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#Mettezdurouge : quand le rouge à lèvres sème la discorde

#Mettezdurouge : quand le rouge à lèvres sème la discorde

Il a fallu un gazouillis de Guy A. Lepage pour que la campagne « Mettez du rouge » soit lancée au Québec, après quatre ans d'existence en France. Mais les lèvres de l'animateur, barbouillées de rouge pour dénoncer la violence faite aux femmes, ont reçu un accueil mitigé.

Un texte de Christine Bureau

En France, il y a 227 viols ou tentatives de viol par jour, soit toutes les 6 minutes. C'est cette situation « abominable » qu'a voulu dénoncer au départ Alice Lepers, une Française qui travaille dans les communications.

Elle a alors cherché un geste « pour attirer l'attention » sur ces chiffres, en incluant les hommes dans le coup d'éclat, raconte-t-elle au bout du fil. Son idée a été leur demander de mettre du rouge à lèvres et de partager leur photo sur les réseaux sociaux.

« Je me suis dit que si on leur tendait la main, peut-être qu'ils viendraient, et que moi, ça me ferait du bien de voir qu'ils se sentent concernés parce qu'on ne les entend presque jamais en France. Dès qu'on parle de violence, en France, il n'y a que des femmes qui parlent », soutient-elle.

En France, Vincent Cassel et Patrick Bruel ont notamment participé à la campagne, et une photo regroupant des députés français de tous les horizons sera prise le 8 mars prochain, à Paris.

De la France vers le Québec

Puis, Alice Lepers a voulu exporter l'idée de la campagne #Mettezdurouge ici, au Québec, malgré les différences « culturelles et contextuelles » qui opposent la province à la France. Mais la photo de Guy A. Lepage a propulsé sa campagne, avoue-t-elle.

Le communiqué de presse, envoyé près de 48 heures après la publication de la photo de l'animateur de Tout le monde en parle, « recontextualisera les choses », espère-t-elle.

On y lit d'ailleurs les chiffres sur lesquels elle espère attirer l'attention par cette campagne : en 2013, 5525 personnes ont été victimes d'une infraction sexuelle au Québec, soit 15 victimes par jour. De ce nombre, 83 % des victimes étaient des femmes, précise le ministère de la Sécurité publique.

Mais au Québec, l'idée derrière la campagne n'a pas plus à tout le monde. Sur les réseaux sociaux, on soutient que l'utilisation du rouge à lèvres pour représenter les femmes est « réducteur », et qu'il sert mal la cause de la dénonciation de la violence faite aux femmes.

Sur son blogue publié au lendemain de la photo mise en ligne par Guy A. Lepage, la journaliste indépendante Marilyse Hamelin a dénoncé une campagne « de voeux pieux et creux, et mettant en scène des hommes uniquement ».

« Le recours au maquillage pour parler d'enjeux sociaux concernant les femmes, c'est tellement cliché et ridicule. »

— Marilyse Hamelin, blogueuse à La semaine rose

Elle s'en prend également à la phrase d'engagement de la campagne, qui est : « Je suis un homme. Si une femme est agressée devant moi, je m'engage à prendre sa défense. » « On sait bien que la plupart des agressions ont lieu dans un contexte privé et que la vaste majorité des victimes connaissent leur agresseur », déplore la blogueuse, qui croit que la campagne a donc « raté sa cible ».

Sur Facebook, la journaliste Judith Lussier a ajouté que les seuls à qui bénéficie cette campagne sont « les égos de ceux qui y prennent part ».

Une adaptation pour le Québec

Au Québec, le président d'Impératif français, Jean-Paul Perreault, a pris part à la campagne Mettez du rouge, à l'instar de Yann Perreau, d'Angelo Cadet et d'Armand Vaillancourt. Il affirme n'avoir eu aucune hésitation à le faire.

« S'il y a des gens qui se sentent irrités par la formule retenue, je pense qu'ils ne doivent pas perdre de vue l'objectif retenu, qui est de dénoncer toute forme de violence entre humains. C'est comme ça qu'il faut le voir », souligne-t-il, ajoutant qu'il y a tout de même un « engagement » derrière le geste de « mettre du rouge ».

« Finalement, l'idée, c'est vraiment d'attirer l'attention sur les chiffres. Ce n'est vraiment pas d'associer le rouge à lèvres à la femme, ce n'est pas du tout de féminiser les hommes. »

— Alice Lepers

Alice Lepers admet toutefois que la campagne aurait peut-être encore besoin d'adaptation pour le Québec. « La phrase [d'engagement], je pense en effet que, par rapport au Québec, elle est très peu adaptée parce que les hommes Québécois sont très différents des Français », note-elle.

Dans son communiqué envoyé aux médias québécois, Alice Lepers suggère plutôt aux hommes de partager leur photo sur les réseaux sociaux en y ajoutant la phrase de leur choix.

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