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Radio-Canada: le gouvernement Trudeau se fait discret sur sa promesse de 150 millions de dollars

Réinvestissement dans Radio-Canada: Mélanie Joly refuse d'avancer un chiffre

OTTAWA – La ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly dit qu’elle travaille à augmenter « de façon substantielle » le budget de la société d’État CBC/Radio-Canada, sans se commettre à un chiffre précis.

« Une chose est sûre : Radio-Canada est vraiment une priorité pour nous et on travaille très fort pour augmenter de façon substantielle le financement », a affirmé Mme Joly en entrevue avec Le HuffPost.

Les libéraux pallieront-ils les 115 M$ de compressions imposées par le gouvernement Harper? « Je travaille très fort pour augmenter le budget de Radio-Canada », a-t-elle répété.

Pierre Nantel, critique du NPD en matière de culture et patrimoine, pense qu’un recul sur cette promesse de 150 M$ serait un « grave manquement » de la part des libéraux. Il invite la ministre Joly à « faire preuve de vigueur et de force » dans ce dossier, en prévision du premier budget Morneau.

"Ça fait un méchant bout que Radio-Canada est à la diète sévère..." — Pierre Nantel, député du NPD

« Si quelqu’un décide de skipper le lunch, ce n’est pas un drame. Mais si ça fait une semaine qu’on n’a pas mangé, ça peut être fatal. C’est la même chose en culture et au niveau du patrimoine », compare le député de Longueuil-Saint-Hubert.

« Ça fait un méchant bout que [Radio-Canada est] est à la diète sévère. C’est impératif de choisir où sont nos priorités. Vous aviez un plan? C’est le temps de le montrer. »

Le chef libéral Justin Trudeau avait fait de cet investissement de 150 M$ l’une de ses promesses-phares pendant la campagne électorale. Son annonce du 22 septembre dernier avait d’ailleurs pris place au centre-ville de Montréal devant des acteurs de la communauté culturelle québécoise.

Lors d’une entrevue avec la journaliste Francine Pelletier, Trudeau avait dit que le réinvestissement dans Radio-Canada, « ce n’est pas juste une question de protéger une institution, c’est de protéger les valeurs canadiennes ».

« Pour ça, Radio-Canada a besoin d’un financement stable, à long terme, prévisible et a besoin d’avoir une indépendance du gouvernement de l’heure et de la partisanerie politique », avait-il déclaré en avril 2015.

Lors de son premier point de presse en tant que ministre, Mélanie Joly affichait le même enthousiasme que son chef, disant qu’il était « extrêmement important de réinvestir 150 millions dans Radio-Canada et CBC ».

« C’est fondamental de faire en sorte de valoriser à nouveau les artisans de notre culture », avait lancé la nouvelle ministre responsable de la société d’État.

Changement de plan?

Les AMIS de la radiodiffusion canadienne, un organisme non partisan, croit qu’il est « prématuré » de critiquer le possible recul des libéraux au sujet de Radio-Canada avant la présentation du premier budget Morneau.

Mais le milieu culturel serait en colère si le gouvernement Trudeau ne tenait pas parole à ce sujet, avertit leur porte-parole Ian Morrison. « Ce pourrait être le début de la fin de la lune de miel pour eux », a-t-il fait savoir en entrevue avec Le HuffPost.

Il y a deux explications qui pourraient expliquer un changement de plan, à son avis. Tout d’abord, les libéraux voudront-ils donner des fonds à un conseil d’administration nommé par le gouvernement Harper?

Onze d’entre eux, dont le président Hubert Lacroix, ont été ou sont toujours des donateurs du Parti conservateur du Canada.

Mélanie Joly s’engage toutefois à réviser le processus de nomination du conseil d’administration de Radio-Canada – une autre promesse dans sa lettre de mandat – dans la prochaine année, a-t-elle dit au HuffPost.

Le contexte économique difficile et la promesse d’un déficit modeste peuvent aussi expliquer pourquoi la ministre du Patrimoine canadien ne veut pas se commettre à verser 150 M$ à la société d’État.

« Elle pédale peut-être en raison d’informations confidentielles qu’elle a reçues à propos des décisions budgétaires – dans un effort de tempérer les espoirs », indique Ian Morrison, des AMIS de la radiodiffusion canadienne.

"Il en va de la qualité des émissions présentées et de l’accessibilité de l’information régionale au Québec" — Monique Pauzé, députée bloquiste

Les partis d’opposition à Ottawa, eux, n’en démordent pas : le gouvernement Trudeau doit réinvestir dans CBC/Radio-Canada coûte que coûte.

« Le gouvernement n’a pas le choix et doit respecter sa promesse, signale Monique Pauzé, députée bloquiste de Repentigny. Il en va de la qualité des émissions présentées et de l’accessibilité de l’information régionale au Québec. »

« S’il y a quelque chose qui a fait l’unanimité dans la campagne électorale, c’est l’urgence à Radio-Canada. On en a tous convenu pendant la campagne – sauf les conservateurs, évidemment », raille Pierre Nantel, du NPD.

S’inspirer de Vice News

Radio-Canada/CBC doit mieux s’adapter au virage numérique de notre époque, a déclaré Mélanie Joly pendant une entrevue à la radio de CBC en décembre dernier.

L’ancienne candidate à la mairie de Montréal a dit qu’elle aimait le style de nouvelles de Vice News – un site web fondé dans la métropole qui a fait ses marques à l’international.

« Alors j’aimerais voir la CBC prendre plus de risques, en quelque sorte, en termes de contenu et c’est comme cela, ultimement, qu’il s’assurera d’attirer de nouveaux auditoires et de continuer à être pertinent. »

Avant cela, elle avait promis de bonifier l’aide à Radio-Canada, à condition qu’ils prennent le virage numérique.

"Il est inadéquat pour un ministre du Patrimoine canadien d’établir les priorités de programmation de CBC" — Ian Morrison, des AMIS de la radiodiffusion canadienne

« Il est inadéquat pour un ministre du Patrimoine canadien d’établir les priorités de programmation de CBC. Ceci est aussi illégal selon la Loi sur la radiodiffusion, qui garantit l’indépendance éditoriale de CBC/SRC », rétoque Ian Morrison.

Pierre Nantel croit qu’il faut éviter ce genre de commentaires envers le diffuseur public, « surtout quand on est ministre ». Il rejette toute comparaison entre Radio-Canada - « un exemple de rigueur journalistique » - et le site Vice News.

« D’évoquer cette manière de faire plus risquée, plus solo, plus "caméra GoPro sur le helmet pour faire un reportage", je trouve ça impertinent de la part de la ministre », critique le porte-parole du NPD.

Avant de vouloir changer Radio-Canada, prévient Monique Pauzé, la ministre Joly devra s’assurer de « continuer à offrir des points de vue éclairés et diversifiés », comme avec l’émission Bazzo.tv qui disparaîtra des ondes après 10 ans à l’antenne de Télé-Québec.

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