Le Québec perd l'un de ses intellectuels les plus illustres : le père dominicain Benoît Lacroix est mort à 100 ans à la suite d'une brève maladie.
Encore en novembre dernier, il participait à l'émission Rendez-vous pour l'âme à Radio Ville-Marie.
La spiritualité et la sagesse de cet homme de foi indépendant de pensée ont frappé l'esprit des Québécois lors de ses passages réguliers dans les médias au cours des décennies. Il a notamment écrit, pendant pratiquement 25 ans, des chroniques pascales dans le journal Le Devoir.
L'homme était un universitaire réputé. Théologien, spécialiste des religions populaires et historien de la littérature, il était considéré comme l'un des meilleurs témoins québécois de la tradition intellectuelle qui a façonné la pensée occidentale. Il a publié pas moins d'une cinquantaine d'ouvrages scientifiques et religieux.
Le sociologue Fernand Dumont, décédé en 1997, décrivait le père Lacroix comme un humaniste accompli.
« Il sait concilier de manière absolument remarquable sa contribution à la culture savante et son affinité avec les gens des milieux populaires. Cette présence aux deux extrémités de la culture, sans fausseté, sans artifice, est tout à fait exceptionnelle. »
— Fernand Dumont
De longues études
Né dans une famille de cultivateurs à Saint-Michel-de-Bellechasse le 8 septembre 1915, Benoît Lacroix obtient une licence en théologie à l'Université d'Ottawa en 1941 et un doctorat en sciences médiévales à l'Université de Toronto en 1951. Il fait ses études postdoctorales à l'École Pratique des Hautes-Études à Paris en 1953, puis à l'Université Harvard en 1960.
Il enseigne ensuite dans plusieurs universités, au Québec et à l'étranger. Son port d'attache restera toujours l'Institut d'études médiévales de l'Université de Montréal, où il enseignera pendant 40 ans. Il y était depuis 1981 professeur émérite.
Contribution exceptionnelle
La contribution du père Lacroix à l'étude des religions au Québec est très importante. Au début des années 1970, il inaugure une série de colloques où se réuniront pendant 10 ans des chercheurs de tous les horizons. Il crée aussi à Montréal le Centre d'études des religions populaires, un concept qui sera repris dans plusieurs villes européennes.
En outre, il a occupé la chaire d'études québécoises à l'Université de Caen. Il a également siégé au comité scientifique de l'Institut québécois de recherche sur la culture au début des années 1980.
Il a également été membre fondateur du Centre d'interprétation des nouvelles religions. À partir de 1981, il coordonne une vaste enquête sur les rapports du peuple québécois avec ses racines religieuses.
« De tous les faits culturels connus à travers les temps, les religions comptent parmi les plus indéracinables et les plus irréversibles. C'est que la foi en soi est naturelle et le sacré, instinctif. »
— Benoît Lacroix
Les détails concernant les funérailles seront connus dans les prochaines heures.
Quelques récompenses
1980 - Médaille Chauveau de la Société royale du Canada
1985 - Officier de l'Ordre du Canada
1990 - Doctorat honoris causa de l'Université de Sherbrooke
1996 - Grand officier de l'Ordre national du Québec