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Un tableau d'Amadeo Modigliani retracée grâce aux Panama Papers

Un tableau de Modigliani retracée grâce aux Panama Papers
CHRISTIE'S IMAGES/CORBIS

La plus importante fuite de documents de l'histoire pourrait permettre de résoudre le mystère entourant une oeuvre d'art au coeur d'un litige remontant à l'occupation de Paris par les nazis. Radio-Canada a appris que le tableau appartient à une riche famille dont les membres sont établis un peu partout dans le monde.

Avec les informations de Frédéric Zalac, émission Enquête

L'Homme assis appuyé sur une canne est une toile du grand maître italien Amedeo Modigliani, mort en 1920, en France. Aujourd'hui, sa valeur est estimée à plus de 30 millions de dollars.

Mais cette oeuvre a-t-elle été volée?

James Palmer, fondateur de la firme torontoise Mondex qui se spécialise dans la restitution d'oeuvres d'art, en est certain. Il a entrepris des démarches légales devant un tribunal américain, car il croit qu'elle revient au petit-fils de l'antiquaire juif Philippe Stettiner. On lui a pris la toile de force alors que la capitale française était occupée par les nazis, selon M. Palmer.

Disparue à Paris durant la Seconde Guerre mondiale, l'oeuvre ne refera surface qu'en 1996 - quelque 50 ans plus tard - lors d'une vente aux enchères chez Christie's. Une petite société du Panama, l'International Art Center, en fait alors l'acquisition pour 3,2 millions de dollars américains.

On retrouve ensuite l'oeuvre de Modigliani dans des galeries d'art de Londres et de New York appartenant à une puissante famille de marchants d'art, les Nahmad.

David Nahmad est l'un des plus grands collectionneurs d'art au monde. Selon le magazine Forbes, la collection de sa famille a une valeur de 4 milliards de dollars.

James Palmer est convaincu que les Nahmad sont toujours en possession du tableau, ce que nie la famille dans des documents déposés en cour. Elle soutient plutôt que la toile est détenue par la société du Panama, qui a mis la main sur l'oeuvre lors de la vente aux enchères.

La vérité pourrait se cacher dans les Panama Papers

Mais qui contrôle cette société? Une enquête du Consortium international des journalistes d'enquête (ICIJ) - à laquelle Radio-Canada, le Toronto Star et l'émission The Fifth Estate ont collaboré - lève en partie le voile sur ce mystère.

En fouillant parmi la masse de données confidentielles de la firme Mossak Fonseca, les Panama Papers, nous avons découvert les documents internes de l'International Art Center. Une de ses directrices, Leticia Montoya, dirige à elle seule plus de 11 000 autres compagnies.

Un document interne, daté du 19 juillet 2013, identifie par ailleurs clairement que David Nahmad était l'unique actionnaire de la société à ce moment.

« [David Nahmad] contrôle la peinture, maintenant, dans une zone franche. C'est lui qui a le contrôle, qui tire les ficelles », dit le Canadien James Palmer.

L'avocat de M. Nahmad, Richard Golub, met toutefois en doute la pertinence du document. « Je ne sais pas ce que dit le document et ça n'a pas d'importance. Ce document a peut-être été remplacé. Je ne sais pas ce que signifie ce document et je ne sais pas où vous l'avez obtenu. Et il ne veut rien dire », dit-il en entrevue, confronté à ces informations.

Demander qui possède l'International Art Center est une question aussi pertinente dans cette affaire que de demander qui vit sur Pluton.

Richard Golub, avocat de David Nahmad

Pour lui, il n'y a aucune preuve que la toile appartenait à l'antiquaire Oscar Stettiner et que l'oeuvre a été volée par les nazis.

David Nahmad, lui-même Juif, affirme qu'il n'accepterait jamais de posséder une oeuvre d'art issue du pillage des nazis. « Je ne dormirais pas la nuit si je savais que j'ai un objet volé », dit-il. « Ça apporte la malchance. C'est un crime énorme. Il y a une chose que je crois de tout coeur : il ne faut pas faire d'argent avec la souffrance des victimes de guerre. »

Pressé de questions, M. Nahmad a toutefois avoué à demi-mot être le vrai propriétaire de la toile. Un journaliste du Consortium international lui a demandé s'il serait prêt à remettre la toile à la famille Stettiner.

Sa réponse : « Je pense que je le ferais. S'ils peuvent prouver que la toile leur appartient, alors ils peuvent aller en cour avec les reçus de vente », dit-il.

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