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Faire son épicerie dans les poubelles

Faire son épicerie dans les poubelles
Radio-Canada

Un réseau de près de 200 personnes s'est organisé au Bas-Saint-Laurent pour pratiquer le déchétarisme, plus communément appelé «dumpster diving», de façon plus organisée. Des gens fouillent les poubelles à la recherche de nourriture. Il s'agit d'un mouvement plus connu dans les grands centres, mais il en a inspiré plusieurs dans la région. Leur but premier : contrer le gaspillage alimentaire.

Un reportage de Laurence Gallant

Depuis le mois de février, le réseau Manger Librement publie des photos de denrées chaque semaine sur sa page Facebook. Des aliments qui semblent venir directement des rayons d'une épicerie, mais qui proviennent plutôt de leurs poubelles.

Christian, un des membres du groupe, explique qu'une dizaine de personnes du réseau vont «cueillir dans les poubelles», pour ensuite trier, nettoyer et distribuer la nourriture récoltée. Plus d'une quarantaine de personnes profitent de ces récoltes, selon le jeune homme de 25 ans.

Laurence Gallant a rencontré Christian, Laurence et Jasmin, des participants actifs du réseau Manger Librement.

Outre quelques rares membres plus vieux, la moyenne d'âge tourne autour de 20 et 25 ans dans le réseau. «Beaucoup d'étudiants, du monde écolo, qui veut diminuer son impact sur l'environnement», indique Christian.

Les gens de Manger Librement, qui encouragent les cuisines collectives, disent se faire des festins de rois. «Moi, je n'ai pas besoin de cette bouffe-là gratuite, mais ça me dérange qu'elle soit gaspillée. Et je pense que c'est le cas de la majorité des gens qui viennent s'approvisionner ici», affirme Christian.

Le code d'éthique du bon «cueilleur»

Selon le porte-parole de la Sûreté du Québec, Claude Doiron, il n'est pas interdit de fouiller dans les poubelles, tant qu'il n'y a pas effraction sur une propriété. La crainte principale des cueilleurs, c'est de se faire refuser l'accès à leurs points d'approvisionnement. Ils s'assurent alors de demeurer respectueux lors de leurs récoltes.

Sur la page Facebook du groupe, un code d'éthique est affiché clairement. On prône le respect des lieux qui approvisionnent les déchétariens, et les récoltes en petits groupes, pour demeurer discrets.

L'aspect «distribution» est aussi central. «Tu prends juste ce que tu peux manger sinon tu le distribues», explique Christian.

Le participant a connaissance d'organismes comme le Collectif Lèche-Babines ou Moisson Rimouski-Neigette, qui contrent également le gaspillage alimentaire, mais ceux-ci demeurent plus limités par les lois établies par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ).

«Malgré les actions des organismes communautaires existants, il reste encore beaucoup de nourriture gaspillée dans les poubelles», mentionne Christian.

Contrer la précarité alimentaire

À l'un des repères de Manger Librement, au centre-ville de Rimouski, certains participants se sont aussi mis à aider des gens «visiblement très pauvres».

Jasmin et Christian racontent qu'ils se sont mis à donner de la nourriture à un homme qui recueillait déjà leurs cannettes vides. «Je pense que ça l'aide beaucoup parce que lui n'irait pas chercher de la bouffe dans les poubelles», indique Christian.

L'homme en question, qu'ils croient être un itinérant, n'en croyait pas ses yeux de la qualité de la nourriture jetée par les épiceries.

Encore très mal vu

Christian convient que les déchétariens sont rarement les bienvenus dans les poubelles des épiceries. Certains propriétaires craignent qu'ils se blessent ou s'empoisonnent, en plus d'avoir l'impression de perdre des clients, explique-t-il.

Christian raconte que sa famille accepte très mal qu'il mange ce qui provient des poubelles. «J'ai eu une chicane avec mon beau-père pour qui, à ses yeux, j'étais juste trop lâche pour travailler. Que je ne voulais juste pas travailler et que je trouvais des moyens de parasiter la société», raconte-t-il.

«Il le dit sans savoir à quel point il y a beaucoup de gens qui font ça maintenant. Qu'il y a des familles complètes, même parfois très aisées qui vont chercher de la nourriture qui vient des poubelles.»

Christian croit qu'il faut choquer les gens pour qu'ils prennent conscience du gaspillage alimentaire.

Moins de gaspillage dans les petits marchés

Le directeur de la Coopérative Alina de Rimouski, Olivier Riopel, est loin d'être surpris de la présence de déchétariens dans la région.

Olivier Riopel mentionne avoir peu de contrôle sur le phénomène. «C'est sûr que sur le plan de l'hygiène et de la salubrité il peut y avoir des dangers d'être malade», déplore-t-il.

Le directeur affirme également qu'il est plus facile pour les petits marchés comme Alina de contrôler le gaspillage, comme ils font affaire avec des producteurs de la région. «On ne jette vraiment pas grand-chose», conclut M. Riopel.

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