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«Saint-André-de-l'épouvante» : Samuel Archibald fait entrer l'horreur au théâtre (ENTREVUE)

Samuel Archibald fait entrer l'horreur au théâtre
Courtoisie

Grisant, terrifiant et magnifique sont les mots utilisés par Samuel Archibald pour décrire le sentiment qui l’habitait quand il a entendu ses mots se répercuter en cascades de rires et en silences de peur dans les théâtres du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Gaspésie, où fut présentée sa toute première pièce, Saint-André-de-l’épouvante, qui débarque maintenant à Montréal.

Une fois encore, l’auteur d’Arvida fait honneur à sa région natale en campant sa première œuvre dramaturgique dans le village de Saint-André-du-Lac-Saint-Jean. « Avant, on disait “de l’épouvante”, mais la municipalité a changé ça, parce que ça sonnait St-Glinglin-des-meus-meus, comme si on allait au bout du monde. Mais dans mon imaginaire d’enfant, c’est toujours resté. La première chose à laquelle j’ai pensé en imaginant la pièce, c’est le titre. Ensuite, j’ai inventé une histoire pour aller avec. »

Peu à peu, il a élaboré le destin de cinq personnages réunis au bar-salon Le Cristal, alors qu’une tempête s’abat sur le village depuis deux jours. Faits prisonniers par l’orage, ils entreprennent de raconter leur peur la plus étrange : légendes urbaines, ouï-dire inscrit dans le patrimoine oral et histoires dramatiques ayant marqué à jamais les esprits. « Ils se mettent à se raconter des histoires parce que l’un des personnages veut ça. C’est un peu l’enjôleur, l’étranger ou le Survenant. Il a un plan pour eux, un plan pas très l’fun…»

N’inventant jamais à partir de rien, Archibald précise que tous ses écrits ont un léger côté anthropologique. « Je déterre beaucoup d’événements historiques, comme le grand incendie de Chapais ou l’histoire d’un avion écrasé au Lac, qui ont été complètement oubliés. Je pousse les personnages à réfléchir aux raisons qui font qu’on oublie certains trucs et pas d’autres… »

Toujours aussi fasciné par la mémoire, après avoir évoqué les petites et grandes histoires d’Arvida dans son premier recueil, Archibald écrit-il pour éviter qu’on l’oublie? « Je ne suis pas sûr que je vais être l’équivalent de Flaubert dans 200 ans, mais mes traces seront là. Quand tu écris des livres, qu’il y ait des milliards ou des centaines de personnes qui te lisent, il y aura toujours quelqu’un qui va te retrouver. Moi-même, j’adore lire des livres que je déniche dans une vente de garage ou chez une matante durant le temps des Fêtes. Chaque fois, c’est comme si je redonnais vie à quelqu’un. »

Il se fait toutefois un devoir d’aider ses contemporains à faire honneur à leur devise : « Je me souviens ». « Au Québec, on essaie beaucoup de se projeter dans l’avenir. C’est au cœur de la pensée depuis les années 60, quand on a commencé à réfléchir davantage à ce que le Québec pourrait ou devrait devenir. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est ce qui est et ce qui a été. C’est pour ça que j’ai écrit Arvida. La ville a une histoire particulière, mais trois fusions municipales plus tard et 50 ans plus loin, certains éléments ont disparu de nos mémoires. J’avais envie de dire : “ceci a déjà existé”. Je pense que partout au Québec, il y a plein de zones d’ombres et de lumières sur la façon de vivre en région qu’on ne doit pas oublier. »

Amant des régions, l’écrivain continue d’explorer la notion de communauté, dans toute sa beauté et sa laideur. « Il y a un côté pile et un côté face au concept de communauté. Ça peut être très positif et chaleureux, mais quand tu n’as pas ta place dedans ou que tu en as été expulsé, elle est loin d’être agréable. »

Ce n’est pas pour rien que sa pièce est dotée d’un exclu, Raynald, un malade mental, qui est constamment accompagné de ses parents, mais qui, soudainement, arrive au bar en solo. « C’est un peu à cause de lui que tout le monde se rassemble. En l’apercevant, la barmaid appelle le policier et d’autres hommes en renfort. Tout le monde a un point de vue sur lui. Ça devient une métaphore de la communauté régionale, une façon de parler de la peur de l’autre et une réflexion sur l’humain avec toutes ses failles. On réalise qu’une communauté n’est jamais plus soudée que lorsqu’elle déteste quelqu’un... »

Doutant des uns et des autres, se racontant des légendes et des souvenirs d’épouvante, révélant peu à peu leur vrai visage et réalisant qu’une histoire bien plus grave est en train de se produire au moment même où l’orage sévit à l’extérieur, les cinq personnages sombrent bien malgré eux dans un climat d’horreur.

« On pourrait lire la pièce comme un hommage à plusieurs éléments présents dans les romans de Stephen King et d’autres écrivains du genre. Le huis clos, la tempête, le leader négatif qui monte les gens les uns contre les autres, etc. On sent que le mal est dans la place et les spectateurs comprennent plus vite que les personnages qu’ils sont dans le trouble. »

L’auteur prend également un malin plaisir à faire frissonner son public. « Je fais écho aux histoires de peur qu’on se raconte autour du feu, quand on a l’impression que la petite fille aux cheveux noirs peut sortir de nulle part. C’est une façon de dire que le quatrième mur du théâtre n’est plus là et que les spectateurs sont peut-être en danger eux aussi… »

Invité à jouer avec les codes de la dramaturgie par Dany Michaud et Patrice Dubois du Théâtre Pàp, l’écrivain s’est d’abord senti comme un imposteur, malgré la renommée qui le précédait en littérature. « Comme je ne suis pas formé en dramaturgie, je me suis demandé si j’avais le droit d’écrire une pièce. Je suis même allé manger avec Michel-Marc Bouchard pour lui demander la permission, en quelque sorte. Quand j’ai fini par accepter, j’ai eu envie d’inclure des aspects d’épouvante et une structure de contes qui se rapproche de la nouvelle, pour ramener ça dans mes terres. Comme un point de rencontre entre le théâtre et ce que je connais bien. »

Son projet a également permis au théâtre de rencontrer un nouveau public, tant en Gaspésie qu’au Saguenay-Lac-Saint-Jean. « Quand on a fait une mini-tournée à Alma, Roberval et Dolbeau, les comédiens jouaient devant des assistances de 500 à 700 personnes. Étant donné que la pièce se passe en région, les gens savaient très bien de quoi il était question. Ça leur rentrait dans le corps. »

« Saint-André-de-l’épouvante » sera maintenant présentée à l’Espace GO de Montréal du 18 février au 12 mars 2016. Cliquez ici pour plus de détails.

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