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Résidences pour aînés: les homosexuels doivent-ils retourner dans le placard?

Résidences pour aînés: les homosexuels doivent-ils retourner dans le placard?
Senior gay couple shooting a selfie / sharing images / video conferencing with mobile phone in front of a winter view.
Nicolas McComber via Getty Images
Senior gay couple shooting a selfie / sharing images / video conferencing with mobile phone in front of a winter view.

Ayant vécu la majeure partie de leur existence dans une société discriminatoire et hostile, les gais, lesbiennes et bisexuels de 65 ans et plus sont nombreux à craindre la perspective d’aboutir dans un foyer, certains imaginant devoir retourner dans le placard. Afin de prévenir certaines histoires malheureuses, le GRIS-Montréal a entrepris un projet de sensibilisation aux réalités homosexuelles et bisexuelles auprès des aînés. Son projet de lutte contre l’homophobie «Vieillir sans honte» se bute toutefois à des portes closes.

Le Groupe de recherche et d’intervention sociale de Montréal a plus de deux décennies d’interventions en milieux scolaires à son actif, mais il doit redoubler d’ardeur afin d’avoir accès aux milieux de vie des personnes âgées.

«Certains propriétaires de résidences disent que nos thématiques n’intéressent pas leur clientèle, révèle David Platts, président de GRIS-Montréal. Est-ce une façon de dire à mots couverts qu’ils ne veulent pas déranger le monde et discuter de sujets “controversés”?»

Plusieurs gestionnaires ont plaidé qu’ils ne rencontraient aucun problème avec cette question. «Par contre, quand on leur demande s’ils ont des résidents lgb, et si ceux-ci reçoivent la visite de leurs conjoints, ils ne le savent pas... Ce qui prouve que les lgb sont invisibles. Et si ces résidents gais, lesbiennes et bisexuels ne peuvent pas parler de cet aspect de leur vie, où s’ils ont peur de le faire, les gestionnaires ne garantissent pas le bonheur de TOUS leurs résidents.»

Avocat et associé au cabinet McCarthy Tétrault, M. Platts évoque le contexte discriminatoire dans lequel de nombreux lgb de 65 ans et plus ont vécu pour expliquer leurs craintes face à la vie dans des résidences pour aînés.

David Platts, président de GRIS-Montréal

«Ils ont connu l’époque où l’homosexualité était perçue comme un péché, un crime ou une maladie mentale. Ils n’avaient aucune protection juridique. C’était pratiquement impossible d’être ouvertement gai sans craindre de perdre son emploi, d’être rejeté par sa famille ou victime de violence. Les choses ont évolué. Mais la peur d’être rejeté demeure très forte. Pour plusieurs, la liberté de vivre seul permet de faire ce qu’ils veulent chez eux et d’aimer qui ils veulent. Mais quand ils perdent une partie de leur autonomie et qu’ils doivent aller dans un foyer, certains ont peur ne plus pouvoir être qui ils sont librement.»

Même si le nouveau projet pour aînés nécessite un grand travail de persuasion, le GRIS-Montréal a récemment annoncé sa visite dans sept HLM pour aînés – les tours d’habitation de Nelligan, Drolet, Mentana, Sainte-Véronique, Sainte-Croix, du Mile-End et du Plateau, durant le mois de mars.

Avec les témoignages de ses bénévoles, l’organisme a plusieurs objectifs : permettre aux gens du troisième âge de mettre un visage sur les réalités LGB, qui parfois les effraient, les intimident ou se résument à des stéréotypes; augmenter le niveau de confort des aînés face aux LGB qu’ils côtoieront (résidents, colocataires de chambre, leurs propres proches) et créer un milieu de vie propice, afin que les aînés LGB restent hors du placard dans les foyers et éviter qu’ils deviennent invisibles des institutions publiques.

Le GRIS chez les jeunes

À l’autre bout du spectre générationnel, les élèves du primaire, du secondaire et du cégep sont de plus en plus ouverts d’esprit, mais la situation n’est pas rose au point de remettre en question les visites du GRIS. «Grâce au questionnaire qu’on fait remplir avant et après chaque intervention, on est capable de mesurer l’impact de nos visites à travers les années. Les jeunes de 2016 sont effectivement plus ouverts à certaines portions de l’homosexualité et de la bisexualité, mais il y a encore des choses qui les rendent mal à l’aise.»

Les réactions varient selon l’éducation, l’entourage, la religion, l’origine ethnique et l’expérience de vie. «Certains affirment ne pas être mal à l’aise si leur collègue de classe est gai ou lesbienne, mais s’il s’agit de leur sœur ou de leur frère, le niveau d’aisance change, explique M. Platts. D’autres n’ont pas de problème avec les homosexuels, mais ne sont pas à l’aise avec les démonstrations d’affection en public. Certains approuvent le mariage gai, mais ont de la difficulté à imaginer les gais avoir des enfants.»

En 2001, plus de la moitié des jeunes connaissaient une personne LGB. Dix ans plus tard, ils étaient 75,7 %. Les études tendent à montrer que le fait de connaître une personne LGB augmente le confort par rapport à l’homosexualité.

Lors d’un projet pilote au primaire, près de 40 % des jeunes rencontrés disaient être mal à l’aise d’entendre parler d’homosexualité (à la télévision, internet, en classe, etc.). Et 30 % évaluaient que la réaction de leurs parents lorsqu’on parle d’homosexualité ou de bisexualité est négative.

Pourcentage des jeunes à l’aise face à ces mises en situation (2011-2012) :

  • Affection entre 2 femmes : 72,6 %
  • Affection entre 2 hommes : 55,8 %
  • Sœur lesbienne : 73,6 %
  • Frère gai : 66,7 %
  • Sœur bisexuelle : 76,2 %
  • Frère bisexuel : 69,5 %

Les mentalités évoluent, mais David Platts croit que le GRIS sera utile encore longtemps. « Chaque génération a besoin de modèles et d’individus prêts à partager leurs histoires personnelles. Quand on demande aux jeunes s’ils ont un gai ou une lesbienne dans leur entourage, on observe beaucoup plus de “oui” qu’il y a 20 ans. Mais sont-ils nécessairement confortables pour poser des questions sur leur vie intime? Peut-être pas. Avec nos bénévoles, ils peuvent. »

Parler de sexe avec les aînés?

Contrairement aux milieux scolaires où la vie sexuelle des LGB peut être abordée quand le sujet s’y prête, l’intimité physique ne se retrouve pas au cœur des discussions avec les personnages âgées, comme en font foi les cinq rencontres menées par le GRIS depuis quelques semaines.

« Les aînés ont un grand désir de partager leurs souvenirs sur les perceptions des LGB autrefois : ce qu’elles ont vécu ou comment leurs proches ont été affectés par la société et la religion. Jusqu’à présent, la sexualité n’a pas été abordée aussi directement qu’avec les jeunes en classes. On est prêt à en parler avec les personnes âgées, mais on respecte leur niveau d’aisance. Le jour où on en parlera, je crois que ça va aussi permettre de rappeler que, hétéros ou homos, ce n’est pas parce qu’on est plus vieux qu’on arrête d’aimer et d’avoir du désir sexuel. »

Comptant sur près de 300 bénévoles, GRIS-Montréal est toujours à la recherche d’homosexuels et de bisexuels prêts à témoigner. Spécialement des LGB issus des communautés culturelles ou de groupes religieux, des lesbiennes, des personnes bisexuelles ou des LGB plus âgés.

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