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Panama Papers : voici les 3 principaux intermédiaires canadiens

Panama Papers: les 3 principaux intermédiaires canadiens

Un bureau québécois d'avocats, un spécialiste ontarien des sociétés extraterritoriales et une firme britanno-colombienne dirigée par un ancien avocat sont les plus souvent cités comme intermédiaires canadiens pour des sociétés qui ont fait affaire avec le géant panaméen de la constitution de compagnies Mossack Fonseca, selon une enquête conjointe de Radio-Canada et du quotidien Toronto Star.

Un texte de Gino Harel

D'après la base de données partagée par le Consortium international des journalistes d'enquête (ICIJ) et ses partenaires médias, dont fait partie Radio-Canada, des avocats du cabinet De Grandpré Chait de Montréal apparaissent dans 84 dossiers de sociétés établies principalement aux Îles vierges britanniques.

Cela place la firme au troisième rang des intermédiaires avec qui Mossack Fonseca a entretenu des liens au Canada.

Au deuxième rang, on retrouve Unitrust Corporate Services, de Concord, en Ontario, avec plus de 680 compagnies établies dans des paradis fiscaux.

Une firme de Vancouver, Corporate House, trône au sommet des bureaux canadiens qui ont géré le plus dossiers avec Mossack Fonseca, soit ceux de plus de 1160 sociétés.

Les sociétés extraterritoriales ne sont d'aucune utilité, selon De Grandpré Chait

Au sujet des compagnies identifiées, le bureau d'avocats De Grandpré Chait affirme qu'il n'a jamais mandaté Mossack Fonseca pour la constitution de sociétés. Sa présence dans les Panama Papers s'expliquerait plutôt par des services fournis à des clients qui détenaient déjà des sociétés incorporées avec Mossack Fonseca.

Afin de pouvoir donner des instructions auprès de Mossack Fonseca pour le compte de nos clients, il était requis que nous soyons inscrits dans leurs registres comme étant un "client autorisé", ce qui explique que le nom de notre cabinet ait pu apparaître dans les informations que vous avez consultées.

- Me Martin Raymond, De Grandpré Chait

Depuis les révélations des Panama Papers, plusieurs experts rappellent qu'il est tout à fait légal d'utiliser des sociétés extraterritoriales à des fins fiscales. Mossack Fonseca insiste d'ailleurs sur le fait qu'elle respecte les plus hautes normes de vérification de l'industrie.

De Grandpré Chait, dans ses réponses reçues par courriel à la suite de notre demande d'entrevue, dit conseiller à ses clients de ne pas maintenir d'actifs extraterritoriaux.

Pour les contribuables canadiens qui souhaitent respecter à 100 % les règles fiscales canadiennes [ce qui est le cas de nos clients], des sociétés "offshores" ne sont d'aucune utilité pour détenir des actifs.

- Me Martin Raymond, De Grandpré Chait

Me Martin Raymond ajoute que sa firme a donc recommandé à ses nouveaux clients de liquider leurs actifs dans de telles sociétés, sinon de les rapatrier au Canada.

Pour consulter des extraits de courriels de Me Martin Raymond de la firme De Grandpré Chait, cliquez ici.

Une autre firme montréalaise dans les dossiers

Pour une vaste majorité de ces 84 dossiers que nous avons repérés en lien avec la firme De Grandpré Chait, le nom d'un avocat du cabinet, Jules Brossard, est mentionné comme actionnaire.

Le dirigeant d'une autre entreprise québécoise est aussi nommé comme actionnaire, ou encore comme administrateur, dans plus de 70 de ces dossiers. Il s'agit de Alain E. Roch, président de Gestion de patrimoine Blue Bridge de Montréal.

Jules Brossard et Alain E. Roch apparaissent d'ailleurs souvent comme actionnaires conjoints. Selon Me Martin Raymond, leur rôle s'est toutefois limité à entamer les processus de dissolution de ces sociétés ou à les proroger, c'est-à-dire les faire migrer pour qu'elles soient désormais régies par les lois canadiennes.

Pas actionnaire, mais à titre personnel

Le président de Blue Bridge, Alain E. Roch, a précisé par courriel que Blue Bridge administre des patrimoines dont la totalité des revenus est soumise aux impôts canadiens.

Au sujet des sociétés sur lesquelles nous demandions des précisions, M. Roch décrit son rôle ainsi :

Lorsqu'Alain E. Roch agit pour une de ces sociétés, c'est à titre d'administrateur. Il n'est jamais actionnaire à titre personnel, mais seulement à titre de fiduciaire (trustee) représentant la fiducie (le trust) qui est l'actionnaire. En aucun cas Alain E. Roch n'est bénéficiaire de ces sociétés.

Alain. E. Roch, président, Blue Bridge

En ce qui concerne le nom des véritables bénéficiaires, M. Roch explique qu'il est indiqué dans l'acte constitutif de la fiducie qui est remis aux autorités fiscales canadiennes. Il ajoute qu'une grande partie de ses sociétés ont déjà été dissoutes. C'est ce que confirme aussi De Granpré Chait :

44 ont déjà été dissoutes; 4 ont déjà été prorogées en vertu des lois canadiennes [...]; 29 sont en processus de prorogation vers les lois canadiennes; 3 sont désormais détenues par de nouveaux clients.

- Me Martin Raymond, de Grandpré Chait

Unitrust : 684 compagnies, un client montréalais embarrassant

Notre compilation faite à partir de la base de données de Mossack Fonseca permet de relier la firme ontarienne Unitrust Corporate Services à 684 compagnies dans des paradis fiscaux. Le nom d'une autre entreprise du même groupe, Unitrust Capital Corp, apparaît aussi dans plusieurs de ces dossiers.

Sur son site internet, Unitrust mentionne qu'elle n'accepte pas de demandes de résidents canadiens. Pourtant, la base de données établit des liens entre Unitrust et au moins trois sociétés dont les adresses ou les bénéficiaires sont canadiens.

Accusations de fraude et de manipulation boursière

L'un d'eux, Eric Van Nguyen, de Montréal, a été accusé en 2014 dans une affaire de fraude et de manipulation boursière de 290 millions de dollars à New York.

Des documents que nous avons analysés montrent qu'Eric Van Nguyen est aussi le bénéficiaire de la compagnie Exporta Commercial Ltd, aux Îles vierges britanniques. C'est Unitrust qui apparaît aux dossiers de Mossack Fonseca comme fournisseur de services à Exporta Commercial.

L'accusation criminelle à New York a été annoncée le 11 septembre 2014. Mais ce n'est que 4 décembre 2014 qu'Unitrust avertit Mossack Fonseca de ce qui arrive à son client, en avisant du même coup de son retrait du dossier. Unitrust précise alors qu'elle coupe tous les ponts avec Eric Van Nguyen.

La demande d'entrevue faite auprès d'Unitrust par Radio-Canada et le Toronto Star soulevait l'enjeu des vérifications de clients et des délais à réagir dans le dossier Van Nguyen. Les dirigeants de Unitrust ont refusé de répondre à nos questions.

Services à Vancouver, serveur au Panama, documents à détruire

C'est à Vancouver qu'on retrouve l'homme affichant le plus gros volume d'affaires avec Mossack Fonseca : Fred Sharp, un ancien avocat, qui a déjà été suspendu par le barreau de Colombie-Britannique en 1995.

Avec son entreprise, Corporate House, il avait d'ailleurs déjà eu le statut de représentant canadien de la firme panaméenne. À l'étranger, Corporate House fonctionne sous la raison sociale Bond and Co.

L'entreprise est passée par Mossack Fonseca pour la création ou la gestion des dossiers de 1167 compagnies et fondations, selon les documents que nous avons pu consulter.

La fuite de données permet aussi de voir qu'en 2006, l'entreprise de Fred Sharp a payé Mossack Fonseca pour l'achat et l'hébergement d'un serveur au Panama.

D'autres documents internes nous apprennent que le personnel de Mossack Fonseca ne devait pas envoyer de documents, comme des états de compte, à Vancouver. Des factures imprimées devaient être détruites. Des pratiques qui soulèvent des questions selon Kim March, un expert en crime financier de la firme IPSA International.

Selon nos recherches, une des centaines de sociétés constituées par Fred Sharp avait des liens avec un fraudeur récidiviste.

Fred Sharp défend l'industrie extraterritoriale

Fred Sharp n'a pas voulu accorder d'entrevue, en affirmant par courriel qu'on ne lui a fourni aucune preuve sur des événements qui auraient pu se produire, ou pas, il y a 20 ans. La planification fiscale, poursuit-il, est légale, elle résulte de la concurrence internationale et de réglementation gouvernementale inefficace.

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