement des coûts de la FIV. Des chercheurs belges ont affiché des taux de réussite comparables à ceux des cliniques traditionnelles en se servant d’un laboratoire expérimental dont les coûts sont inférieurs de 90% à ceux d’un laboratoire classique. Une organisation caritative suisse travaille avec le gouvernement zambien à la mise en place d’un programme FIV qui utilise une stimulation médicamenteuse de l’ovulation nettement moins chère que les habituelles injections.

Plus les gens prendront conscience de la place de l’infertilité dans les problèmes de santé, plus il existera de possibilités de couverture et de traitements. Le droit de procréer doit être assuré.

“Vous n’êtes pas obligé d’avoir des enfants si vous n’en voulez pas, mais vous devriez pouvoir satisfaire votre désir de procréer quand il se manifeste", conclut-elle. "Il est essentiel d’aider les couples à concevoir.”

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Catherine Biros pour Fast for Word.

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