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«Le problème d'infiltration»: Visite du plateau du nouveau film de Robert Morin (PHOTOS/ENTREVUE)

«Le problème d'infiltration»: Visite du plateau du film de Robert Morin (PHOTOS/ENTREVUE)
Sarah-Émilie Nault

Ce n'est pas tout à fait la dernière journée de tournage du prochain film de Robert Morin, mais c'est tout de même aujourd'hui que se déroule l'ultime scène du sombre long-métrage. En ce quatorzième jour - sur 17 - de tournage, Christian Bégin, les deux pieds dans l'eau, tente de retenir une fissure qui ne fait que prendre de l'expansion, à l'image de son personnage à la vie d'apparence parfaite pour qui, en une seule journée fatidique, tout chavire dans Le problème d'infiltration. Plongeon dans l'univers d'un homme «seul avec son narcissisme et ses bibittes».

«Le problème d'infiltration» de Robert Morin

Un Shining québécois

Écrit et scénarisé par Robert Morin (lauréat des prix Albert-Tessier en 2013 et Prix du Gouverneur général en 2009), Le problème d'infiltration promet de l'angoisse et des sueurs froides à la manière des Romary's Baby et The Shining. Car le film, mettant en vedette Christian Bégin, Sandra Dumaresq, William Monette et Guy Thauvette, se veut une espèce de version moderne de Dr Jekyll et Mr Hide.

«Au départ, je voulais revisiter les archétypes du cinéma expressionniste allemand des premiers jours: de Murnau, de Weim. Les revisiter avec des technologies modernes comme la couleur, le plan-séquence et les caméras mobiles, explique le réalisateur. Après cela, c'est un sujet aussi expressionniste qui est venu se greffer à ce concept visuel. Un sujet qui prête à cette espèce de stylistique exagérée. Puis j'ai choisi le narcissisme compulsif comme sujet et comme définition du personnage principal. Tout cela est un exercice de style très technique, chose que je n'avais jamais faite avant. Et ce qui en sort, les images, tout fonctionne extraordinairement bien.»

Le scénario, celui sur lequel il planche depuis environ 7 ans, raconte la journée où tout de la vie du personnage principal interprété par Christian Bégin lui échappe. «Il fait partie de ces gens qui se voient comme le soleil du système solaire.»

Un personnage glissant doucement dans la noirceur que le réalisateur avoue avoir tout d'abord imaginé être campé par deux autres acteurs reconnus pour leur allure sombre. «À la suite de problèmes de disponibilités, l'idée de choisir une personne lumineuse dans la vraie vie et de la faire chuter m'est apparue plus intéressante que de faire chuter quelqu'un qui portait déjà de la noirceur en lui», ajoute Robert Morin.

Personnage sombre, acteur lumineux

Christian Bégin en est à sa toute première expérience en tant qu'acteur principal de long-métrage. «Tourner un long-métrage en 17 jours est exigeant, demandant, mais aussi gratifiant et signifiant», affirme-t-il d'emblée.

«C'est un tournage absolument particulier. Robert Morin fait un cinéma assez singulier et sans compromis. Le choix de la forme et de la façon de tourner – qui est une sorte de long plan-séquence permettant d'accentuer la descente dans l'enfer de cette maison-là – est très exigeant au niveau du jeu et de la concentration. Et puis, je suis très tributaire de la technique. Comme on ne tourne pas d'une manière traditionnelle, il faut toujours se rendre au bout, mais aussi reprendre si techniquement ce n'est pas complètement béton. Cela demande une grande concentration, une grande disponibilité et une grande souplesse.»

Pour son premier grand rôle au cinéma, l'acteur n'aurait pu demander mieux en termes de défi créatif. «Une aventure artistique de cet ordre-là, c'est un beau cadeau! Je me retrouve dans un conte urbain d'horreur où Robert ne se gêne pas pour faire des clins d'oeil à The Shining ou à Nosferatu. On est dans le Kubrick, on est dans cet univers-là, c'est un beau trip.»

Ce personnage de chirurgien en pleine descente aux enfers, de narcissique obsessionnel compulsif, lui demande beaucoup d'introspection, mais aussi une grande nécessité de laisser-aller lorsque les caméras cessent de tourner.

«Cela pourrait devenir très lourd, plonger dans cette noirceur-là tous les jours, mais avec le temps j'ai appris à me dire que, quand je rentre chez moi, c'est terminé. J'entre dans le personnage quand c'est le temps d'y rentrer et j'en sors aussi assez rapidement. C'est mon grand ami Normand D'Amour qui m'a appris cela: c’est un métier où on doit jouer avec justesse, mais où on fait semblant. Comme je fais semblant de choses très dures en ce moment, cela demande beaucoup d'introspection dans le moment, mais aussi de pouvoir en sortir vite ensuite.»

«J'ai beaucoup lu sur les narcissiques obsessionnels afin de voir ce qu'est leur dynamique. Comprendre comment pour eux l'idée de l'échec est irrecevable et comment tout tourne toujours autour d'eux. Ces gens font toujours preuve d'une fausse empathie, d'une fausse compassion, alors qu'au fond tous les gens sont à leur service», explique l'acteur.

Une des grandes difficultés rencontrées lors de ce tournage hors du commun? Le fait de ne pas pouvoir tourner l'histoire dans son ordre chronologique. «C'est difficile, car il faut calibrer à quel état le personnage est rendu, puis revenir au point précédent, puis y retourner. Ces sauts dans le temps demandent beaucoup de vigilance et d'attention par rapport à la gradation des émotions qui se construisent au fil de l'histoire.»

Considérée et décrite par le réalisateur comme une personne lumineuse dans la vraie vie, Christian Bégin affirme avoir été légèrement surpris lorsqu'il a reçu l'appel de Robert Morin.

«Cela fait 30 ans cette année que je fais ce métier-là et mon trajet a été ponctué de toutes sortes de personnages. Je n'ai jamais été cantonné dans un genre de personnage. J'ai joué des bad guys et j'ai joué de bons gars. Là, je joue vraiment quelqu'un de noir. C'est un choix intéressant, car il faut d'abord que l'on croit à la sympathie du personnage avant de constater qu'il est un monstre. J'ai été surpris, mais aussi content qu'il prenne ce risque alors qu'en plus, il ne me connaissait pas du tout»

Le tournage du film de Robert Morin, Le problème d'infiltration, se poursuit jusqu'au 22 février. Le long-métrage est produit par Luc Vandal pour la Coop Vidéo de Montréal.

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