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«Assume» de Fabien Cloutier : briseur de conventions

Fabien Cloutier brise les conventions avec «Assume»
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«J’ai jamais tué d’écureuil à coup de marteau. C’est juste un fantasme violent.» C’est avec cette ligne loin de toute complaisance que l’inclassable Fabien Cloutier amorce son one man show, Assume.

Seul derrière son micro, non, Cloutier ne réinvente pas l’art du spectacle d’humour solo, mais il brise quand même quelques conventions. Dans ce qu’il dit, rien n’est banal, déjà entendu, fade ou ordinaire. Les «lignes» y sont bel et bien, les «punchs» n’y sont pas toujours, en ce sens qu’on ne rit pas nécessairement aux éclats, mais ô, que ça frappe néanmoins constamment! Son regard sur la vie, la société, Fabien Cloutier ne l’a pas trouvé dans une boîte de céréales, il l’a mûri, peaufiné, mais le talent naturel est là, d’emblée.

Sa première représentation montréalaise affichait complet au Théâtre Outremont, mardi ; il vous reste mercredi, 27 avril, pour vous rattraper à Montréal, après quoi, dans la prochaine année, ce sera la tournée du Québec.

Il est dans une catégorie à part, Fabien Cloutier. À la fois chouchou de l’intelligentsia qui snobe la culture populaire, tout en étant de plus en plus membre de cette dite culture populaire, par le biais de projets rassembleurs comme Boomerang, Les beaux malaises et même Blue Moon. Fabien passe d’ARTV à TVA, des élitistes au grand public avec la légèreté d’un poisson dans l’eau.

Il ne semble pas se poser beaucoup de questions, non plus. À Esprit critique, à Paparagilles, dans ses pièces de théâtre (Scotstown, Cranbourne, Pour réussir un poulet) et dans Assume, le gaillard, qui détone dans le faste et les paillettes du show-business, dit ce qu’il a à dire. On ne sait pas trop s’il se fiche de ce qu’on pensera, mais la désinvolture avec laquelle il brasse la cage et brandit sagement nos stupidités collectives est absolument rafraichissante.

De toute façon, spontanément, ce qu’il dit paraît intéresser tout le monde, à gauche, à droite comme au centre. Il est de ceux devant qui on a envie de tendre l’oreille, qu’importe le sujet, parce qu’on sait que ce qui sortira de sa bouche sera au moins réfléchi, au mieux brillant. La singularité du personnage, sa voix et son débit particulier, son allure de «gars du peuple» comme ses observations voguant du candide à l’acide sont toujours pertinentes… mais le principal intéressé n’a pas l’air de le savoir. Ce qui ajoute à son charme.

Avant lui, il y a eu un dénommé Marc Labrèche capable de tel exploit, de rallier à peu près toutes les classes, de devenir un quasi intouchable, seulement en ayant l’air inatteignable. Originalité, simplicité, intelligence se retrouvent chez l’un et chez l’autre. Un certain Yvon Deschamps avait pavé cette voie, également. Des comme eux, s’il en émerge un aux 20 ans, on sera chanceux.

Dans le blanc des yeux

Il n’a jamais tué d’écureuil à coup de marteau, disions-nous. Arrivé comme s’il s’apprêtait à râteler les feuilles ou à jouer dans son moteur de voiture, en t-shirt, jeans et bottines, Fabien Cloutier a étalé son intellect et son imaginaire en un peu moins d’une heure trente.

Son but? Montrer sa vision de notre société. Comme tous les humoristes, direz-vous peut-être. Mais à la sauce Cloutier, ce n’est pas pareil. C’est «sa» vision. Cette manière de nous annoncer qu’il ne commencera pas sa prestation comme le font tous ses autres collègues. Quand il parle de ce qu’il juge, qu’il s’agisse des collections, de la mélamine blanche, de l’obsession de la mise à jour du livret au guichet automatique.

«Je ne veux pas que mon aura de figure intellectuelle soit rattachée à des collectionneurs d’attaches à pain», balance-t-il, se moquant ainsi encore plus de lui-même que de ceux dont il paraît rire.

Il traite d’intimidation à l’adolescence avec une telle répartie, les «Yves, Yvan, Yvon» en prennent pour leur rhume, et c’est judicieux et savoureux. Cette société où on se fait dire quoi faire, les forums de discussion sur Internet, Décore ta vie, le Saguenay et le Lac-Saint-Jean, l’homophobie, les athlètes olympiques qui n’ont pas d’amis, «nos pauvres policiers», ont tous leur place dans l’univers parallèle, mais pas si excentrique, de Fabien Cloutier.

La mise en scène, que Cloutier signe lui-même, comme ses textes, est plus que sobre : micro, bière juste devant, bibelot d’écureuil sur un tabouret à proximité, éclairages en alternance de couleurs. Bien peu de flaflas ajouteraient à sa proposition déjà géniale.

Est-ce hilarant? Pas toujours. On le disait, le Beauceron brise les conventions établies du one man show depuis que le monde est monde. Bon, au Québec, du moins. Pas de gag à tout prix, Cloutier est plutôt du genre à parler, parler, et la blague vient toute seule, au tournant, efficace, et elle n’est pas moins comique ou intéressante pour autant. On y va pour les divers degrés, pour l’œil affûté, pour la réflexion songée, pour l’absence de facilité, pour les images que ses gentils délires qu’il livre avec un puissant charisme font jaillir dans nos têtes. Pour toutes ces choses qui se décrivent mal sur papier, qui se vivent, confortablement assis dans le siège d’une salle, où l’artiste nous parle dans le blanc des yeux.

C’est tout juste vulgaire, mais pas gratuitement, que nenni! C’est la langue de Fabien Cloutier, tout simplement. Une langue bien belle, porteuse, évocatrice, qu’on pourrait enseigner dans toutes sortes d’écoles, un jour, d’humour comme de littérature. Vous auriez dû entendre éclater l’ovation debout, au Théâtre Outremont, mardi. Fabien Cloutier n’a pas son égal, et son public le lui a chaleureusement témoigné.

Pour connaître toutes les dates de la tournée Assume, de Fabien Cloutier, consultez son site officiel : www.fabiencloutier.com. Des supplémentaires ont déjà été annoncées pour Montréal, le 13 octobre 2016, et Québec, le 21 février 2017.

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