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«La vie est d'hommage»: Jack Kerouac, le fils du Québec (PHOTOS)

Jack Kerouac, le fils du Québec (PHOTOS)
Paméla Lajeunesse

À six ans, Jack Kerouac s’exprimait seulement en français, l’idiome de ses parents. Une langue maternelle qu’il a chéri toute sa vie. La personnalité complexe de l'auteur de On The Road et leader iconique de la Beat Generation se révèle un peu plus avec la parution d’un livre réunissant ses textes méconnus écrits en français et en joual.

L’ouverture inespérée en 2006 du fonds d’archives Jack Kerouac à la New York Public Librairy (les manuscrits ont été conservés par John Sampas, le beau-frère de Kerouac et gardien de son patrimoine littéraire), a donné la chance à Jean-Christophe Cloutier de découvrir des textes inédits de l'écrivain. Le professeur de littérature anglaise à l’université de Pennsylvanie les a alors regroupés pour la première fois dans un recueil publié par Le Boréal et dont le titre La vie d’hommage est tiré d’une phrase du tourmenté Kerouac.

«Ce sont tous des textes complets et inédits, a expliqué en entrevue Jean-Christophe Cloutier, de passage à Montréal. Mais peut-être qu’il en existe d’autres que l’on pourra découvrir un jour. Même s’il y en a qui ont déjà été publiés auparavant, il est toujours possible d’avoir de nouvelles surprises, du moins je l’espère.»

Né à Lowell en 1922 dans le Massachusetts de parents québécois, le futur Jack Kerouac - Ti-Jean pour ses proches – n’est devenu parfaitement bilingue qu’à l’adolescence. Son ouvrage le plus connu, Sur la route (On The Road) a pourtant ancré l’écrivain parmi les plus grands auteurs de la littérature américaine du XXe siècle.

«Très tôt dans sa carrière, il voulait se hisser au niveau d’Ernest Hemingway, raconte le professeur. Quand il s’est présenté chez son éditeur avec son fameux rouleau sous le bras de Sur la route, il l’aurait lancé sur le bureau pour le dérouler en déclarant que son œuvre était l’avenir de la littérature. Mais cela n’a pas eu l’effet escompté.»

L’éditeur en question refusera d’abord de publier l’ouvrage tapé d’une traite en 1951 sur un rouleau de papier télétype de 36 mètres. Les scènes osées et crues décrites dans les pages originales ont aussi refroidi les ardeurs. Ce n’est qu’en 1957 que l’écrivain se résigne à accepter la censure pour qu’enfin son livre divisé en chapitres se retrouve sur les tablettes.

«Pendant ses années d’attentes, Kerouac n’arrêtera pas pour autant de travailler. Amateur de Marcel Proust et de Louis-Ferdinand Céline, il écrit beaucoup incluant de nombreux textes en français. Les Américains le connaissent à travers son livre emblématique rédigé en anglais. L’exhumation de son travail en français va permettre aux lecteurs anglophones d’avoir accès à une nouvelle facette de l'homme», souhaite Jean-Christophe Cloutier.

Lancement de «La vie est d'hommage» de Jack Kerouac

La langue parlée de l’enfance

Divisé en deux parties, le livre présente des textes de fictions, dont une nouvelle complète, Sur le chemin, différente de On The Road. D’ailleurs, l’ouvrage inclut un début du bestseller rédigé directement dans la langue de Molière. S’y trouve également un passage bouleversant du roman La nuit est ma femme ainsi que des extraits de Maggie Cassidy (1959) et de Satori in Paris (1966) dont le premier jet a été rédigé en français.

«Il y a aussi des correspondances et les retranscriptions de plusieurs de ses conversations. Il est fascinant de constater comment Jack Kerouac a donné une incarnation écrite à la langue populaire des francophones d’Amérique du Nord, et ce dix ans avant l’éclosion du joual au Québec au début des années 1960», explique le professeur.

Le Franco-américain Jack Kerouac était un enfant de l’exode. Entre 1840 et 1930, près d’un million de Canadiens-français ont quitté le Québec pour trouver une vie meilleure aux États-Unis. Un départ qui s’apparente à une véritable saignée de la population francophone du Québec réduite alors de moitié.

À l’image de la famille Kerouac, beaucoup s’installeront en Nouvelle-Angleterre où de véritables communautés francophones verront le jour. L’écrivain, mort en 1969 à l’âge de 47 ans, n’oubliera jamais ses origines. Il en parlera souvent à travers sa plume. «Je suis Canadien Français, m’nu au-monde à New England. Quand j’fâcher j’sacre souvent en Français. Quand j’reve j’reve souvent en Français. Quand je brauille j’brauille toujours en Français», a-t-il écrit.

Pour Jean-Christophe Cloutier, les origines de Kerouac et sa dualité linguistique étaient fondamentales dans son processus créatif qui lui a sans doute permis de trouver une forme littéraire révolutionnaire. «Jack Kerouac s’apparente à des écrivains comme Samuel Beckett ou Vladimir Nabokov qui n’écrivaient pas dans leur langue maternelle, rappelle-t-il. Ils sont néanmoins derrière de grands chefs-d’œuvre de la littérature.»

La vie est d’hommage – Jack Kerouac – Textes établis et présentés par Jean-Christophe Cloutier – Le Boréal – 352 pages.

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