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Audience d'Orléans Express devant la CTQ: les Gaspésiens veulent être entendus

Orléans Express: les Gaspésiens veulent être entendus
Canadian Press

QUÉBEC – Alors que la Commission des transports du Québec s’apprête à tenir des audiences à Québec sur les trajets desservis par Orléans Express, des groupes de citoyens de la Gaspésie s’étonnent de ne pas être invités à témoigner.

La CTQ tiendra une audience le 14 mars prochain pour évaluer la situation de l’entreprise à la suite de la diminution de ses services dans diverses régions du Québec depuis janvier 2015. Orléans Express avait obtenu la permission de réduire le nombre de trajets offerts en région en raison de sa situation financière précaire.

Cette réduction a particulièrement frappé la Gaspésie. Le nombre d’arrêts est passé de 44 à 8 dans la partie sud de la péninsule, et de 44 à 7 au nord. La ville de Percé, elle, n’est plus desservie. Orléans Express a même songé à abandonner carrément le service en Gaspésie, avant de se raviser.

Même si la CTQ affirme que l’audience porte uniquement sur la rentabilité de l’entreprise, des Gaspésiens auraient aimé témoigner de l’impact de cette réduction de services sur leurs communautés.

«Les enjeux ne sont pas strictement économiques», souligne Geneviève Giguère, coordonnatrice du ROCGÎM, qui regroupe des organismes communautaires de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Les groupes représentés par son organisme sont aux premières loges pour voir les effets de la diminution de services sur les citoyens. «On est dans une région très pauvre», souligne-t-elle.

Certains Gaspésiens utilisent l’autobus pour se rendre à la banque alimentaire située dans la ville voisine. D’autres en ont besoin pour se rendre à l’hôpital de Rimouski où ils reçoivent leurs soins.

«C’est une forme de mépris envers les Gaspésiens de ne pas venir ici entendre les gens et de ne donner la parole qu’à l’entreprise», estime Geneviève Giguère.

Le directeur des communications de la CTQ, Guy Mailhot, explique que la commission a fait le tour des régions en 2014, avant de permettre à Orléans Express de réduire ses trajets. «L’audience du 14 mars prochain vise à faire un tour d’horizon des résultats de ce qu’a fait Orléans Express, dit-il. Est-ce que les mesures qui avaient été prévues à l’époque ont apporté les résultats escomptés?»

La CTQ ne prévoit toutefois pas évaluer l’impact social de cette réduction de service. Le problème de la desserte en région relève plutôt d’un groupe de travail créé après les audiences de 2014, souligne Guy Mailhot. «Le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail qui vise à analyser la problématique du transport interurbain au Québec et à voir quelles pistes pourraient être envisagées afin de solutionner cette problématique-là», explique-t-il.

Chez Keolis Canada, la société-mère d’Orléans Express, on explique que le choix de réduire le nombre de trajets était une décision d’affaires. «Ces lignes-là n’avaient pas la rentabilité qu’on souhaitait et l’achalandage n’était pas au rendez-vous», affirme Marie Hélène Cloutier, vice-présidente expérience passager, marketing et commercialisation.

Les nouveaux trajets devraient demeurer sensiblement les mêmes après l’audience du 14 mars. «On prévoit laisser ça tel quel», explique Marie Hélène Cloutier, en précisant que des ajustements peuvent toujours être apportés selon les situations régionales. Keolis Canada étudie également de nouveaux horaires pour éviter les voyages de nuit, décriés par certains utilisateurs.

«Isolement»

Qu’à cela ne tienne, les Gaspésiens s’estiment oubliés par Québec. La réduction des trajets fait croître le «sentiment d’isolement» des résidents de la péninsule, dit Geneviève Giguère. D’ailleurs, les mots «isolement» et «abandon» reviendront constamment au fil des entrevues.

Stéphane Boudreault aurait lui aussi aimé être entendu. Le gestionnaire du Centre des congrès de la Gaspésie en a long à dire sur l’impact de cette diminution de service. «Le transport, c’est le cœur du développement économique d’une région», souligne-t-il.

Parlez-en à Maurice Chicoine, de la Coquille à Caplan, qui envoie son homard frais par autobus vers Montréal. La réduction du nombre de trajets signifie que la cargaison arrive parfois le lendemain plutôt que le jour même… et nécessite plus de glace. Le Fumoir Monsieur Émile, lui, a carrément acheté un camion réfrigéré pour assurer sa propre livraison.

C’est sans compter les touristes, qui ne peuvent plus se rendre directement à Percé l’été.

Déjà que l’offre de transport par train et par avion est limitée dans la péninsule, la réduction des trajets d’autobus prend une tout autre importance. «L’autobus, c’est comme notre dernier rempart, plaide Stéphane Boudreault. C’est sûr que c’est plus facile de "varger" sur une région comme la Gaspésie que sur les grands centres. Mais ici, c’est un service essentiel.»

Lise Dansereau Baroni abonde dans le même sens. «C’est comme si on nous disait "vous êtes trop loin, on n’amènera pas l’électricité ou le téléphone"», lance la résidente de Percé. En compagnie d’une dizaine de citoyennes, elle met présentement sur pied le groupe Sauvetage Transport Québec, appuyé par une douzaine d’organismes locaux.

Elle aurait souhaité dire à la CTQ que le gouvernement a le devoir de desservir la Gaspésie en matière de transport en commun, comme toutes les autres régions du Québec. Après tout, Orléans Express a l’exclusivité sur d’autres trajets plus payants. «Le gouvernement se doit de desservir la province, que ce soit en donnant des subventions à cette compagnie ou en changeant de compagnie», tranche Lise Dansereau Baroni.

Comme le train?

Le maire de Gaspé, Daniel Côté, croit lui aussi que les transports en commun sont un service essentiel. Il préside la Régie intermunicipale de transport Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine, qui offre le service de navette entre les villes. Il trouve «surprenant et décevant» le choix de la CTQ de ne pas venir entendre les Gaspésiens. «Si le gouvernement considère que les régions font partie à part entière du Québec, que ce soit la Gaspésie ou les autres, il doit prendre en charge la question des transports dans les régions», dit-il.

De son côté, Lise Dansereau Baroni craint de voir l’histoire se répéter. Dans le passé, VIA Rail a diminué graduellement son offre dans la péninsule. «Est-ce qu’ils veulent laisser complètement la Gaspésie, un peu comme le train l’a fait?, demande-t-elle. Au début, on a coupé un peu, on a arrêté à New Carlisle. Maintenant, après Matapédia, il n’y a plus de train», dit-elle. Entre Matapédia et Percé, on compte trois heures et demie en voiture.

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