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Union libre ou mariage? La réponse en carte

Le Québec préfère l'union libre
USA, New Jersey, Bride and groom looking at each other
Tetra Images via Getty Images
USA, New Jersey, Bride and groom looking at each other

En amour, le Québec est une société distincte. Si la majorité des couples canadiens sont mariés, ceux du Québec choisissent beaucoup plus la vie en union libre que les autres Canadiens. Comment expliquer cette différence? Et quelles en sont les conséquences?

Un texte de Bruno Maltais

Selon les estimations de Statistique Canada, en 2015 :

  • 57 % des Canadiens de 15 ans et plus sont mariés ou vivent en union libre;
  • 81 % d'entre eux sont mariés, et 19 % vivent en union libre;
  • Au Québec, la proportion de personnes en couple qui vivent en union libre est de 36 %, près du double de la moyenne canadienne (y compris le Québec)

Le Québec préfère l'union libre

« Au Québec, l'union libre est très bien acceptée et est un cadre de formation de la famille comme le mariage. Par contraste, dans le reste du Canada, l'union libre est plus un prélude au mariage, et le mariage reste le cadre commun pour la constitution de la famille », explique Solène Lardoux, professeure au Département de démographie de l'Université de Montréal.

« Les unions libres au Québec sont plus stables (c'est-à-dire qu'elles durent plus longtemps) que dans le reste du Canada (et même du reste de l'Amérique du Nord), mais elles sont plus instables que les mariages », ajoute-t-elle.

« Aujourd'hui, chez les francophones du Québec, plus personne ou presque ne se marie avant d'avoir d'abord vécu en union libre avec son conjoint. Se marier est une étape possible, mais pas obligatoire, de la vie de couple, qui survient la plupart du temps après plusieurs années de vie commune. »

— Benoît Laplante, professeur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS)

Comment expliquer la plus forte proportion d'unions libre au Québec que dans le reste du Canada?

Le choix de l'union libre est souvent associé aux transformations sociales des années 1960, et notamment à la perte d'influence de la religion catholique.

La perte d'influence de l'Église catholique

« Les Québécois ont abandonné l'Église catholique progressivement au cours des années 1960 et de manière brusque à partir de 1967, au moment où l'Église a définitivement condamné la contraception », explique Benoît Laplante, professeur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). « À cette époque, le mariage ne pouvait encore être célébré que par un ministre du culte et il était extrêmement difficile d'obtenir un divorce. L'homosexualité était un crime, l'avortement était absolument interdit et on trouvait encore des articles du Code criminel qui restreignaient la diffusion de la contraception. Sur la famille et la sexualité, la loi séculière reprenait la doctrine de l'Église », ajoute-t-il.

Ensuite, « le divorce devient accessible en 1969, l'année même où l'on retire du Code criminel les articles qui restreignaient encore la diffusion de la contraception, ceux qui criminalisaient l'homosexualité et où l'on permet l'avortement dans certaines circonstances », explique Benoît Laplante.

« À partir de ce moment, l'écart entre la loi séculière et la doctrine de l'Église est énorme et les Québécois se rangent du côté de la nouvelle morale. Ils se mettent à divorcer, à vivre en couple sans être mariés, l'homosexualité y devient plus rapidement acceptée que dans le reste du Canada et, quelques années plus tard, l'avortement y sera accepté et utilisé plus largement que dans le reste du Canada. »

— Benoît Laplante

La montée du féminisme

Le féminisme a aussi joué un rôle important dans l'acceptation sociale de l'union libre, souligne Benoît Laplante.

« Même si on ne sait pas combien de couples vivaient en union libre dans les années 1970, le phénomène était assez important pour que le Conseil du statut de la femme recommande au gouvernement de renforcer le rôle du mariage comme institution fondée sur la dépendance économique des époux de manière à mieux protéger les femmes dépendantes de leur mari, mais recommande en même temps que le gouvernement s'abstienne d'intervenir dans les relations économiques entre les conjoints de fait qui choisissent justement de vivre ensemble sans se marier parce que leur couple est fondé sur l'égalité et l'indépendance. »

« Le partage du patrimoine familial est la principale mesure que le gouvernement mettra en place pour renforcer le mariage comme institution de protection économique. Il s'abstient toujours d'intervenir dans les relations économiques entre les conjoints qui vivent en union libre. »

— Benoît Laplante