Il y a quelques semaines, Abderrahman, un jeune habitant de la commune de Jemaât Sehim, dans la province de Safi (ouest du Maroc), est apparu dans une vidéo où il arrachait aisément, à mains nues, des morceaux d'asphalte d'une route récemment réalisée (vidéo en tête d'article). Dénonçant l'état médiocre de la construction, il a appelé les promoteurs du projet et le président de la commune à prendre leurs responsabilités.
Amplement visionnée, commentée et partagée, la vidéo a fini par lui valoir une plainte, déposée par le président de la commune de Jemaât Sehim, qui a poursuivi Abderrahman en justice.
Immédiatement après l'annonce de son arrestation, des marques de solidarité se sont multipliées, au Maroc comme à l'étranger. Les hashtags #كلنا_عبد_الرحمان ("Nous sommes tous Abderrahman") et #شدونا_كاملين ("Arrêtez-nous tous") totalisent plusieurs dizaines de posts, dont certains de citoyens réitérant son acte, et dénonçant eux aussi l'état médiocre de certaines infrastructures routières.
L'animateur radio Momo Bousfiha a, lui, publié une vidéo de solidarité avec Abderrahman:
Moulay Mehdi El Fathemy, président du Conseil communal de Moulay Abdallah, a lui-même partagé une vidéo où il dénonçait l'état d'une route construite dans sa circonscription. A notre confrère Febrayer.com, il a affirmé que "la société qui a construit cette route est responsable des dysfonctionnements", et qu'il n'hésitera pas à "rendre public tout scandale de ce genre".
Le ministère du Transport n'est pas habilité à ouvrir une enquête
Sommé de s'expliquer sur l'affaire, le ministre de l'Equipement et du transport Abdelaziz Rabbah a indiqué, sur sa page Facebook officielle, que la route en question "est non-classée, et ne dépend donc pas du ministère de l'Equipement. La route apparue dans la vidéo a été réalisée par la commune. Le ministère de l'Equipement ne peut donc pas diligenter une enquête dans ce sens. C'est au ministère de l'Intérieur et à la Cour régionale des comptes d'entreprendre une enquête."
La vidéo, un moyen de preuve recevable
En attendant d'en savoir plus sur l'accusation portée contre lui - certaines sources affirment que Abderrahman est poursuivi pour injure et outrage, en raison de la manière peu amène avec laquelle il s'est adressé au président de la commune - la vidéo constitue un moyen de preuve "parfaitement recevable, aussi bien au niveau de l'enquête préliminaire, menée par le parquet, lors de l'instruction menée par le juge qu'au niveau de la Cour. A charge aux ayants droits de condamner l'authenticité de la vidéo", avait déclaré Maître Omar Bendjelloun au HuffPost Maroc début 2015 pour la polémique autour d'une vidéo de policiers pris en flagrant délit de corruption.
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