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Fermeture de la chaîne ADR : le président Vincent Géracitano dénonce une «commande politique» d'Ottawa

Fermeture d'ADR : son président dénonce une «commande politique»

OTTAWA – À la veille de la fermeture définitive de la chaîne Avis de recherche (ADR), son président Vincent Géracitano dénonce ce qu’il considère être une « commande politique » de la part d’Ottawa.

« Il y a des choses douteuses qui se sont passées dans cette décision-là et la ministre [du Patrimoine canadien Mélanie Joly] ainsi que le gouvernement au pouvoir refusent de prendre connaissance des anomalies qui se sont arrivées dans ce dossier », a-t-il déploré en entrevue.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. (Photo : PC)

Vincent Géracitano dit ne pas comprendre pourquoi les fonctionnaires du ministère du Patrimoine ni la ministre ont refusé de le rencontrer ni de retourner ses appels depuis l’élection du gouvernement Trudeau, il y a six mois.

« Je ne suis pas Bazzo, mais je pense qu’après avoir contribué au bien-être de notre communauté et après avoir opéré une chaîne de télévision, c’est la moindre des choses. Malheureusement, on n’a même pas eu la courtoisie de recevoir un retour d’appel et ça, je trouve cela anormal. »

ADR est une chaîne qui diffuse des émissions sur des sujets qui touchent la sécurité publique, comme la violence conjugale, l’abus des aînés, la sécurité routière ou encore la disparition de personnes. Environ 20 journalistes y travaillaient, sans compter les pigistes.

"On n’est pas guidés par les cotes d’écoute, on est guidés par le service qu’on rend" - Vincent Géracitano, président d'ADR

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a toutefois décidé de révoquer son statut de service obligatoire en août 2013, une décision qui serait en vigueur deux ans plus tard, en 2015.

La chaîne, financée par les fonds publics, devait négocier des ententes avec les distributeurs privés afin de rester en vie. Mais ses démarches auprès de Vidéotron ou de Bell n’ont pas donné les résultats escomptés. Résultat : ADR cessera sa diffusion le 30 avril.

Vincent Géracitano pense qu’une distribution privée est incompatible avec les services rendus par ADR. « On n’est pas guidés par les cotes d’écoute, on est guidés par le service qu’on rend », dit-il.

À son avis, le CRTC savait très bien qu’Avis de recherche allait mourir de sa belle mort lorsqu’ils allaient mettre fin à la distribution obligatoire. Il continue de croire que la ministre Joly est la seule qui aurait pu infirmer cette décision.

Une décision «incompréhensible»

L'opinion du président d'ADR est partagée par Michel Morin, ex-commissaire du CRTC de 2007 à 2012. « Avec toute l’imagination des fonctionnaires, cela me surprend beaucoup qu’on n’ait pas réussi à faire quelque chose », s’exclame-t-il.

Il déplore cette décision « incompréhensible » et « arbitraire » de son ancienne organisation, qui ne s’est pas basée sur des critères objectifs en son sens.

Les audiences publiques du CRTC sur l’avenir d’ADR ont eu lieu au printemps 2013, sous l’œil attentif de l’ancien vice-président Tom Pentefountas.

« Je n’avais jamais vu des audiences aussi insultantes et condescendantes. Le commissaire avait une attitude cavalière envers Vincent [Geracitano] et tous ceux qui témoignaient », critique l’animateur Stéphane Gendron.

Il ne comprend pas pourquoi la chaîne ADR doit mettre la clé dans la porte, alors qu’elle respecte toutes les conditions de sa licence. « C’est un renouvellement qui devait passer comme une lettre à la poste », soutient-il.

"Il y a vraiment 400 fonctionnaires au CRTC pour nous dire des choses comme ça? Franchement." - Michel Morin, ex-commissaire du CRTC

Pendant son mandat, Michel Morin avait instauré le « modèle Morin » - titre utilisé par le personnel du CRTC – afin de récompenser les services qui mettaient de l’avant le contenu canadien et abordable avec des critères bien précis.

Non seulement la chaîne ADR obtenait toujours une note exemplaire en vertu du modèle Morin, dit-il, mais son concept aurait pu être exporté ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, nommé en 2012. (Photo : PC)

Selon le CRTC, ADR n’est plus un service essentiel en raison des réseaux sociaux et des applications mobiles, entre autres, qui permettent de transmettre des messages d’urgence de sources officielles en temps réel.

« Il y a plusieurs outils technologiques maintenant qui existent pour informer et avertir les Canadiens des situations d’urgence, les alertes Amber par exemple », a répondu la porte-parole Céline Legault

« On parle de programmation, ici! Il y a vraiment 400 fonctionnaires au CRTC pour nous dire des choses comme ça? Franchement », rétorque l’ancien commissaire Michel Morin.

« Il me semble que le CRTC oublie ce que c’est, la programmation, la radiodiffusion. C’est assez incroyable de dire des énormités comme ça! »

Des appuis politiques du Québec

Depuis l’annonce de la fermeture d’ADR, des dizaines de postes de police et de municipalités ont exprimé leur soutien à l’endroit de cette chaîne qu’ils considèrent comme essentielle dans leur travail.

L’an dernier, la ministre de la Sécurité publique du Québec, Lise Thériault, et le maire de Montréal, Denis Coderre, entre autres, pressaient le gouvernement conservateur d’intervenir et d’émettre des instructions au CRTC.

Ils ont signé des lettres en mai et juillet 2015 respectivement pour demander au ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, et à la ministre du Patrimoine, Shelly Glover, de prendre les moyens nécessaires afin qu’ADR poursuive sa mission.

Après l’élection du gouvernement Trudeau, en décembre 2015, le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu a exprimé son inquiétude dans une lettre adressée à la Secrétaire générale du CRTC, Danielle May-Cuconato. Le sénateur a décliné notre demande d’entrevue au sujet d’ADR.

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu appuie ADR. (Photo : PC)

Interpellée à ce propos à la Chambre des communes la semaine dernière, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a réitéré qu’elle était « très sensible aux demandes exprimées par la chaîne ADR ».

Elle refuse toutefois d’intervenir dans ce dossier, sous prétexte que le CRTC a « l’autorité exclusive d’ordonner la distribution obligatoire » en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.

Le président d’ADR, Vincent Géracitano, se désole de voir son projet dédié à la sécurité publique relégué aux oubliettes par la nouvelle administration à Ottawa, qui promettait un vent de fraîcheur et de transparence.

« Le gouvernement veut aider les femmes autochtones qui sont portées disparues, mais en même temps, on ferme une chaîne qui est un outil pour les services de police afin de les aider à les retrouver. »

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